« J’ai profité du confinement pour écrire un livre » Témoignages

16 juin 2020

8min

« J’ai profité du confinement pour écrire un livre » Témoignages

Le confinement a définitivement été une période propice pour s’atteler à de nouvelles activités et faire éclore certains talents insoupçonnés. L’isolement, le calme et un nouveau rapport au temps auront permis à certains de se découvrir une passion pour la cuisine, l’agriculture urbaine ou encore… l’écriture. D’après une enquête de Harris Interactive, un Français sur dix aurait même commencé à écrire un livre pendant cette période inédite.

Elodie Soulat, Alexandre Stern et Stéphane Kislig font partie des 5 millions de Français qui se sont lancés. Si Elodie et Alexandre planchent encore sur la réécriture de leur manuscrit, Stéphane a une longueur d’avance puisqu’il vient de publier son roman sur Amazon. Quelle a été la motivation profonde de chacun d’entre eux ? En quoi cette période les a aidés à mener à bien leur projet, voire à réaliser un rêve ? Et quelles difficultés ont-ils rencontrées sur le chemin ? Retour sur leur expérience d’écrivains confinés.

Le confinement, une parenthèse bénie pour l’écriture

Le 26 mars, c’est dans un Paris confiné qu’Elodie atterrit. Face à l’ampleur de la crise sanitaire, cette jeune diplômée a dû rentrer précipitamment en France après neuf mois passés sous le soleil australien dans le cadre d’un “working holiday visa”. Le retour au pays est difficile : pas de travail en perspective, pas d’appartement - elle loge chez sa sœur -, pas de retrouvailles avec ses proches à l’horizon. Très rapidement, la nostalgie du voyage se fait sentir. C’est donc très naturellement, dix jours seulement après son retour, qu’une envie d’écrire sur son périple sur la côte Est de l’Australie émerge. « L’écriture s’est présentée comme un moyen de rester connectée à mon voyage et de consacrer mon temps à un projet constructif » explique-t-elle. Puis, elle tombe malade et doit rester enfermée dans sa chambre 15 jours d’affilée. Un mal pour un bien puisque cette situation lui a permis d’écrire très rapidement. « J’écrivais comme les idées venaient… et je suis très vite arrivée à une trentaine de pages. » Maintenant que le livre est en phase de relecture, elle prend du recul : « En fait, le confinement m’a obligée à rester statique. S’il n’avait pas eu lieu, je n’aurais jamais pris le temps d’écrire ce livre, je me serais sans doûte agitée dans tous les sens pour trouver un appartement, un travail… J’aurais aussi eu envie de passer du temps avec mes amis, ma famille. »

« Le confinement m’a obligée à rester statique. S’il n’avait pas eu lieu, je n’aurais jamais pris le temps d’écrire ce livre, je me serais sans doûte agitée dans tous les sens » - Elodie Soulat, qui a profité du confinement pour raconté son périble avorté en Australie

De son côté, Alexandre, qui travaille dans le conseil, a vu dans le confinement l’occasion rêvée d’écrire son troisième livre, qu’il avait prévu de commencer cet été seulement. « Je travaille dans le conseil, il y a donc des petites périodes de l’année où je suis plus ou moins occupé. Je profite donc de certaines accalmies pour écrire. » explique-t-il. Le confinement aura accéléré son processus d’écriture et lui aura permis de se concentrer sur son troisième livre plus tôt que prévu. Passionné par le goût et la gastronomie, et avide de challenge, Alexandre s’est en effet lancé un défi bien spécifique depuis deux ans : aborder tous les genres littéraires sous l’angle du goût. Dans son premier livre, l’Explorateur du goût, qu’il a pensé comme un guide de voyage, il liste tout ce qu’il faut avoir goûté au moins une fois dans sa vie. Dans son deuxième livre, un essai historique intitulé Le Singe Cuisinier, Alexandre Stern raconte la manière dont la cuisine a joué un rôle dans le développement de l’humanité. Il a donc profité du calme lié au confinement pour continuer sur sa lancée et s’atteler à un troisième livre : son premier roman. « C’est très agréable de se dire qu’il y a quelque chose que je peux faire à n’importe quel moment pour combler mon temps. Je n’aime pas rester inactif, j’aime être productif. Ainsi, je suis toujours occupé, quelle que soit la situation économique. » se réjouit-t-il. « Et puis, je n’ai pas de patron donc je m’organise comme je veux. Même si, avec deux enfants à la maison, ce n’est pas toujours évident… Pendant le confinement, je me suis isolé dans une chambre quelques heures par jour pour mieux me concentrer. » Résultat : il est aujourd’hui un auteur déconfiné et heureux, puisqu’il a pu écrit son premier jet, c’est à dire 230 pages.

« J’aime être productif. Avec l’écriture, je suis toujours occupé, quelle que soit la situation économique » - Alexandre Stern, qui a profité du confinement pour écrire son troisième roman

Le confinement aura également donné à Stéphane Kislig, formateur en gestion de patrimoine, un surplus de temps non négligeable. Lorsqu’il apprend que toutes ses formations sont annulées, il se dit que le moment est bien choisi pour se faire plaisir pendant deux mois et se lancer un nouveau défi personnel : écrire son premier roman. Ce touche-à-tout, raconte le cheminement de son projet : « Au départ, Je voulais écrire un roman policier, mais je voulais absolument avoir terminé l’écriture avant la fin du confinement car je savais que je ne pourrais pas continuer avec la reprise de mes activités professionnelles. Mais écrire un roman policier demande du temps. Il faut faire un travail d’investigation colossal et beaucoup de recherches. J’ai donc opté pour l’écriture d’un roman illustré, un projet artistique que j’ai d’ailleurs toujours eu envie de réaliser. » C’est le moment rêvé pour cet intrépide formé aux Beaux-Arts, de concrétiser son envie de mêler art et littérature. Il dessine alors 83 planches qu’il signe de son nom d’artiste “K.” pour illustrer son livre. Un travail artistique complet qu’il ne se voyait pas repousser au lendemain compte tenu du temps que lui offrait le confinement.

Deux mois pour écrire : un challenge personnel

Mais ce n’est pas la prouesse artistique qu’il cherche, c’est avant tout pour se challenger que Stéphane s’est lancé. « J’ai 54 ans, je suis ni journaliste, ni écrivain, je voulais simplement voir si j’étais capable d’écrire un roman qui tienne la route, et dans un temps imparti. » Ce qui stimule ce formateur aux multiples facettes, c’est surtout d’organiser et construire un projet de A à Z… et de prouver à ses enfants qu’il est encore plein de ressources. « J’ai l’habitude de créer des projets, de monter des initiatives, de me lancer des défis. Ça me transcende, ça me rajeunit. Souvent, mes enfants me charrient, me disent que je suis trop vieux pour faire ci, ou ça, donc je leur prouve le contraire. Il y a quelques années, j’ai monté un restaurant et je leur ai promis qu’un jour Miss France viendrait y déjeuner. Et c’est arrivé ! J’ai aussi parié que mon restaurant passerait au Journal Télévisé de Jean-Pierre Pernaut… et c’est arrivé ! » Son leitmotiv : se dépasser sans cesse. Résultat, deux mois et demi plus tard, son roman Une existence, illustré de ses 83 dessins, est disponible sur Amazon.

« J’ai l’habitude de créer des projets, de monter des initiatives, de me lancer des défis. Ça me transcende, ça me rajeunit. » - Stéphane Kislig, apprenti écrivain qui a publié son premier livre sur Amazon

Du premier mot à la publication, Stéphane s’est frotté à l’exercice en solo. Mise à part une relecture par une amie professeur de français, il n’a échangé avec personne sur l’histoire de son roman. Ce livre, c’était SON projet, qu’il a mené en toute discrétion. Il le confirme, l’œil pétillant : « Personne n’est au courant de l’histoire… Ma femme va le lire la semaine prochaine. C’est la surprise totale pour tout le monde ! Une fois publié, la critique sera encore meilleure, j’ai hâte de découvrir la réaction des personnes à qui je vais le faire lire ! » Il se rassure tout de même. « Et puis, si quelqu’un dit qu’il n’est pas bon, ce n’est pas forcément qu’il est mauvais, c’est qu’il n’est pas à son goût. »

Pour Elodie, la baroudeuse privée de voyage, écrire un livre était aussi une première, et un challenge. « Je suis très bavarde et je me suis toujours dit que si j’étais capable de parler autant, je devais aussi être capable d’écrire beaucoup, s’amuse-t-elle à dire, et j’ai toujours voulu écrire ! » nous confie-t-elle. Pour s’assurer qu’elle ne fait pas fausse route, elle a décidé de faire « relire les premières pages à quelqu’un de proche qui a beaucoup d’appétence pour l’écriture. Et ses retours ont été très encourageants : d’après elle, la forme, le fond, le ton étaient justes. » Et plus elle avance dans l’écriture, plus sa patte, humoristique, s’affine. Plus elle met ses souvenirs en forme, plus l’envie de partager son récit avec son entourage se fait sentir. « Au début, j’écrivais ce livre pour moi, pour avoir une trace écrite de mon voyage, que je pourrais relire plus tard. » précise Elodie. Mais, doucement, l’autrice en herbe structure davantage son manuscrit afin de partager de la meilleure façon possible les détails de son aventure avec de potentiels futurs lecteurs.

Une expérience constructive et bénéfique pour tous type de futurs professionnels

Au delà du challenge que constitue la rédaction d’un livre, cette expérience pourrait bien les aider dans leur vie professionnelle respective. C’est un exercice difficile, qu’Alexandre prend au sérieux. « J’apprends en écrivant. Le roman est un genre littéraire que je n’avais encore jamais essayé. Puisque c’est nouveau pour moi, j’ai commencé par tester quelques chapitres que j’ai envoyés à mon agent littéraire. J’ai ensuite réécrit grâce à ses recommandations et celles de personnes qui connaissent bien le secteur. Je suis revenu plusieurs fois en arrière. » Il est tout à fait conscient que son travail d’écriture rend son parcours professionnel atypique et intrigant, tant du côté du conseil que celui de l’édition.

De son côté, pour relever son défi d’écriture, Stéphane Kislig s’obligeait à rédiger tous les jours, de 6 heures du matin à midi. Bien qu’agréable et stimulant, l’exercice lui a parfois donné du fil à retordre. « Les idées ne manquaient pas. J’ai d’ailleurs tout fait de tête, sans plan au préalable. En revanche, j’ai mis plus de temps que prévu pour les retranscrire. » observe-t-il. Il avoue, sourire en coin : « Au départ, je pensais que ça allait être beaucoup plus facile, mais ça a été un vrai challenge ! Il faut peser les mots, reprendre ses phrases, veiller aux fautes, la syntaxe, passer du temps sur la mise en page…. C’est un travail de fou, je ne m’en rendais pas compte avant ! » Et c’est tout un nouvel univers qui s’est ouvert à lui.

« Il faut peser les mots, reprendre ses phrases, veiller aux fautes, la syntaxe, passer du temps sur la mise en page…. C’est un travail de fou, je ne m’en rendais pas compte avant ! » - Stéphane Kislig

Elodie aussi s’est imposée un rythme d’écriture pour créer un objet de qualité. « J’ai mis un réveil tous les matins. Ce moment d’écriture était un rituel que je m’offrais. J’aimais ce rythme régulier, c’était un peu comme si j’étais en télétravail. » Elle se donne confiance en suivant des petits conseils d’écriture qu’elle glane sur Internet, et c’est en faisant qu’elle apprend. « Pendant le confinement, la Fnac offrait le téléchargement de certains livres. J’ai pu feuilleter un livre qui donnait des conseils d’écriture, ce qui m’a permis de savoir combien de mots minimum je devais écrire, combien de pages compter par chapitre… »

En tête-à-tête avec son récit et ses souvenirs, elle teste autant sa plume que sa mémoire. In fine, cette expérience inédite lui aura donné plus de confiance et plus d’assurance. « Je pense que l’écriture est presqu’à la portée de tous, mais on n’a pas tous l’envie, ni la patience de le faire. Je ne suis pas quelqu’un de patient, mais le simple fait de me rendre compte que je suis capable d’écrire et que j’ai réussi à aller au bout de l’écritude d’un livre est une fierté. Je suis très contente car je l’ai fait avant tout pour moi. » Elodie en est sûre : ces nouvelles compétences pourront lui servir lors de son prochain emploi, quel qu’il soit. Stéphane partage lui aussi la même fierté et en sort plus fort pour relevé un prochain défi professionel. « Même si le sujet que j’ai traité n’intéresse pas forcément tout le monde, ce que je retiens de cette expérience, c’est que j’ai osé, je l’ai fait. C’est une satisfaction personnelle et professionnelle de se dire : “j’ai réussi”. »

« Ce que je retiens de cette expérience, c’est que j’ai osé, je l’ai fait. C’est une satisfaction personnelle et professionnelle de se dire : “j’ai réussi”. » - Stéphane Kislig

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Photo d’illustration by WTTJ