Gabrielle de Loynes
Rédacteur & Photographe
Vous venez de recevoir une convocation à un entretien préalable au licenciement. Celle-là, vous ne l’aviez pas vue venir… Vous êtes choqué(e), révolté(e). « Ce licenciement n’a rien de justifié », pensez-vous aussitôt, et vous êtes déterminé(e) à ne pas vous laisser faire. Pour autant, cette rupture de votre contrat de travail peut-elle constituer un licenciement abusif ? Comment pouvez-vous vous en assurer ? Et comment contester cette décision de votre employeur qui vous semble injuste ?
« Quand vous devez licencier des gens, abandonner des projets et gérer des situations difficiles […], c’est là que vous découvrez qui vous êtes et quelles sont vos valeurs. » - Steve Jobs
Un licenciement abusif est une rupture illégale du contrat de travail, donc soit l’employeur n’a pas respecté les conditions de forme du licenciement, soit il a failli à son obligation de justifier d’une cause réelle et sérieuse. Quoi qu’il en soit, si le motif invoqué ne vous paraît pas fondé, c’est peut-être que votre licenciement est abusif.
Bien souvent, le licenciement est abusif parce qu’il ne remplit pas l’une de ces deux conditions légales :
1. La cause du licenciement doit être réelle
Autrement dit, elle doit exister et se rapporter à des faits extérieurs et objectifs, susceptibles de vérification. Elle doit aussi être exacte : les faits invoqués doivent constituer la véritable raison du licenciement et ne pas servir à couvrir un motif plus obscur.
Par exemple, le fait qu’un employé s’oppose systématiquement à ses collègues et managers, est un motif réel de licenciement. En revanche, la simple perte de confiance envers un employé ne constitue par un motif réel de licenciement.
2. La cause doit être sérieuse
C’est-à-dire « d’une certaine gravité, qui rend impossible sans dommage pour l’entreprise la continuation du travail et qui rend nécessaire le licenciement » (Journal officiel de l’Assemblée Nationale, 30 mai 1973). La faute grave et la faute lourde peuvent donc constituer un motif sérieux de licenciement. Seront ainsi justifiés les licenciements :
suite à un conflit avec un collègue, accompagné d’insultes ou de menaces ou si un employé a ouvertement dénigré la politique de l’entreprise.
Cependant, à défaut de cause réelle et sérieuse en mesure de le justifier légalement, le licenciement pourrait être déclaré abusif.
Il n’y a de licenciement abusif que s’il est déclaré comme tel par un conseil de prud’hommes. La jurisprudence a par exemple reconnu le licenciement abusif dans les cas suivants :
Le licenciement n’est abusif que s’il a donc été déclaré en tant que tel par les prud’hommes. Passer devant un conseil prud’homal est par conséquent le seul moyen de faire reconnaître un licenciement abusif. Néanmoins, sachez qu’une affaire aux prud’hommes dure en moyenne 16 mois et coûte souvent très cher. Durant ce temps, c’est un bras de fer qui s’engage entre l’employeur et vous. Chaque étape de la procédure est décisive et doit être scrupuleusement respectée.
Selon Maître Millet-Taunay, avocate spécialisée en droit du travail, il est utile « de se faire assister et demander qu’un compte rendu soit réalisé à la suite de l’entretien ». Dans les 15 jours suivant la lettre de notification du licenciement, il est également important « de demander des précisions quant au motif du licenciement », ajoute-t-elle. Enfin, il faut veiller à « récupérer rapidement ses documents de fin de contrat afin de pouvoir s’inscrire à Pôle Emploi. Il est aussi bien entendu très important de demander rapidement conseil à un spécialiste afin d’être aiguillé sur l’opportunité d’une action judiciaire ».
Avant de saisir un conseil de prud’hommes, rapprochez-vous de l’Inspection du travail, prenez contact avec un syndicat ou consultez un avocat en droit social. Aux prud’hommes, le recours à un avocat n’est pas obligatoire. Cependant, si vous êtes défendu(e) par un professionnel, vous aurez bien plus de chances d’obtenir gain de cause. Notez que vous pouvez bénéficier de consultations gratuites avec un avocat dans votre mairie ou une maison de justice et du droit.
Pour être en mesure de présenter et d’appuyer les arguments de votre contestation, vous devez impérativement constituer un dossier rassemblant toutes sortes de preuves :
Attention: vous ne pouvez pas fournir n’importe quelle preuve, notamment aucune preuve déloyale (telle qu’une vidéo ou un enregistrement audio pris à l’insu de votre employeur). Sachez que celles que vous fournissez devront être communiquées à la partie adverse.
Saisir le juge est très simple. Il suffit de remplir le formulaire adéquat, disponible auprès du greffe du conseil de prud’hommes de votre ressort (lieu de votre travail ou du siège social de l’entreprise). Vous pouvez aussi adresser une lettre recommandée avec accusé de réception au greffe compétent. Cette lettre doit impérativement mentionner :
Attention : le délai de saisine du conseil des prud’hommes est de trois mois en cas de licenciement avec préavis et d’un mois si le licenciement est immédiat pour faute grave.
La procédure prud’homale a lieu en deux temps :
1. Une phase de conciliation.
Vous serez convoqué(e) avec votre employeur à une audience à huis clos devant le bureau de conciliation. L’objectif est de trouver une solution amiable. Si vous parvenez à un compromis, vous signerez un procès-verbal de conciliation. Toutefois, il semble que dans 93 % des cas, aucun accord n’est trouvé.
2. Une phase de jugement.
Si la conciliation a échoué, vous serez convoqué(e) à une audience de jugement devant quatre conseillers prud’homaux (deux employeurs et deux salariés). Présent ou représenté par un avocat, vous exposerez vos arguments. Si la décision obtenue ne vous satisfait pas, vous pourrez toujours faire appel dans un délai d’un mois.
Vous arrivez au bout de cette procédure. Bonne nouvelle, le conseil de prud’hommes a considéré et déclaré votre licenciement comme abusif. Vous avez donc droit à des indemnités prud’homales de licenciement. Cependant, sachez que depuis l’entrée en vigueur des ordonnances du 22 septembre 2017, le montant des dommages et intérêts accordés par le juge est plafonné. Il varie en fonction de votre ancienneté : de un mois de salaire brut pour un an d’ancienneté (année complète) à 20 mois de salaire brut si vous êtes salarié de l’entreprise depuis 29 ans et au-delà.
« Pour les salariés ayant une faible ancienneté, ce plafonnement a eu un effet pervers, observe Maître Millet-Taunay. Il est aujourd’hui plus “rentable” pour un employeur de licencier un salarié ayant moins d’un an d’ancienneté, car le risque qu’il prend en cas de contentieux prud’homal est minime », regrette-t-elle. Cependant, ce serait un tort de penser que le plafonnement des indemnités de licenciement est une mauvaise mesure pour le salarié. Comme l’explique Maître Millet-Taunay, « il permet de trouver des accords amiables entre les parties plus fréquemment. Il a aussi eu pour effet de désengorger les juridictions et donc d’accélérer beaucoup les procédures. »
« Les statistiques appliquées aux décisions de justice sont toujours compliquées à analyser. En pratique, les décisions peuvent être très aléatoires d’un conseil de prud’hommes à un autre. » confie Maître Millet-Taunay.
En 2017, ce sont 125 100 demandes qui ont été reçues par les conseils de prud’hommes soit un volume en retrait de 16 % par rapport à 2016. Ce recul est lié au recours de plus en plus fréquent à la rupture conventionnelle du contrat de travail qui réduit fortement la probabilité de saisir la juridiction prud’homale. Selon les statistiques présentées par le ministère de la Justice, dans 95 % des cas la demande est liée à la rupture du contrat de travail, et près de neuf fois sur dix le litige porte à titre principal sur la contestation du motif personnel de la rupture de ce contrat.
En 2017, 155 000 décisions ont été prononcées. Lorsque les juges tranchent le fond du litige, ils accueillent favorablement la demande du salarié dans 65 % des affaires, mais la part des acceptations partielles reste très importante. Le système juridique qui reste favorable à l’employé selon Maître Millet-Taunay : « Le droit du travail français s’est construit avec la philosophie de rétablir l’équilibre entre l’employeur (considéré comme la partie forte) et le salarié (la partie faible). La protection du salarié est toujours au cœur de notre système. Et, comme le rappelle fréquemment la jurisprudence, s’il y a un doute, il profite au salarié. »
Contester un licenciement abusif est assurément une bataille éprouvante. Mais, bien armé(e), avec un bon dossier et assisté(e) d’un professionnel, il est fort probable que vous obteniez gain de cause.
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