Conduite du changement : comment accompagner les équipes en période de transition ?

15 mars 2023

5min

Conduite du changement : comment accompagner les équipes en période de transition ?
auteur.e
Paulina Jonquères d'Oriola

Journalist & Content Manager

Qu’ils soient de petite ou grande envergure, les changements au sein d’une entreprise sont toujours déstabilisants pour les équipes. Alors, comment les accompagner au mieux dans les périodes de transition ? Managers, voici nos conseils pratiques.

Démission d’un membre de l’équipe, promotion interne, changement de bureau, réorganisation totale de l’entreprise… La vie des organisations n’est pas un long fleuve tranquille. Cela est particulièrement vrai dans certains univers comme les startups où le changement fait partie intégrante de la culture d’entreprise. Pour autant, ces virages sont tout sauf anodins. « Le problème, c’est que les entreprises ont tendance à négliger les petits comme les grands changements », souligne Camille Cherkaoui, Directrice du Bachelor et des Masters of Science à l’EDC Paris Business School. En effet, en tant qu’être humain, nous avons une préférence marquée pour la stabilité : c’est la fameuse résistance au changement.

La transparence et l’écoute : les piliers de la conduite du changement

Du changement, Sébastien Roelen, créateur de Jumpl, en a fait vivre à ses salariés cette dernière année. Et il en est bien conscient. « J’ai dû transformer totalement le business model de mon entreprise en passant du ecommerce à la marketplace. Les indicateurs de la société étaient tous au rouge et j’avais deux choix : croiser les doigts et espérer que ça passe, ou prendre les devants », explique-t-il. Pendant plusieurs mois, il réfléchit et croise ses données et ses chiffres. Mais du moment où sa décision est prise, Sébastien n’attend plus : il communique rapidement son nouveau plan à ses salariés.

Laisser le temps de l’acceptation

Conscient que cette annonce va faire l’effet d’une bombe, le dirigeant décide d’octroyer un mois de réflexion à ses salariés afin de leur laisser le choix de poursuivre ou non l’aventure à ses côtés. « Certains salariés ont dû changer de métier du jour au lendemain. Cela a concerné quand même la moitié des collaborateurs. Je ne pouvais donc pas imposer cela. Chacun a été consulté individuellement », affirme-t-il. Au final, la grande majorité des collaborateurs est restée, même si des plans sociaux n’ont pas pu être évités, notamment pour les employés qui occupaient des positions techniques dans la structure précédente.

Pratiquer l’écoute active

Pour Sébastien Roelens, la sincérité a donc été clé : le dirigeant a pris le parti de parler à ses salariés comme des adultes, simplement en expliquant de façon très concrète la situation, et de leur laisser le temps d’encaisser l’annonce. « Dans ces périodes, l’écoute est essentielle afin que les salariés se sentent impliqués dans le changement. Même si la Direction ne peut pas nécessairement mettre en œuvre les désirs des collaborateurs, les entreprises doivent leur donner l’impression que leur voix est entendue », souligne Camille Cherkaoui.

Ne jamais faire l’autruche

De plus, cette transparence doit intervenir à tous les niveaux, que le changement soit ou non subi par l’entreprise. « Derrière tout changement, il y a forcément une cause. Alors il ne faut pas l’éluder », poursuit notre interlocutrice. Si, par exemple, un collaborateur démissionne, pas question de faire l’autruche ! Les autres salariés demanderont les raisons de son départ. Mieux vaut être honnête et expliquer que l’on va essayer de remédier à certains points.

« Le manager doit être conscient du niveau d’adaptabilité de chacun de ses collaborateurs. »

Le changement suit « la courbe du deuil »

En annonçant à ses équipes que l’entreprise allait complètement pivoter, Sébastien Roelens était conscient que suivrait une phase de chaos où chacun allait se questionner sur l’organisation de son travail et les priorités à gérer. Dans la théorie, la conduite du changement s’inspire de la courbe du deuil, appelée également modèle de Kübler-Ross. « Il faut bien comprendre que tout changement est un deuil. Le collaborateur doit enterrer ce qu’il connaît », précise Camille Cherkaoui. Souvent, cela a pour effet sur les collaborateurs de créer une peur de l’incompétence. Il est essentiel de les rassurer sur ce point précis.

Dans cette phase de deuil, le collaborateur peut passer par 5 étapes : le déni, la colère, le marchandage, la dépression et l’acceptation. Bien sûr, certaines personnes vont arriver plus vite que d’autres à la phase d’acceptation. Mais pour Sébastien Roelens, il est primordial de respecter le rythme de chacun pour arriver ensuite à la phase de reconstruction : « Le manager doit être conscient du niveau d’adaptabilité de chacun de ses collaborateurs ».

De l’importance de la communication

Engager le top management dans la communication

Pour aider cette phase de transition, la juste communication est centrale. D’après Camille Cherkaoui, il est important que la direction s’exprime, surtout quand il s’agit d’un changement de taille. Le n+2 ne doit pas non plus hésiter à monter au créneau, même pour des changements plus minimes. Dans tous les cas, communiquer est un levier pour que chaque collaborateur se sente considéré. « Il n’y a rien de pire que quand les équipes concernées par un changement sont les dernières au courant », lance-t-elle.

Ne pas semer le doute

Bien communiquer a été le défi de Karine Sossou, Marketing manager France chez Altair, une société de 200 personnes. Elle est arrivée à un moment où l’entreprise vivait deux changements majeurs : une réorganisation par type d’industrie, et une réorganisation au niveau mondial. Concrètement, ces changements ont impliqué pour certains collaborateurs de changer de métier, en migrant par exemple du service technique au service Sales. « Il a été important de communiquer clairement et en transparence, mais à bon escient. »

Trouver le bon timing

Karine Sossou insiste aussi sur le juste timing : pas question de parler de ces changements opérationnels au moment où les équipes doivent clôturer leurs objectifs. Les annonces doivent être faites à un moment propice. Elle nous explique également que la communication s’est faite en plusieurs strates. Le top et le middle management se sont d’abord réunis pour préparer des ateliers et anticiper tous les cas de figure. Les ateliers ont ensuite été organisés avec l’ensemble des collaborateurs, et par petits groupes, sous forme de workshop. « Les salariés ont été tenus informés tous les mois de l’évolution de la réorganisation », affirme-t-elle.

Adapter la charge de travail

Autre point important durant cette phase de transition : la charge de travail doit être parfaitement monitorée. « Déjà, il ne faut pas partir du principe qu’un collaborateur a forcément envie d’avoir plus de travail, de monter en compétence. Il faut toujours le consulter. Si par exemple son collègue s’en va, il est nécessaire de lui demander s’il veut reprendre à sa charge son travail », souligne Camille Cherkaoui.

Durant cette phase de transition, il est aussi important que les managers donnent l’exemple. Chez Altair, la culture d’entreprise veut notamment qu’ils mouillent la chemise. « Dans une période de transition, les managers peuvent descendre sur des tâches très opérationnelles afin de soulager leur équipe », précise Karine Sossou. Dans tous les cas, la charge de travail doit être adaptée pour ne pas venir s’additionner avec le changement, déjà gourmand en énergie pour les équipes. « Pour finir, je dirais qu’il est essentiel de ne pas oublier que l’accompagnement managérial est central », renchérit notre interlocutrice.

Conduite du changement : le récap des bonnes pratiques

  • Communiquer, écouter, rassurer régulièrement, si ce n’est pas quotidiennement

  • Toujours avoir un cran d’avance sans pour autant exclure les salariés

  • Respecter la temporalité de chacun et sa résistance au changement

  • Maintenir la motivation en période d’incertitude

  • Conserver des temps de convivialité, essentiels pour baisser la pression par temps de changement

Sans oublier le dernier petit conseil, sans doute le plus important de tous : « Les directions doivent accepter qu’aucun changement n’est facile à vivre », lance Camille Cherkaoui. Partant de là, l’accompagnement à la conduite du changement pourra être à la hauteur des ambitions de l’entreprise.

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Article édité par Ariane Picoche, photo : Thomas Decamps pour WTTJ

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