Premier emploi : l'inquiétude monte chez les jeunes diplômés

24 mars 2020

7min

Premier emploi : l'inquiétude monte chez les jeunes diplômés
auteur.e
Alexandre Nessler

Journaliste - Welcome to the Jungle

Il y a quelques mois, votre stage de fin d’études arrivait à sa fin ou peut-être étiez-vous en train de passer votre soutenance de mémoire, heureux d’avoir terminé votre formation académique et excité à l’idée de commencer votre carrière professionnelle. S’en suivait une période de recherche d’emploi « pas toujours agréable » mais qui commençait à se décanter au fil des mois. Plus de réponses de la part des entreprises, plus d’entretiens, et même une plus grande aisance à exposer votre projet professionnel aux recruteurs. Pour vous ou certains de vos anciens camarades de promo, le Graal du premier contrat semblait même à portée de main. Mais la menace du coronavirus, qui semblait encore lointaine il y a peu, est aujourd’hui bien réelle et vient bousculer vos plans. L’épidémie bouleverse l’économie globale et le secteur de l’emploi. Ses conséquences sont lourdes : les processus de recrutement sont pour la plupart interrompus, affaiblissant en même temps vos espoirs d’embauche rapide. Nous avons rencontré des jeunes diplômés en recherche d’emploi qui, peut-être comme vous, se retrouvent actuellement frustrés, impuissants mais surtout inquiets au milieu de cette crise.

« Désolé, mais cela ne se fera pas »

Dario, diplômé en décembre d’une école de communication, était sur le point de de rejoindre une entreprise le jour de l’annonce du confinement. « J’étais en contact avec une start-up, les entretiens s’étaient bien passés et j’avais eu une promesse d’embauche orale, c’était presque fait » Mais les mesures prises par le gouvernement, suite à la rapide propagation de l’épidémie, ont fait voler en éclats sa proposition d’embauche. « J’ai reçu un mail lundi (16 mars, jour de l’annonce du confinement, ndlr) dans lequel on me disait que l’activité de l’entreprise était à l’arrêt et que le recrutement n’était plus à l’ordre du jour. “Désolé, mais cela ne se fera pas.” Ils m’ont même dit de poursuivre mes recherches de mon côté, preuve que le poste était définitivement fermé. »

« J’ai reçu un mail lundi 16 mars dans lequel on me disait que l’activité de l’entreprise était à l’arrêt et que le recrutement n’était plus à l’ordre du jour. » Dario, jeune diplômé

Même désillusion pour Géraud, diplômé en génie civile depuis quelques mois, qui cherchait activement un emploi depuis début février et pensait avoir enfin trouvé un poste dans un grand groupe de construction. « J’ai signé la promesse d’embauche le jour de l’allocution d’Emmanuel Macron, mais la RH avec qui j’étais en relation a mis nos échanges en attente pendant deux jours. Le mercredi, on m’a appelé pour me dire que tous les processus de recrutement étaient mis en pause à cause du confinement. »

Les recherches de premier emploi paralysées

Bien que pour Dario et Géraud, le timing ait été particulièrement cruel, c’est bien l’ensemble des jeunes diplômés qui déplorent l’effet négatif de la crise du coronavirus sur leurs recherches d’emploi. Un véritable coup d’arrêt pour ceux qui étaient impatients de faire leurs débuts dans la vie active. C’est le cas d’Inès, qui, constatant le manque d’offres dans son domaine, a même depuis décidé d’interrompre ses recherches. « J’ai décidé d’arrêter de chercher pour le moment. Ça faisait plus de 3 mois que je ne faisais que ça, et maintenant, il n’y a même plus d’offres. » Dario, qui s’était remis à chercher dans les jours qui suivirent l’arrêt brutal de son recrutement, a lui aussi fini par abandonner *« Après cette désillusion, j’ai continué à me tenir au courant des offres d’emploi, à me balader sur différents sites de recrutement, mais il n’y a plus rien depuis le début du confinement alors j’ai décidé de faire une pause dans mes recherches . »_

« Ça faisait plus de 3 mois que je ne faisais que ça, et maintenant, il n’y a même plus d’offres. » Dario

Au-delà de l’interruption des processus de recrutement de bon nombre d’entreprises à l’heure actuelle, c’est l’avenir qui cristallise les doutes. « Ce qui m’inquiète encore plus, quand je regarde les infos à la télé ou à la radio - je ne devrais peut-être pas le faire d’ailleurs - c’est ce qui nous attend après la fin de l’épidémie, renchérit Dario. À entendre les experts et les chaînes d’info, on se dirige tout droit vers une catastrophe économique. Ça me fait penser que les opportunités d’embauches risquent d’être nettement moins nombreuses. » Une difficulté supplémentaire pour Inès, pour qui, même en temps “normal”, la recherche du premier emploi constituait un vrai parcours du combattant : « La vérité, c’est que décrocher un emploi était déjà compliqué avant : on est des jeunes diplômés face à des candidats plus expérimentés… Juste avant le confinement, j’étais sur la bonne voie pour obtenir un job, mais l’autre personne qui est arrivée au bout du processus avait deux ans d’expérience. C’est sur elle que le choix de l’entreprise s’est porté. » Selon elle, le manque d’expérience, qui fait souvent défaut dans les processus de recrutement, risque d’être encore plus handicapant après la fin du confinement. « Je pense que s’il y a moins d’embauches à la fin du confinement à cause des difficultés économiques qui se profilent les jeunes diplômés seront dans les premiers à en souffrir. » La crainte, pour elles comme pour les autres, est de voir les entreprises se concentrer sur la relance de leur activité et ne faire confiance qu’aux profils expérimentés.

« S’il y a moins d’embauches à la fin du confinement à cause des difficultés économiques qui se profilent les jeunes diplômés seront dans les premiers à en souffrir. » Inès, jeune diplômée

Tous égaux dans l’incertitude

Et l’ensemble des jeunes diplômés seraient tous logés à la même enseigne, quel que soit leur profil. Même pour ceux qui, après leur diplôme, se sont lancés en indépendant, la recherche de premiers clients semble pour le moment compromise. C’est le cas d’Alexander, photographe et vidéaste de sport nautique (voile sportive et course au large) : « J’ai décroché un premier contrat pour une course de 30 jours dont le départ était prévu le 7 mai. C’était une superbe opportunité mais la course a été reportée à cause de la fermeture des frontières américaines (l’arrivée de la course était prévue aux Etats-unis, ndlr) et sera sans doute annulée, ce qui signifierait pour moi un retour à la case départ. »

Le pire, c’est l’incertitude. Pour Alexander, comme pour les autres, il est difficile de dire de quoi leur avenir sera fait. « La plupart des courses sont annulées ou reportées, mais on n’a aucune visibilité quant à la durée de cette période d’inactivité. » Un sentiment qui paralyse toute perspective d’épanouissement professionnel et personnel. C’est dans l’attente que réside le calvaire : « C’est très stressant, et puis il me reste rien à faire… à part cogiter. Je me sens impuissant. » reconnaît Alexander. Inès, qui a arrêté de chercher de nouvelles annonces, attend la fin du confinement en s’occupant comme elle peut mais sans savoir combien de temps cela durera : « On ne sait pas vraiment quand est-ce qu’on pourra recommencer à voir des offres passer et à postuler. En attendant que ça passe, je prend du temps pour moi, je lis, je fais d’autres choses. » Dario, lui, tente tant bien que mal d’imaginer la suite « Après ça, la situation restera un peu instable un temps, ça va mettre du temps à revenir à la normale. Je pense que je ne dois pas m’attendre à trouver quelque chose avant septembre. À moins qu’il y ait un regain d’activité après le confinement, que les entreprises mettent les bouchées doubles pour redresser la barre… Un peu comme en période d’après-guerre. » Pour Géraud, le problème réside aussi dans le fait que les entreprises elles-mêmes ne savent pas ce qui les attend : « J’ai eu quelques entretiens cette semaine, et malgré l’intérêt des recruteurs pour mon profil, ils ne pouvaient pas me proposer de contrat dans l’immédiat. Ce qui m’inquiète, c’est qu’ils n’étaient pas en mesure de me dire quand est-ce qu’ils le pourraient, ni même s’ils pourraient un jour. »

« Je pense que je ne dois pas m’attendre à trouver quelque chose avant septembre. À moins qu’il y ait un regain d’activité après le confinement… » Dario

Trouver un plan B plutôt que de voir la situation s’enliser

« Flou » est le mot qui ressort le plus de la bouche des jeunes diplômés que nous avons interrogés. Face à l’incertitude concernant l’état du marché après la période de confinement, ils se sentent obligés d’envisager d’autres alternatives et de revoir leurs plans de départ. « Je savais que la recherche était difficile pour les jeunes diplômés, mais je m’attendais à trouver un job qui me corresponde au bout de 4 ou 5 mois. Aujourd’hui je me pose beaucoup de questions, je commence à me dire que je devrais peut-être chercher à refaire un stage. Est-ce que ce sera plus facile ? Est-ce que ce sera bien vu par les recruteurs ? Je ne sais pas. » s’interroge Inès. De son côté, Alexander commence à considérer l’idée de mettre sur pause son statut d’indépendant « Je pense à des plans B, je pourrais peut-être postuler dans une agence, même si pour le moment cette voie semble aussi bouchée. »

« Je commence à me dire que je devrais peut-être chercher à refaire un stage. Est-ce que ce sera plus facile ? Est-ce que ce sera bien vu par les recruteurs ? Je ne sais pas. » Inès

Il faut dire que pour certains, la perspective de passer plus de temps que prévu sans activité n’est pas envisageable. « J’ai investi une fortune dans le matériel pour me lancer, et à partir de l’année prochaine, je dois commencer à rembourser mon prêt étudiant, alors je ne peux pas me permettre de faire une année blanche » explique Alexander. Inès, quant à elle, veut surtout éviter d’avoir un « trou dans le CV et de passer pour quelqu’un qui manque de motivation auprès des recruteurs. »

La frustration est importante d’autant plus que la motivation était au rendez-vous dans leurs premiers mois de recherche : « Le pire, c’est que je commençais à en avoir marre de postuler tous les jours, de ne faire que cela de mes journées, et là, je vais devoir repartir de zéro à cause de tout ça » regrette Dario. « Je voulais vraiment trouver un job rapidement après mon diplôme, mais je pense que j’en ai pour un petit moment encore » ajoute-t-il.

Le contexte actuel exige malheureusement que vous soyez patient. Les semaines qui viennent nous en diront plus sur la gravité de la situation et l’impact réel du coronavirus sur le marché de l’emploi. Mais ces périodes d’inactivité peuvent aussi être l’occasion d’affiner votre projet professionnel, et pourquoi pas d’approfondir certaines de vos compétences (photoshop, montage vidéo, anglais, excel…). Ne cédez pas à la panique, il est encore possible de se préparer au mieux avant la reprise des recrutements.

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