Stagiaires et apprentis : le télétravail, l'occasion de se responsabiliser ?

18 nov. 2020

8min

Stagiaires et apprentis  : le télétravail, l'occasion de se responsabiliser ?
auteur.e
Anais Koopman

Journaliste indépendante

Depuis le premier confinement, les étudiants vivent leurs études et leurs premières immersions professionnelles dans des conditions inhabituelles. Avec le reconfinement, pour ceux qui ont la chance de ne pas voir leur stage ou leur alternance interrompus ou annulés, c’est souvent le 100% télétravail qui s’impose, couplé aux cours à distance. Afin d’aider la boîte à surmonter cette période particulièrement compliquée, le travail s’intensifie et l’accompagnement se fait plus discret. En cause notamment, le télétravail mais aussi le manque de temps de votre responsable.

Vous êtes vous-même dans cette situation et ne savez pas comment l’appréhender ? Pas de panique. Pour que vous restiez motivé, nous avons recueilli les témoignages de quatre étudiants qui ont effectué leur stage ou leur alternance lors du premier confinement pour qu’ils racontent comment ils se sont adaptés à ces circonstances si particulières. Même si leur expérience fut très rude, avec une activité maintenue, un rythme de travail accru et des conditions souvent anxiogènes, ils ont cependant gagnés en autonomie et ont fait de cette période une étape constructive dans leur parcours professionnel.

Avec moins de repères, la gestion du temps peut devenir chaotique

Lola a 24 ans. Dans le cadre de son Master II en Direction Artistique, elle était en alternance dans une agence de pub, au pôle branding, depuis septembre 2019. À l’annonce du premier confinement, son entreprise a placé tous les employés en télétravail. Si la charge de travail confiée à l’étudiante n’a pas variée, son rythme s’est en revanche vu chamboulé par les nouvelles conditions que la période induit : « Étant donné que mes responsables n’étaient pas là pour apprécier mon investissement chaque jour, je me sentais vraiment obligée d’en faire plus et de rendre compte quotidiennement du travail fourni. Avant le confinement, je ne leur envoyais mes projets qu’une fois terminés. Quand j’ai commencé à passer mes journées chez moi, je me suis mise à leur envoyer toutes les étapes de mon travail. » Derrière l’assiduité de Lola se cachait un besoin de « faire ses preuves », face à la distance : « Je voulais qu’on sache que j’étais digne de confiance, que mon investissement n’avait pas faibli, même sans chapeautage. » Même si les points avec le reste de l’équipe étaient récurrents, son rythme dépendait aussi de celui de ses tuteurs : « L’un de mes N+1 a des enfants. Le projet sur lequel on bossait ensemble reposait donc davantage sur mes épaules : forcément, il était moins disponible. Je ne pouvais pas lui en vouloir ! C’est sûr qu’on ne vivait pas le même confinement. »

Par ailleurs, Lola avait beaucoup de mal à décrocher : « Puisque mon chez-moi était aussi devenu mon bureau, je n’arrivais plus à couper. Avant, je terminais entre 18 et 19h. Mais pendant le confinement, ce sont les applaudissements de mes voisins, sur les coups de 20h, qui me sortaient de ma bulle. Et même après, j’étais souvent encore en attente de retours. Même en dînant, je pensais au boulot. » Et lorsque les feedbacks tombaient, il y avait parfois des incompréhensions. Elle explique : « Une fois, j’ai travaillé deux jours sur un projet, pour qu’au bout du compte on me dise que je m’étais trompée de direction. Ma tutrice n’avait pas pu vérifier toutes les étapes intermédiaires de mon travail au fur et à mesure. C’était très frustrant, car au bureau, il lui aurait suffit d’un coup d’oeil pour me guider. J’ai perdu du temps et ça m’a démoralisée. » Du temps gâché qui pesait sur les épaules de Lola, dont la formation continuait une semaine par mois, en parallèle de son travail. « En plus de suivre les cours en visioconférence, on devait faire des projets d’équipe, toujours à distance, ce qui nous prenait aussi beaucoup plus de temps. » Et confinement oblige, il était compliqué pour l’alternante de s’aérer l’esprit lorsqu’elle en ressentait le besoin : « Je trouve qu’à force de rester enfermés, on devient vite parano. Personnellement, sans retours aussi fréquents qu’avant, j’avais souvent l’impression de ne pas bien faire mon travail ou de ne pas en faire assez. Et puis, ça n’était plus possible de sortir prendre un café avec un collègue pour souffler un peu et prendre du recul. Je me sentais seule, même si l’accompagnement restait présent. »

« En plus de suivre les cours en visioconférence, on devait faire des projets d’équipe, toujours à distance » - Lola, ancienne alternante en agence de publicité

Pas si simple de trouver la motivation

Pour Marc, 22 ans, le travail à distance n’était pas simple non plus. En stage dans une entreprise de fusion-acquisition dans le secteur du luxe depuis mi-février, il n’est resté qu’un mois dans les bureaux, et non trois comme prévu dans sa convention : « Lorsque la situation a commencé à se compliquer, mes responsables m’ont autorisé à rentrer en Angleterre, auprès de ma famille, quelques jours avant l’annonce officielle du confinement. » Après son retour en Angleterre, l’étudiant est passé en 100% télétravail, et ce n’étaitt pas toujours facile, notamment en raison de l’accompagnement qui avait beaucoup baissé depuis le début de la crise : « Le marché financier a subi un choc énorme. Alors forcément, surtout dans ce type d’entreprise, tous mes boss étaient très occupés et je n’étais clairement pas une de leurs priorités. » Si Marc est resté investi comme lorsqu’il était encore à Paris, de 9h et 18h environ, il avoue tout de même que c’était plus difficile pour lui de bien travailler dans ces conditions : « Ma soeur était en chômage partiel et ne travaillait plus. À la maison, c’était encore plus dur de rester motivé tout seul ! Et puis c’est bête, mais enfiler un costume et prendre le métro me met davantage dans des conditions qui favorisent la productivité ce n’est pas pareil quand on reste bosser chez soi en pyjama. »

À contre-courant des critiques qui s’acharnent contre le bruit en open-space, lui semble plutôt vanter l’aspect stimulant des espaces partagés. Il ajoute que hors des murs du bureau, il est plus tentant de se laisser distraire : « Parfois, je checkais Facebook en vitesse, et quinze minutes après, je me surprenais à être toujours en train de scroller. C’est le genre de chose qui ne m’arriverait pas au bureau ».

« Enfiler un costume et prendre le métro me met davantage dans des conditions qui favorisent la productivité » - Marc, ex-stagiaire pour une entreprise de fusion-acquisition

Sa communication avec ses supérieurs était elle aussi altérée. Marc préférait souvent « attendre le prochain point » que d’envoyer un e-mail à chaque fois qu’il avait un doute : « Ce n’était pas simple de poser des questions à distance : j’avais plus l’impression de déranger qu’au bureau, où ça m’aurait pris cinq minutes chrono. Ça me semblait plus intrusif d’envoyer plusieurs messages ou mails par jour que d’aller parler à un collègue directement. » Aussi, il s’est rendu compte qu’il « apprenait toujours mieux en vrai » que par e-mail ou téléphone. D’autant plus que les échanges écrits manquent parfois de clarté et peuvent sembler un peu froids : « Je n’arrivais jamais à savoir comment interpréter les messages de mes managers : étaient-ils énervés ? Confus ? »
Marc avait conscience que « l’objectif de toute boîte est de préserver sa santé. » Alors, même si ses managers étaient loin et que sa tenue de travail était au placard, il a pris sur lui. Il s’est motivé chaque jour, avec sa volonté pour seul garde-fou.

Des sacrifices, mais au bout, l’espoir d’être gardé

De son côté, Marine, 22 ans, est étudiante en Master Finance. Jusqu’au 26 juin, elle est en stage en tant que Junior Auditrice. Avec le début du confinement, elle ne faisait plus son travail de la même manière : « Normalement, nous nous déplaçons toujours chez le client afin de réaliser l’audit. Le contexte, bien évidemment, nous empêchait de le faire, ce qui rendait notre mission beaucoup plus difficile à remplir ». Pourtant, l’ensemble de ses tâches ont été maintenus. Mais elles étaient difficiles à réaliser seule, à distance, alors qu’elle changeait d’équipe et de N+1 à chaque projet, toutes les une à deux semaines. D’autant plus que pour elle « la finance était loin de relever de l’inné ». La complexité était à son apogée lorsqu’elle s’occupait du “pointage” de document (vérification des transactions et des enregistrements comptables, ndlr), sans manager disponible pour la guider : « Ma première semaine de télétravail était très particulière. On m’a envoyé les documents et j’ai passé 4 jours à essayer de me débrouiller seule. Le mercredi, un autre stagiaire est arrivé sur la mission. Il n’avait jamais pointé avant, c’est donc moi qui lui ai expliqué comment il devait travailler. »

« On m’a envoyé les documents et j’ai passé 4 jours à essayer de me débrouiller seule. » - Marine, ex-stagiaire junior en audit

Une situation qui a demandé à l’étudiante un investissement conséquent : « Pendant cette mission, mes horaires ont considérablement changé. J’ai parfois travaillé assez tard pour passer le rush ». Heureusement, la semaine suivante, Marine a pu revenir à des horaires plus “classiques”. Aussi, elle a pu obtenir que quelqu’un soit plus disponible pour l’encadrer, ce qui ne l’empêchait pas de « communiquer directement avec les clients par téléphone », chose qu’elle ne faisait pas avant en raison de son statut de stagiaire. Une confiance bien méritée suite à une première semaine de rush où elle a prouvé qu’elle pouvait se débrouiller par elle-même. Marine est sortie grandie de cette expérience, qu’elle qualifie de « positive et constructive ». Elle a continué de se challenger chaque jour, boostée par l’acquisition de plus grandes responsabilités et l’espoir d’être gardée à la fin de son stage.

Une opportunité unique de s’autoformer

Pour Arthur, 23 ans, le confinement était presque une aubaine. Il avait commencé son stage trois mois auparavant en tant que Chef de projet junior Etudes et Marketing. Avec le confinement, il est passé en télétravail à 100%, et a continué à travailler pour la start-up auprès de laquelle il s’était engagé pour encore trois mois. Au lieu de se laisser aller au vertige qu’il a ressenti au début de ces changements, il a très vite réalisé que, pour éviter de perdre du temps, il lui serait plus bénéfique d’appréhender la situation avec optimisme.

Bien que ses missions aient varié suite à l’annulation de plusieurs projets sur lesquels ils étaient en train de travailler, il s’est rapidement adapté : « J’ai été placé ”sous l’aile” d’un autre employé que ma maître de stage, dans une partie plus marketing. Grâce à ça, j’ai eu la possibilité de m’autoformer à différents logiciels de production graphique (ce qui m’a toujours plu), et je sentais que ce confinement était une opportunité à saisir : celle d’apprendre plus vite, et davantage par moi-même. » Une posture positive qui va au-delà des quelques perturbations ressenties par Arthur. Ce dernier avait décidé de s’affranchir d’un travail d’équipe quelque peu bouleversé par la distance avec ses collègues, en gagnant en indépendance : « Il est vrai que l’on sentait moins de communication et d’efficacité dans l’équipe. Je pense que c’était le cas dans toutes les entreprises durant cette période. Mais le fait d’avoir gagné en autonomie a fait que je ne me suis pas trop senti gêné par la distance : je pouvais me responsabiliser et avancer le plus possible de mon côté ». Déterminé à ne pas subir la situation, l’étudiant en Management et Gestion des Entreprises était confiant. Son objectif était de pouvoir dire : « Regardez, j’ai appris à faire ça, ça et ça » et ainsi « pouvoir faire gagner du temps à tout le monde », lorsque les choses reviendraient à la normale dans son entreprise.

Ces profils témoignent de grandes perturbations chez les stagiaires et alternants, qui se sont souvent retrouvés livrés à eux-mêmes pour accomplir les missions qui leur étaient assignées. Mais malgré les difficultés liées aux nouvelles conditions de travail, à de potentielles surcharges et à des horaires plus exigeants, ils ont fait de leur mieux pour continuer d’apprendre en autonomie. Laisser une marque positive dans l’entreprise : voilà un objectif qui les a aidé à garder le cap dans cette crise dont personne ne sait quand elle se terminera. Vous êtes actuellement en stage à distance ? Bon courage à vous, en espérant que leurs retours d’expérience vous permettront de mieux appréhender ce deuxième confinement et d’en sortir plus autonome que jamais !

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Photo d’illustration by WTTJ

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