Arrêter ses études pour travailler : bonne ou mauvaise idée ?

03 juin 2019

6min

Arrêter ses études pour travailler : bonne ou mauvaise idée ?
auteur.e
Marianne Shehadeh

Créatrice de contenus @ Point Virgule

Vous êtes en fin de stage, tout s’est très bien passé et l’entreprise vous propose un contrat en CDD ou, mieux, en CDI ! Que faites-vous ? Deux options s’offrent à vous : accepter le deal au péril de vos études ou refuser pour poursuivre ces dernières…

Romane, 25 ans, est partie vivre à Paris pour suivre un cursus de production et de médiation culturelle à l’Institut d’études supérieures des arts (IESA). Après de nombreux stages dans divers secteurs (musique, musée, galerie, salon d’art), elle réalise deux stages décisifs dont un dernier au sein de la société de production Flab Prod. Elle fait alors le choix de ne pas continuer ses études à la suite de ce stage et après l’obtention de son Bachelor (bac +3), afin de saisir une opportunité professionnelle.

Aujourd’hui coordinatrice de production au sein de Troisième Œil Productions pour les émissions « C à vous » et « C l’hebdo » sur France 5, Romane ne regrette pas ce choix. Elle revient pour nous sur les “pour et contre” qui ont jalonné sa réflexion avant de sauter le pas.

Choix 1 : accepter un contrat et interrompre ses études

Un choix plus ou moins risqué selon les secteurs

Un étudiant sur cinq serait concerné par ce dilemme, selon une étude menée par Le Journal des Bac +2/3 de mars 2012.

Face à ce choix cornélien, il faut d’abord relativiser. Bien que le diplôme reste une passion française, les stages et l’expérience de terrain comptent parfois tout autant, voire davantage aux yeux des employeurs. « Je pense que ce choix dépend grandement du secteur, explique Romane. Personnellement je n’ai jamais mieux appris que sur le terrain ; le principal est d’avoir confiance en ses compétences et de savoir les mettre en valeur. »

Dans certains domaines, il est en effet tout à fait envisageable d’intégrer le marché de l’emploi avec un bac +2 ou +3 en poche, sans nécessairement continuer jusqu’au Master (voire plus).

« À la fin de ma troisième année, j’ai eu l’opportunité de faire un stage de six mois à Flab Prod (Canal+) pour “Canal Football Club”. J’ai ensuite décidé d’arrêter mon parcours d’études afin de trouver un emploi. La production audiovisuelle étant principalement un secteur de réseautage, j’ai repris contact avec un ancien collègue lorsque j’ai eu vent d’une opportunité à “C à vous”, en tant que coordinatrice de production », poursuit Romane.

Romane explique les raisons qui l’ont poussée à finalement ne pas poursuivre un master comme elle l’avait initialement prévu :

  • le coût des études et le coût de la vie – « Combiner stage + cours + job étudiant est épuisant. » ;

  • l’envie d’indépendance – « Je ne voulais pas d’aide de mes parents. » ;

  • sauter sur l’opportunité – « À la fin de mon stage, je savais que si je voulais un poste, il fallait que je sois présente au bon moment et au bon endroit. J’ai donc dit non aux vacances d’été et cela a été payant. On m’a appelée pour des piges tout l’été, puis on m’a proposé un poste d’un an en septembre. »

  • enrichir son CV – « C’était l’occasion de travailler pour des émissions portant des noms populaires, ce qui est bien plus important sur un CV que le nom de mon l’école. »

  • la désillusion du diplôme – « Je me suis rendu compte que personne ne me demanderait jamais mes diplômes, et qu’avoir des années supplémentaires d’études ne me ferait pas évoluer plus vite dans la hiérarchie et ne m’offrirait pas un meilleur salaire. »

Anticiper les conséquences pour prendre sa décision sereinement

Avant de prendre une telle décision, il est important de prendre en compte les arguments qui pourraient faire pencher la balance de l’autre côté… Réfléchir aux divers obstacles qui pourraient se dresser par la suite est fondamental pour envisager l’avenir sereinement et assumer ce choix.

Si elle ne regrette pas sa décision, Romane a tout de même dû faire face à certaines craintes au moment de sauter le pas.

  • La peur de regretter de ne pas poursuivre ses études, de ne pas aller jusqu’au bout de son plan initial. « J’appréhendais ce choix, je me disais que je pourrais un jour être déçue de ne pas avoir atteint l’objectif du master et du doctorat que je m’étais fixé en troisième. » Rebondir sans diplôme ou bien reprendre des études après coup n’est pas toujours évident. C’est pourquoi Romane avait prévu une bouée de secours : « Je m’étais tout de même inscrite à l’université par précaution, en me disant que si je ne trouvais pas d’emploi, je pourrais obtenir une convention de stage. »

  • Assumer un choix audacieux devant ses proches n’est jamais simple. La peur de se sentir jugé, de décevoir ceux qu’on aimerait rendre fiers, est toujours présente dans un coin de sa tête. « Dire à ma mère que je m’arrêtais là a été compliqué. Mon diplôme venant d’une école privée non reconnue par l’État, il faut passer une équivalence de licence. Cette épreuve avait lieu en septembre, et j’avais déjà trouvé un poste à ce moment-là, je n’y suis donc pas allée. » Une fois la décision prise et le contrat signé, la machine est lancée : pas de marche arrière possible.

  • Enfin, assumer devant ses collègues, dans le monde professionnel est un réel défi. « Mon travail consiste aussi à manager des équipes, et parfois des personnes bien plus âgées que moi. J’ai eu peur que mon jeune âge freine les employeurs ou que je ne réussisse pas à me faire respecter. » Les préjugés ont la vie dure, en particulier ceux qui touchent l’âge lorsque s’en mêle la notion de hiérarchie.

Seul un choix parfaitement réfléchi et assumé permettra de surmonter ces difficultés.

Choix 2 : continuer ses études, mais rater une opportunité professionnelle

Le diplôme, un atout solide pour démarrer dans la vie active

La sécurité du diplôme représente certainement le principal argument en faveur de la poursuite des études. Dans certains secteurs, un bac +5 est une condition sine qua non pour accéder à un poste ; le Master se révèle en effet indispensable pour acquérir des connaissances théoriques et compléter la formation entamée en Licence. Enseignants, ingénieurs, directeurs, responsables de département… Certains métiers requièrent un diplôme, et d’autant plus dans les grands groupes ou la fonction publique.
Par ailleurs, le niveau du diplôme permet de manière générale de prétendre à des grilles de salaires plus élevés et d’envisager une progression de carrière potentiellement plus rapide, notamment dans les grandes entreprises.

Poursuivre ses études pour valoriser son profil et provoquer de nouvelles opportunités

Vous dire que le train de l’opportunité ne passera pas deux fois est faux : certes, ce poste-ci à ce moment précis ne se représentera certainement pas une seconde fois, mais la poursuite de vos études générera obligatoirement de nouvelles opportunités dans le futur, potentiellement plus intéressantes.
En effet, les expériences à l’étranger et les stages par exemple sont autant de chances de multiplier les rencontres, d’élargir son réseau, de gagner en maturité, et donc de générer par la suite de nouvelles opportunités.

Par ailleurs, continuer ses études permet d’affirmer une spécialisation et donc de valoriser son profil. La finalité ? Décrocher un emploi plus qualifié, où la concurrence pourrait être moins rude. Un atout dans une jungle de l’emploi ultracompétitive.

Concernant la reprise de ses études, Romane ne ferme aucune porte : « Mon école m’envoie tous les ans un rappel pour me dire que je peux toujours passer l’épreuve d’équivalence et poursuivre dans leur Master ou à la fac. Je n’envisage pas de le faire, mais je pense souvent à suivre une formation courte et professionnelle de l’Afdas ou de Pôle emploi dans le but d’élargir mon domaine de compétences. »

Choix 3 : l’alternance comme compromis

La voie de l’alternance ou de l’apprentissage, si elle est envisageable, représente un entre-deux très intéressant et accommodant : il s’agit de continuer ses études et de travailler en parallèle, tout en négociant – si possible – une promesse d’embauche après l’obtention de son diplôme. Cette option vous permettra non seulement de financer vos études, d’avoir un pied ancré dans le monde du travail, d’être rémunéré (tout en cotisant pour votre retraite) mais d’être sur le terrain tout en restant sur les bancs de l’école.

Alors, quels critères prendre en compte pour faire le bon choix ?

Quelques conseils à garder en tête :

  • Prenez du recul, ne soyez pas impulsif dans votre décision.
  • Consultez vos proches, vos professeurs, des anciens élèves.
  • Anticipez en imaginant les scénarios possibles, puis listez tous les arguments pour et contre en fonction de votre projet professionnel et de votre contexte personnel.
  • Prévoyez un plan B.

Par ailleurs, il est important de noter que si vous faites le choix de ne pas poursuivre vos études, votre personnalité et votre attitude joueront alors un rôle fondamental dans la réussite de votre transition anticipée vers le monde du travail. Selon Romane, certaines qualités sont indispensables.

  • L’adaptation
    « Il faut savoir comprendre les codes du secteur dans lequel on travaille. Savoir mettre les mains dans le cambouis dès le premier jour pour faire ses preuves d’une part, mais aussi pour pouvoir déterminer rapidement si on a fait le bon choix, d’autre part. »

  • La motivation
    Pour réussir à s’imposer, il faudra redoubler d’efforts, ne pas baisser les bras même en cas de désillusion ou de remords. « ll faut toujours avoir envie d’apprendre, de découvrir et, même si on se rend compte que le poste ne nous plaît pas, il faut savoir en tirer le meilleur et prendre tout ce que l’on peut (contacts, techniques, outils…). »

  • La confiance
    Elle se travaille et se construit tout au long de la vie, mais elle est fondamentale pour assumer un choix qui ne rentre pas dans la “norme” : la confiance en soi. « Il faut avoir un peu d’audace, estime Romane. Et ne pas avoir peur de se tromper ; si on reste trop discret, on risque de ne pas avancer. »

Quand il s’agit de carrière, aucun choix n’est simple et la décision reste très personnelle : prendre le risque de sauter sur une opportunité ou au contraire jouer la carte de la prudence, tout dépendra du secteur dans lequel vous évoluez, de votre personnalité et bien sûr de ce que votre instinct vous dicte. Et vous, vous êtes plutôt team « la chance sourit aux audacieux » ou team « prudence est mère de sûreté » ?

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