Comment échapper aux distractions au travail, selon Nir Eyal ?

06 févr. 2020

6min

Comment échapper aux distractions au travail, selon Nir Eyal ?
auteur.e
Aglaé Dancette

Fondateur, auteur, rédacteur @Word Shaper

Vous venez de passer beaucoup trop de temps à scroller sur votre téléphone et vous le regrettez ? Nous avons tous vécu cette sensation déplaisante d’avoir perdu du temps sur une activité qui n’en valait pas vraiment la peine. Mais il semble difficile d’y échapper au quotidien, surtout quand tout s’articule autour de nous pour capter notre attention. Aujourd’hui, ces distractions qui tendent à se multiplier prennent tantôt la forme de notifications, tantôt de publicités et ébranlent notre capacité de concentration. Aussi, apprendre à les éviter, c’est réussir à distinguer ce qui est réellement bon pour notre avancement et les actions qui nous empêchent d’atteindre nos objectifs. Dans son livre, Indistractable, how to control your attention and choose your life Nir Eyal nous donne les clés pour comprendre les raisons qui nous poussent à aller à l’encontre de nos propres intérêts et il nous aide à changer cette dynamique. Autrement dit, comment arrêter de céder aux distractions…

Psychologie de la distraction

L’auteur Nir Eyal est un expert en design comportemental et il y a cinq ans, il publiait le désormais best-seller Hooked : How to build forming habits products. Dans cet ouvrage, il analysait déjà le succès des entreprises qui conçoivent des produits dont l’usage crée chez les individus de nouvelles habitudes comportementales. Exemple typique : le smartphone. Il a introduit de nouvelles pratiques devenues aujourd’hui des habitudes établies, comme se géolocaliser, prendre des photos et les envoyer instantanément, ou demander l’avis de Google au milieu d’une discussion, etc.

Une distraction est avant tout un objet, matériel ou non, qui nous détourne d’un but. À l’inverse, une traction est une action qui nous rapproche de l’objectif fixé. Tout ce que l’on fait est déterminé tant par des facteurs internes (« J’ai faim donc je mange ») qu’externes (« mon téléphone m’envoie une notification donc je regarde mes emails »). Au plus il y a de distractions autour de nous, au moins nous sommes capables d’investir notre attention sur les tractions. Or, les distractions, quelles que soient leurs formes, existent depuis toujours et ça n’est pas prêt de changer. L’enjeu n’est donc pas de les bannir ni de prôner l’abstinence, mais plutôt de réussir à les gérer de la meilleure manière qui soit.

Il est important de souligner, comme l’explique l’auteur, que d’un point de vue psychologique, nous cédons aux distractions non pas pour le plaisir qu’elles procurent mais pour se libérer de l’envie. En effet, il est inconfortable, frustrant, voire douloureux d’avoir envie de quelque chose. Il est donc plus simple et plus agréable de céder aux sirènes d’une notification que de s’abstenir de regarder son compte Facebook pour le reste de la journée. Or, toutes les choses qui soulagent cette sensation inconfortable ont le potentiel de devenir addictives. D’où la difficulté à les gérer au quotidien. Alors comment s’y prendre ?

Planifier

Nir Eyal explique dans son ouvrage l’importance de planifier ses journées. Nommer clairement ses objectifs, permet par opposition, de définir les distractions et donc de travailler à leur élimination. En effet, si on ne s’impose pas d’objectifs et de tâches à accomplir pour la journée, la semaine ou le mois, rien n’est alors une distraction. Regarder la télé pendant des heures ne nous détourne pas de notre but puisque nous ne nous en sommes fixés aucun ! Pour cela, l’auteur recommande de se créer en amont un calendrier pour répartir notre temps entre le travail, les relations sociales et nous-même, de façon à ce que ce dernier reflète nos valeurs. Tout ce qui n’est pas inscrit devient alors une distraction. Par exemple, si on veut binger 3 saisons d’un série et qu’on l’intègre à notre planning, alors ce n’est plus une distraction. En revanche si on le fait mais qu’on avait prévu de travailler, là ça devient une distraction.

Bien sûr, il est possible de modifier ce planning au fil du temps, mais l’intérêt est de s’y tenir une fois qu’il est ajusté. Cela nous aidera à distinguer beaucoup plus clairement les distractions des tractions.

Les quatre étapes pour gérer les pensées intrusives

Dans Indistractable, how to control your attention and choose your life Nir Eyal expose les quatre étapes pour parvenir à ne plus se laisser distraire par des pensées et des envies intrusives telles que « Je veux fumer une cigarette » ou encore « Je veux voir ce qui se passe sur Instagram » :

1. Analyser l’inconfort qui a déclenché la distraction

2. Nommer ce qui a déclenché la distraction et l’écrire : l’auteur conseille de noter l’heure à laquelle vous avez eu envie de faire autre chose, et ce que vous faisiez à ce moment-là, puis de préciser les sensations mentales et physiques ressenties.

3. Insister sur les sensations : est-ce que nos mains s’agitent lorsque nous avons envie de regarder notre téléphone, est-ce que nous sentons quelque chose dans notre poitrine lorsque nous sommes sur le point d’être distrait ? Il est important de nous familiariser avec ces sensations, de les laisser se développer puis disparaître plutôt que d’agir de façon impulsive et de céder.

4. Faire attention aux moments de transition. Par exemple si vous lancez une recherche Google mais que la page est lente à charger, vous serez peut-être tenté d’ouvrir une autre page pour lire un article en même temps. Or, vous continuerez certainement votre lecture même lorsque votre recherche initiale aura chargé. Ce qui ne devait durer que quelques secondes peut alors vous faire perdre une demi-heure.

L’auteur recommande également de se familiariser avec la règle des dix minutes. Le concept ? Lorsque nous sentons que quelque chose nous distrait, essayons de nous dire « Bon, je m’autorise un snack mais dans dix minutes. » Ces dix minutes sont généralement suffisantes pour sentir l’envie monter puis se dissiper, permettant par là d’éviter la distraction.

Le rôle du jeu

Pourquoi se laisse-t-on distraire si facilement ? Souvent car on voit les distractions comme un moyen de rompre, le temps d’un moment, avec des tâches ou objectifs qui nous paraissent ennuyeux dans la mesure où nous les assimilons à des contraintes externes. L’auteur vous propose donc d’envisager vos objectifs sous un jour nouveau, en établissant un jeu avec vous-même. En effet, pour chaque tâche difficile ou laborieuse, il nous est toujours possible de nous challenger.

Le challenge est intéressant car il offre de nombreux avantages : la possibilité de renouveler notre perception, de créer davantage d’engagement dans nos actions et de maintenir notre concentration. S’imposer des contraintes pour se stimuler est le meilleur moyen pour insuffler de la créativité dans ce qui semble parfois ennuyeux ou monotone. Utiliser le plus de nouveaux mots de vocabulaire possible dans un article, chronométrer le temps que l’on peut consacrer à apprendre une langue étrangère si l’on réduit le temps sur les réseaux, compter le nombre de dossiers que l’on peut boucler en une matinée de deep work… Les exemples sont multiples !

Au travail : comment repousser les distractions externes

Au-delà des distractions internes, il existe également de nombreuses distractions qui ne dépendent pas de nous, et ce notamment au bureau. En étant fréquemment interrompu dans notre travail, on augmente drastiquement le risque de faire des erreurs mais aussi de perdre le fil de nos bonnes idées. Alors, qu’il s’agisse d’un collègue trop bavard ou des notifications permanentes, comment prévenir les dérangements incessants ? Nir Eyal préconise plusieurs idées afin de les minimiser.

Que nous soyons en open space ou dans un bureau fermé, l’auteur conseille de se trouver un code pour indiquer à nos collègues que nous ne souhaitons pas être dérangé. Cela peut-être une photo, un code couleur, un panneau ou autre. Nir Eyal suggère également de communiquer de façon transparente sur notre travail, auprès de nos supérieurs, comme de nos collègues. Cela permettra de limiter les interruptions superflues.

Il est aussi important de discuter de la culture de notre entreprise : les réunions hebdomadaires sont-elles nécessaires ou une distraction pour l’avancement de chacun ? Le flux constant de discussions sur le groupe Slack de l’entreprise ne devrait-il pas être repensé ? Quel outil pourrait être introduit pour une communication interne pertinente ?

De manière individuelle, il nous revient de limiter les distractions liées à nos appareils électroniques. Nir Eyal conseille notamment de faire le tri dans nos applications mobiles par exemple. Autrement dit, à nous de bien ajuster les réglages de notifications pour chacune d’elles, et d’utiliser le mode “Ne pas déranger” sur notre téléphone !

L’ouvrage de Nir Eyal semble donc être une réelle motivation pour réapprendre à se concentrer en excluant toute forme de stimulis, internes comme externes. L’expert fourni des clés pour améliorer sa productivité au travail mais également pour améliorer le temps consacré à soi et aux autres. En définissant de façon claire ses objectifs, on peut ensuite choisir les actions que l’on considère comme des avancements et diminuer le temps consacré à celles qui nous limitent. Devenir indistractable, c’est finalement un bon moyen de retrouver tout son potentiel créatif et social !

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Photo by WTTJ

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