Les RH doivent-ils (absolument) se former en psychologie ?

12 sept. 2023

4min

Les RH doivent-ils (absolument) se former en psychologie ?
auteur.e
Laure Girardot

Rédactrice indépendante.

contributeur.e

Certains RH se forment à la psychologie pour pouvoir mieux répondre aux problématiques des salariés. Quels sont ses apports effectifs ? Quelles compétences connexes cette discipline développe-t-elle ? Surtout, est-ce vraiment indispensable ?

Psychologie et RH sont des disciplines cousines. Parce qu’elles s’intéressent à l’humain, elles sont proches mais bien distinctes dans leurs objectifs. En tant que science qui étudie le comportement humain, la psychologie permet de saisir et d’analyser la nature des conduites individuelles. La psychologie du travail s’est associée avec d’autres disciplines (l’ergonomie, la psychologie sociale, la sociologie des organisations, la psychologie cognitive, la psychopathologie, la psychanalyse) pour offrir un regard plus affûté sur les différentes problématiques professionnelles et RH. Elle est d’ailleurs devenue un volet à part entière de la gestion des ressources humaines. « Néanmoins, si le rôle des RH est d’être à l’écoute des difficultés ou enjeux rencontrés par les individus, cela s’inscrit dans le cadre d’une organisation et de ses besoins : il s’agit de trouver le bon compromis entre les deux », souligne Mathilde Costet, HR business partner chez Welcome to the Jungle, qui a entrepris un cursus diplômant de psychologue du travail (CNAM). Entre rôle du « psy » et du RH, la frontière est mince, le glissement de posture exige une grande vigilance : « Il faut trouver le bon équilibre en évitant de devenir le psy des salariés ». Alors, faut-il former ses équipes RH à la psychologie ?

Former les RH à la psychologie : 5 avantages notables

1. Développer des soft skills complémentaires

« Les études en psychologie nous apprennent à tenir une posture très utile en entreprise : celle de la neutralité bienveillante. À savoir, le fait d’être en capacité de recevoir le discours de l’autre sans jugement, tout en veillant à ne pas nous laisser influencer par les émotions que cela peut générer en nous », explique Mathilde Costet. Deux compétences se révèlent grâce à cet apprentissage : l’empathie et la capacité d’écoute.

2. Mieux se connaître et savoir prendre du recul

« Les RH vivent parfois des discussions compliquées à gérer : la psychologie m’a appris à mieux les appréhender car je mets de côté mes émotions, ce qui me permet de les décrypter avec plus de recul », ajoute Mathilde Costet. Florence Marty, ancienne DRH et co-auteure d’un livre sur la marque employeur, Entreprises : 7 leviers pour renforcer votre pouvoir d’attraction va plus loin : « Tout le monde a intérêt à comprendre comment l’esprit humain fonctionne et pourquoi nous agissons comme nous agissons. En effet, cela nous permet de mieux nous comprendre nous-mêmes, d’améliorer nos interactions avec les autres et de naviguer plus efficacement dans le monde complexe dans lequel nous vivons ».

3. Décrypter les situations humaines critiques

La psychologie offre une clé de lecture plus précise pour détecter les signaux faibles sous-jacents au sein des organisations, facilitant ainsi l’identification précoce des risques psychosociaux (RPS). « Quand un manager me parle d’un problème au sein de son équipe, je suis plus à même de comprendre ce qui s’y passe, d’analyser les risques et d’anticiper les situations de mal-être au travail », poursuit Mathilde Costet. Plus spécifiquement, Florence Marty met en exergue l’importance de la psychologie dans les phases de transformation : « Que ce soit dans une perspective individuelle ou collective, une formation en psychologie peut nous aider à comprendre les dynamiques interpersonnelles et les mécanismes de groupes sous-jacents qui facilitent le succès et le changement ».

4. Proposer des politiques RH plus performantes

Certains volets de la psychologie sont particulièrement utiles pour bâtir des dispositifs RH à fort impact. « Par exemple, la psychologie cognitive me permet de comprendre les mécanismes tels que l’apprentissage ou le stress. Il est plus simple de réfléchir à des leviers d’action efficaces : à savoir sur les facteurs de stress ou comment accompagner les managers », explique Mathilde Costet. Selon Florence Marty, une spécialisation en psychologie sociale s’avère très adaptée aux RH : « Cette discipline s’intéresse aux comportements des individus en groupe. Comprendre comment ils interagissent, comment ils sont influencés par la présence des autres, peut nous aider à mieux gérer ces dynamiques et à favoriser une culture d’entreprise saine et productive ».

Vous êtes fier de votre boîte ? Affichez-la sur Welcome to the Jungle !

Créez votre vitrine

5. Appréhender les problématiques du travail contemporain

Les formations en psychologie permettent de découvrir des auteurs pertinents qui traitent des bouleversements actuels, à la fois concomitants et complexes : « Je suis un cursus dans lequel Christophe Dejours, auteur de “Souffrance en France”, est très prégnant. C’est une vraie source d’inspiration car il met l’accent sur le collectif. Il permet de nous sensibiliser à des sujets auxquels on est fréquemment confrontés tels que le burn out et le désengagement », précise Mathilde Costet.

Pas de temps ni de budget : 3 alternatives pour bénéficier de compétences « psy »

« Partir sur un cursus diplômant est un investissement conséquent : il faut une réelle motivation personnelle », alerte Mathilde Costet. D’autres options s’offrent aux entreprises pour profiter des compétences « psy » sans se lancer dans des formations complexes qui exigent du temps… une denrée rare aujourd’hui ! En effet, l’enjeu est surtout de trouver et de mettre à disposition ces compétences en interne. Comment faire ?

Créer des logiques de collaboration avec la médecine du travail et un réseau de psychologues : « L’essentiel pour les RH est de savoir s’entourer des bonnes compétences. Pour cela, il faut instaurer un réflexe pour collaborer davantage (et mieux) avec la médecine du travail. Et si possible, il est très utile de monter un réseau de psychologues sur lequel s’appuyer en cas de besoin », explique Mathilde Costet.

Proposer des formations courtes et ciblées : l’idée est de monter un dispositif accessible, court et continu pour insuffler des notions de psychologie dans l’optique de fournir des outils utiles aux RH et aux managers. « Ce type de formation existe déjà sur le marché dans le cadre de la prévention des RPS (Risques Psychosociaux), comme la gestion de burn out : pourquoi ne pas imaginer le même format sur d’autres notions qui se réfèrent à la psychologie ? », propose Mathilde Costet.

S’appuyer sur des plateformes d’accompagnement psychologique : depuis la pandémie, de plus en plus d’entreprises font appel à des dispositifs de soutien psychologique pour leurs équipes tels que Moka.care, qui donne accès à des consultations gratuites. Des approches encore plus complètes existent : les EAP (« employee assistance program » ou « programme d’aide aux employés »), comme Stimulus Care Services, qui offrent un soutien pluridisciplinaire (psychologique, social et juridique) afin d’identifier et de résoudre les problèmes auxquels les salariés peuvent être confrontés dans de nombreux domaines de la vie (santé mentale, gestion du stress, deuil, harcèlement, dépression, conflits, violence conjugale…). Ainsi, ces plateformes assurent aux équipes RH de rediriger les salariés vers des spécialistes reconnus dans leur domaine, garantissant la frontière (fragile) entre la posture RH et celle de « psy ».

Alors, demain, « tous RH psy » ?

« Sans devenir des psychologues à temps plein, les DRH ont intérêt à tout faire pour aller vers plus d’individualisation. C’est ce vers quoi notre activité tend depuis quelques années et cela va encore s’amplifier. Cette individualisation nécessite une vraie connaissance de l’autre et la psychologie est un bon moyen pour l’appréhender », conclut Florence Marty. Quant au format, à chaque entreprise de choisir celui le plus adapté aux enjeux de son organisation et de sa culture.


Article édité par Ariane Picoche, photo : Thomas Decamps pour WTTJ

Les thématiques abordées