Comment négocier son salaire en temps de crise ?
02 déc. 2020
4min
Journaliste indépendante.
Qui dit fin d’année, dit également orgie de raclette, pluie de chocolats… et entretiens annuels. Si on attend avec impatience les deux premiers, le dernier suscite généralement quelques maux de ventre (ceci dit, à haute dose, les premiers aussi).
Toujours un challenge, la négociation salariale qui accompagne ce moment clé d’une année professionnelle est un exercice redouté. Et la crise sanitaire et économique y ajoute des questionnements supplémentaires : Est-ce le bon moment pour demander une augmentation ? Comment négocier en ces temps difficiles ? Après 25 ans à divers postes de directions dans les Ressources Humaines, puis une reconversion comme psychologue du travail et hypnothérapeute, Philippe Maubois partage avec nous son analyse et ses conseils.
Comment se porte votre entreprise ? Menez l’enquête !
Entre le chômage partiel, les premiers plans sociaux et le gel des embauches, demander une augmentation de salaire pourrait sembler du domaine de l’irréel. Et pourtant, Philippe Maubois crève l’abcès et recommande de ne pas hésiter : « Il n’y a pas de bon ou mauvais moment pour demander une augmentation. On l’évoque quand on pense que le travail que l’on fait nécessite une reconnaissance supérieure. » Pour cet expert de la négociation, il est naturel de vouloir être récompensé et reconnu, surtout lorsqu’on l’a mérité.
Si la crise sanitaire a conduit certains à perdre leur emploi ou vivre un chômage partiel, beaucoup d’autres ont dû adapter leurs méthodes de travail, faire des heures supplémentaires et assumer de nouvelles responsabilités pour épauler leurs collègues et leur entreprise ces derniers mois. Une preuve d’engagement qui ne doit pas passer inaperçue.
Pour autant, pas question de se montrer trop individualiste. « Il faut malgré tout prendre en compte la conjoncture. On ne peut pas espérer autant d’une entreprise qui licencie la moitié de son personnel que d’une entreprise qui a “simplement” subi une baisse d’activité », complète Philippe Maubois. Il va sans dire qu’il serait naïf, voire malvenu, de demander une augmentation pendant un plan de licenciement. Mais de nombreuses entreprises ont tout de même maintenu un niveau d’activité correct. Et parfois à faire des économies sur des projets non-essentiels, des voyages d’entreprise et autres frais professionnels, ont pu garder la tête hors de l’eau.
« On ne peut pas espérer autant d’une entreprise qui licencie la moitié de son personnel que d’une entreprise qui a simplement subi une baisse d’activité » Philippe Maubois, spécialiste RH et psychologue du travail
Alors avant tout, prenez le temps de vous renseigner sur les difficultés réelles de votre entreprise. Consultez les rapports d’activité mensuels, observez les dernières communications de l’entreprise, cherchez à savoir si elle a été concernée par les aides du gouvernement… Bref, sans tenter d’égaler Sherlock Holmes, menez votre enquête pour être conscient de votre marge de manœuvre en matière de négociation.
Combien valez-vous ?
Dans toute négociation, il faut être conscient de deux choses : le contexte externe et vos propres forces. Quelle est votre valeur sur le marché ? N’hésitez pas à prendre le temps de rechercher les salaires moyens pour votre poste et regardez votre niveau d’employabilité dans votre domaine. Il est évident qu’en période de crise, un expert de la composition chimique du gel hydroalcoolique a plus de pouvoir qu’un spécialiste en organisation de salons d’entreprise.
« Un collaborateur performant est précieux. Crise ou non, une entreprise cherchera toujours à retenir ses talents » Philippe Maubois
Mais surtout, soyez conscient de la valeur de votre travail. Qu’apportez-vous au quotidien à votre équipe et à votre manager ? « Un collaborateur performant est précieux. Crise ou non, une entreprise cherchera toujours à retenir ses talents », rassure Philippe Maubois. Même dans celles qui sont touchées par la crise, une négociation est possible. Et si une augmentation de salaire n’est réellement pas envisageable pendant cette période, réfléchissez aux autres avantages que l’on pourrait vous proposer pour valoriser votre investissement et votre mérite : des jours de congés supplémentaires, du matériel informatique de meilleur qualité, l’accès à un programme de formation interne, du temps libre pour faire du mécénat de compétences… Il existe de nombreuses manières créatives d’obtenir un résultat gagnant / gagnant.
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Quoi qu’il arrive et même sans promesse d’augmentation immédiate, faire une demande argumentée et rappeler à votre manager votre valeur est toujours bénéfique. C’est une preuve de professionnalisme, de confiance en soi et d’initiative.
La base d’une bonne négociation en 4 points
Une fois la situation économique de votre entreprise et votre marge de manœuvre plus claires, il est temps de vous préparer à la négociation. Pour cela, il va falloir formaliser vos arguments, mais aussi vous préparer psychologiquement : vous devez être le premier convaincu du bien-fondé de votre démarche. Sans quoi, il est peu probable que vous parveniez à en convaincre quelqu’un d’autre.
Mettez à plat vos réalisations de l’année : Plus les preuves de votre travail sont précises, tangibles et chiffrées, plus les négociations seront faciles.
Déterminez ce que vous voulez : Vous devez être capable d’avancer un chiffre relativement précis. Ou au moins une fourchette.
Partez avec un état d’esprit positif : Montrez-vous calme, sûr de vous et précis dans vos arguments. Vous montrer vindicatif risquerait d’irriter votre employeur.
Soyez prêt à rebondir : Si la proposition de votre manager est inférieure à vos prétentions de départ, ne refusez pas d’emblée. Prenez le temps d’y réfléchir, surtout en période de crise. Et si vous obtenez un “non” définitif, ayez un back-up en tête (prime, variable, avantage en nature…) pour rebondir rapidement.
Professionnellement et moralement, demander une augmentation de salaire en temps de crise peut sembler difficile. Et pourtant ! Avec une bonne connaissance du contexte de l’entreprise et de vos réalisations, rien ne vous empêche d’obtenir l’augmentation que vous pensez mériter. « Les gens négocient par leurs émotions plutôt que par la raison. C’est une erreur. La clé est d’être sûr de vous, car les collaborateurs qui connaissent leur valeur n’ont aucun problème à négocier », conclut Philippe Maubois. Alors prenez une tartine de raclette au chocolat, un shoot de confiance, et c’est parti !
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