Comment mieux gérer et dénouer les conflits au travail ?

22 mars 2018

5min

Comment mieux gérer et dénouer les conflits au travail ?
auteur.e
Elsa Andron

Psychologue du travail et psychologue clinicienne

Au travail comme ailleurs nous sommes confrontés à des conflits et comme ailleurs nous savons plus ou moins bien les gérer… Parfois délicats dans les relations professionnelles, les conflits, qu’importe leur nature (explosifs ou latents), sont parfois de véritables fléaux pour la vie collective et le travail collaboratif.

Les conflits sont normaux dans les interactions sociales puisqu’ils résultent des différences de point de vue ou d’opinion entre les individus. Il est important de savoir les repérer et les gérer afin de préserver une ambiance de travail agréable et productive.

Aussi, comment mieux gérer les conflits notamment quand ils ne sont pas exposés sur la place publique de l’open space ? Ou au contraire comment gérer le conflit qui explose en salle de réunion ?

La nature du conflit

Le conflit résulte souvent de non-dits et émerge entre des personnalités qui ont du mal à se comprendre et à s’entendre. Le conflit naîtrait donc du manque de communication et d’une frustration souvent ressentie pendant un long moment. Ainsi, Dollard et l’école de Yale*, affirment que l’existence d’une frustration conduit inévitablement à une quelconque forme d’agression. Dans ce cas, comment parvenir à identifier, prévenir, gérer et médiatiser le conflit au travail ?

L’individualisme grandissant dans nos sociétés serait l’une des clefs de compréhension de la recrudescence des conflits dans le monde professionnel. En effet, plus l’individu est individualiste plus il estime que certaines choses lui sont dues, ce qui accroît sa difficulté à penser dans l’intérêt du groupe. Ces différents éléments compliquent grandement le rapport de l’individu aux membres du groupe social dans lequel il s’inclut.

Dans nos entreprises, d’autres conflits sont également à l’œuvre. Il s’agit ici de conflits basés sur le sentiment de dette et sur le sentiment de manque de reconnaissance. Le sentiment de dette intervient dans les relations sociales lorsqu’une personne (appelée A.) rend service à une autre personne (appelée B.). B. a alors une dette envers A. et A. peut donc réclamer son dû à tous moments. Cette question de la dette peut être plus ou moins consciente chez A. mais si B. ne rend pas la faveur sous quelque forme que ce soit, il se peut que la frustration ressentie par A. soit le terreau fertile d’un conflit entre eux.

Outre la question de la dette, et parfois en lien avec celle-ci, intervient la question de la reconnaissance. De nombreuses études ont prouvé que les salariés étaient plus motivés à long terme par la reconnaissance de leur travail par leurs employeurs que par l’augmentation de leur rémunération. Ces études démontrent l’importance de prendre en compte chacun dans le collectif et faire comprendre à chacun son importance et son apport dans le groupe. On constate en effet souvent que ce besoin de reconnaissance en tant que sujet, plus qu’en tant que simple membre d’un groupe, pouvait participer à la désorganisation des liens sociaux dans l’entreprise.

Les règles de la gestion de conflit :

Admettre que le conflit est inévitable

En règle générale, les gens ne sont pas à l’aise avec le conflit parce qu’ils ne sont pas à l’aise avec le fait d’être en opposition avec une autre personne. C’est souvent donc le fait que l’humain ne peut pas s’entendre à merveille tout le temps avec d’autres qui peut être source de malaise. Or oui, c’est un fait, le conflit existe et il peut même être utile car il libère la parole. Bien que dans le conflit les choses soient dites maladroitement car sous l’effet de la colère et de la frustration, il permet d’instaurer une qualité de communication meilleure entre ses protagonistes. Le conflit permet également de mieux se connaître, de comprendre ses limites et ainsi de mieux pouvoir les signifier à l’autre afin d’éviter les futures situations de crise ou de conflit.

Reconnaître la nature du conflit

Savoir identifier la nature du conflit va être un point crucial pour pouvoir le dénouer. Il existe de nombreux types de conflits : d’objectifs, de valeurs, de méthodes, d’intérêts, de besoins, d’opinions. Savoir repérer ce qui se joue dans le conflit qui vous concerne aidera à recréer des ponts pour restaurer la communication entre les intéressés.

Ne pas laisser la situation s’envenimer et agir rapidement

Afin de gérer au mieux le conflit qui s’installe, qu’il soit entre deux individus ou entre deux groupes distincts, il est important d’agir aux premiers signes de tension perçus. On peut alors inviter les protagonistes de ce conflit à se rencontrer dans un endroit neutre et poussant à la convivialité (autour d’une table par exemple) et dans un endroit garantissant un minimum de confidentialité. Il est préférable d’organiser ce type de rencontre le matin et en début de semaine, la fatigue ayant tendance à faire diminuer les défenses des personnes et rendant potentiellement plus agressif.

Trouver un compromis

La résolution de conflit se trouve souvent dans le compromis. Le compromis demande un accalmie dans le conflit pour que chacun puisse envisager une sortie de celui-ci dans une forme de lâcher prise de leur point de vue. Le compromis ne peut se trouver que dans une forme de prise de distance et de souplesse d’état d’esprit. Il permet de contenter les deux protagonistes du conflit en question et de relancer le dialogue.

Faire intervenir quelqu’un d’extérieur au conflit

Si le conflit s’envenime malgré les différents points abordés ici, il ne faut pas hésiter à faire appel à un médiateur. En effet, l’intervention de quelqu’un extérieur au conflit permet de réguler les échanges entre les protagonistes de celui-ci. Cela permet que l’opinion de chacun soit écoutée et prise en compte. L’intervention d’un médiateur évite également une flambée du conflit.

Savoir faire la part des choses

Chose peu aisée, dans un conflit dans le cadre professionnel car, ce qui nous met dans une situation de conflit sont bien souvent les situations et la façon dont elles sont gérées plus que les individus eux-mêmes et leur personnalité. Il est donc particulièrement important dans les conflits au travail de ne pas oublier le cadre dans lequel ceux-ci s’inscrivent, à savoir un cadre professionnel. Il faut donc éviter les incriminations personnelles qui enveniment la situation et se rappeler de faire la part des choses entre la personne et l’origine du conflit qui vous oppose.

Pratiquer l’empathie

L’empathie peut être un bon moyen de prévention des conflits. En effet, en essayant de se mettre à la place de l’autre, en étant à l’écoute de ce qui se joue pour l’autre que ce soit au travail ou à l’extérieur aide à relativiser certaines interactions. La pratique de l’écoute et de l’empathie vous permettra de mieux comprendre vos interlocuteurs, comprendre ainsi leur fonctionnement, leurs besoins et pouvoir ainsi mieux communiquer avec eux.

En améliorant notre capacité à gérer les conflits, nous améliorerons la qualité de nos liens car nous saurons demain mieux communiquer en cas d’amorce de conflit. Mais cette capacité améliore également la performance et la compétence individuelle et du groupe. Toute situation de communication recèle une potentialité de conflit puisque de nombreuses modalités sont mobilisées aussi complexes que le ton de la voix, le langage corporel, le contenu latent du message (à savoir l’implicite qu’il recèle) et le contenu manifeste (à savoir l’explicite), l’état d’esprit des deux individus en communication et enfin, l’interprétation du message par le receveur. Ainsi, vous comprenez ô combien il est parfois délicat de désamorcer le conflit.. !

* Source : Dollard et al. cité par Touzard, H. (1977). La médiation et la résolution des conflits. PUF: Paris, p.27.

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