Dating amoureux ou entretien d'embauche, même combat ?

14 févr. 2022

9min

Dating amoureux ou entretien d'embauche, même combat ?
auteur.e
Roseline LaloupeExpert du Lab

Consultante et influenceuse RH spécialiste en marque employeur et création d’identité professionnelle

Ça y est, le rendez-vous est fixé : vous avez bien noté le jour, le lieu et l’heure. Et rien que d’y penser, vos mains sont moites et votre pouls s’accélère. Vous voilà en proie à un cocktail d’émotions familier. Joie, excitation et peur se mêlent à la seule idée d’imaginer ce premier moment à deux… Votre prochain entretien d’embauche ! Vous vous attendiez à autre chose ? Mais à bien y réfléchir, sur certains points, le dating amoureux n’a-t-il pas de quoi inspirer le process d’entretien ? Pour moi, il n’y a pas photo.

Plus qu’un entretien, une véritable « rencontre » !

C’est officiel, vous venez de décrocher un entretien pour un poste dans cette entreprise qui vous plaît tant ! Et les interrogations vont bon train. Comment préparer au mieux ce rendez-vous ? Comment vous montrer sous votre meilleur jour ? Comment « séduire » cet employeur et devenir son coup de cœur ? Comment faire de ce rendez-vous le point de départ d’une histoire au long terme ? Autant de questions qui, il faut bien l’avouer, ont déjà dû vous passer par la tête avant un date, non ? En effet, l’entretien n’est pas l’étape anodine d’un process plus global, c’est une véritable rencontre entre vous et un·e potentiel·le futur·e partenaire. Partenaire que vous avez d’ailleurs peut-être choisi·e après avoir consulté son profil sur un réseau social, afin d’en savoir plus sur ses valeurs et son état d’esprit. Vous me voyez venir ? Déjà dans l’étape de recherche, il ne s’agit pas seulement de trouver un job dans une entreprise quelle qu’elle soit. Mais LE BON job dans LA BONNE entreprise.

L’entretien est donc l’opportunité d’entrer en relation en vue de concrétiser un projet commun, au terme duquel chacun·e pourra vérifier l’adéquation de son/sa partenaire avec sa propre liste de critères et besoins, et d’être à l’écoute des sujets de préoccupation de ce·tte dernier·e. Un passage obligé qui n’est pas sans répercussion : 38% des Français·es ont déjà renoncé à rejoindre une entreprise suite à un entretien d’embauche. Et pour 48% d’entre eux/elles, le motif tient à une question de feeling avec l’interlocuteur·rice représentant l’entreprise.

C’est grâce à ma recherche amoureuse de 2021 que je me suis rendue compte des similarités entre dating et entretien. Et je ne suis visiblement pas la seule. Dans un monde du travail où la guerre des talents fait rage, de nombreux employeurs se sont inspirés de la pratique du dating pour séduire leurs futures recrues. Certain·es organisent des job dating, ces événements reprenant le concept du speed dating : en 5 ou 10 minutes, un·e recruteur·euse et un·e candidat·e font connaissance et échangent leur numéro s’ils/elles souhaitent prévoir un second rendez-vous. D’autres, comme France TV et Saint Gobain, ont recours à des plateformes de matching affinitaire comme Monkey Tie : grâce à elles, ils peuvent espérer trouver les candidat·es qui correspondront le mieux au job et à la culture de leur entreprise.

L’avantage de ces techniques ? Placer le curseur sur l’humain, la rencontre portant davantage sur la personnalité, la motivation et les soft skills des candidat·es, plutôt que sur leurs savoirs ou compétences techniques.

En parallèle, il n’a jamais été autant question pour les candidat·es que de développer leur personal branding, via les réseaux sociaux notamment, pour apprendre à se démarquer, à sortir du lot, à susciter l’intérêt. La nécessité d’abandonner la posture froide et classique du/de la candidat·e et d’humaniser son approche auprès des recruteur·euses semble également primordiale.

Match sans crash si tu peux

Mais revenons à nos moutons, votre entretien approche et vous souhaitez mettre toutes les chances de votre côté ? Voici mes conseils pour réussir votre “date professionnel” :

1. L’avant-rencontre : pas d’impasse sur la préparation

Un entretien réussi est un entretien préparé ! Peu importe que vous ayez ou non l’habitude de ces rendez-vous, le simple fait que votre profil ait tapé dans l’œil du/de la recruteur·euse ne suffit pas à vous assurer un happy end. Et y aller au feeling diminue considérablement vos chances de passer à l’étape supérieure.

Je me souviens encore de la première (et dernière) rencontre avec un candidat qui postulait pour un job en marketing. Le remake d’un mauvais date. Le jeune homme avait du mal à se raconter et à valoriser son parcours. Ses réponses à mes questions étaient courtes et évasives. Je pense que l’un comme l’autre avions hâte que l’entrevue touche à sa fin. Et comme dans tout rendez-amoureux, un instant peut achever de faire pencher la balance dans un sens ou dans l’autre. Ici, sa réponse à une info donnée sur le secteur d’activité a sonné le clap de fin : « Ah bon, vous faites ça ? » Il semblait découvrir l’entreprise pour laquelle il avait pourtant postulé. Cela m’a fait le même effet qu’un « Ah bon, tu t’appelles Roseline ? » lors d’un rendez-vous amoureux. Une douche froide…

Dans un contexte stressant, avec une personne dont on ne connaît que peu de choses, parler de soi n’est pas un exercice facile. Poser les bonnes questions à son interlocuteur·rice n’est pas forcément plus évident. L’intérêt d’une bonne préparation est donc encore plus grand, et ce afin de répondre à deux questions :

  • « Qu’est-ce que je souhaite qu’on retienne de moi lors de ce premier rendez-vous ? » Hors de question d’aller à un entretien en ayant uniquement son CV en tête ! Au contraire, à travers la fameuse question « Parlez-moi de vous », le/la recruteur·euse veut justement découvrir ce qui n’y figure pas et qui peut faire sens par rapport au poste à pourvoir, mais aussi à l’entreprise, ses projets, sa culture… Une préparation demande de l’introspection. Chaque candidat·e doit donc s’accorder du temps pour décortiquer et analyser ses envies, ses réussites, ses axes de progrès, sa vision du travail, et j’en passe. Autant d’éléments qui vont nécessairement arriver sur la table à un moment ou un autre de la conversation et permettront de juger de l’adéquation ou non de « votre duo ». « Connais-toi toi-même », dit le proverbe. Une philosophie empruntée à Socrate qui s’applique particulièrement bien au dating pro. En connaissant vos atouts, vous détenez un pouvoir lors de l’entretien : celui d’être moins facilement déstabilisé·e, vous savez ce que vous voulez et où vous allez. Une confiance en soi qui ne peut qu’inspirer le même sentiment.

  • « Quels points ont retenu mon attention à propos de mon interlocuteur·trice ? » L’entretien ne sert pas uniquement à découvrir votre potentiel futur employeur. Il sert également à démontrer que vous êtes vraiment et sincèrement intéressé par lui, et l’entreprise qu’il représente. Une personne avec une réelle motivation aura toujours tendance à se démarquer du lot.

En 2021, je me suis inscrite sur un site de rencontres. Comme beaucoup, j’ai cherché à créer un profil attractif, dont la description se terminait par une phrase à propos d’un livre que j’avais acheté mais pas lu -1984 de George Orwell pour la petite histoire. Pour me prouver son intérêt, l’un de mes prétendants a orienté la conversation sur ce bouquin, et m’a proposé un appel téléphonique pour en discuter. À travers ce petit acte, il a cherché à créer un lien particulier avec moi, et j’ai adoré ! Pour votre crush pro, c’est d’une certaine manière la même chose. Partez à la recherche du maximum d’informations possible. Réseaux sociaux, site carrière, jobboard… la plupart des entreprises disposent aujourd’hui d’un espace de communication pour mettre en lumière leur actualité, leurs missions, leurs valeurs ou encore leurs engagements. Il ne tient qu’à vous de les trouver en quelques clics. Plus vous recueillez d’infos, plus vous serez en mesure de trouver vos points en commun et personnaliser votre discours.

2. La rencontre : l’émotion et le langage corporel, le combo gagnant

Il y a des dates géniaux dont on se souvient encore 10 ans plus tard. Et d’autres qu’on aurait préféré ne jamais vivre. Côté entretien d’embauche, c’est pareil ! Et, dans les deux cas, la première impression est le plus souvent déterminante. En effet, un sondage de Walters People révèle que 75% des recruteur·euses ont besoin de moins de 10 minutes d’entretien pour savoir s’ils poursuivront ou non le processus de recrutement. Poignée de main, style vestimentaire, timbre de voix… votre apparence et votre langage corporel jouent notamment un rôle essentiel dans l’idée que le/la recruteur·euse va se faire de vous sur ces premières minutes d’échange.

Pendant la rencontre, soyez attentif·ve donc à ce que votre langage corporel peut laisser transparaître de votre état de stress. Certains comportements apparaissent comme rédhibitoires pour certain·es recruteur·euses, et réduisent considérablement vos chances de passer à la prochaine étape, à commencer par le manque de contact visuel (50%), la mauvaise position (47%) et l’absence de sourire (42%). Tiens, tiens, autant de signes qui ont également tendance à jouer en défaveur d’une personne lors d’un date, avouons-le. Et en la matière, ce qui vaut dans un sens vaut également dans l’autre. Le langage corporel du/de la recruteur·euse peut vous en apprendre beaucoup sur son état d’esprit et vos chances de voir votre entretien virer au crush ou au crash. Il/elle prête peu d’attention à votre discours, a le regard fuyant et/ou les bras croisés, voire pire, son regard s’égare sur son téléphone ou sa montre ? Autant être claire, c’est mal parti ! Nos expressions du visage et du corps trahissent ce que nous n’osons, parfois, pas dire de façon frontale.

Au-delà de la communication visuelle, le cœur de l’échange va bien entendu être crucial. Pour marquer des points, un conseil : évitez de débiter votre storytelling de manière linéaire, froide et désincarnée. Il n’y a rien de pire que de donner l’impression de réciter un dialogue sans émotions. Votre objectif est clair : séduire le/la recruteur·euse. Il vous faut donc comprendre ce qu’il/elle désire, quels sont ses besoins et ses objectifs, afin de vous poser comme la solution idéale. Mais pour cela, la manière dont vous allez mettre en mots votre personnalité, vos qualités et votre parcours doit être inspirante. Donc place à l’émotion ! Vous ne pourrez être mémorable sans avoir suscité l’intérêt, la surprise, mieux l’engouement de votre potentiel·le futur·e partenaire. En date, êtes-vous déjà reparti·e avec une personne qui vous a assommé d’un long monologue, sans laisser place à l’échange ? Moi non plus… Pour engager le/la recruteur·euse dans la discussion, votre pitch doit être court et captivant : je le vois comme la bande d’annonce d’un film. Le Graal ? Décocher un sourire ou un rire au cours de l’échange (de très bons signes et moyens de briser la glace en plus du stress lié à la rencontre). Car oui, il doit être question d’échange, même en entretien. Vous n’êtes pas là uniquement pour répondre à des questions et rassurer le/la recruteur·euse sur votre profil, mais vous assurer que ce qu’il/elle a à vous offrir répond à vos propres attentes. Ne l’oubliez pas !

3. L’après-rencontre : on se projette, un peu mais pas trop !

Le rendez-vous est terminé. Vous rentrez chez vous sur un petit nuage et avec une idée en tête : concrétiser. Et les interrogations reviennent : est-ce que ce feeling est réciproque ? Dois-je laisser à mon interlocuteur·rice le soin de faire le premier pas ou lui envoyer un message pour le/la remercier ? Si oui, après quel timing pour ne pas avoir l’air trop mordu·e ou, à l’inverse, trop détaché·e ? Des questions qu’il est bien normal de se poser après un premier date, que vous soyez à la recherche d’un emploi ou d’un·e amoureux·se.

Ne nous mentons pas, si vous êtes intéressé·e faire le/la mort·e a peu de chances de jouer en votre faveur. 68% des recruteur·euses affirment que l’envoi ou non d’un message de remerciement par un·e candidat·e joue dans leur prise de décision finale. Vous pouvez très bien écrire un mail au/à la recruteur·euse, deux ou trois jours après l’entretien, pour lui partager votre ressenti et réitérer votre intérêt pour le poste. Le seul mot d’ordre à garder en tête dans ce cas ? La modération. Si vous parlez projection, envisagez uniquement le court terme, pas où vous vous voyez ensemble dans 10 ans. Ce faux pas reviendrait ni plus, ni moins qu’à un « Je t’aime » envoyé à la sortie d’un premier date : une balle dans le pied et la garantie d’atterrir dans la liste des contacts bloqués de votre interlocuteur·rice. Mentionnez plutôt les premières actions que vous feriez si vous êtes embauché·e à ce poste.

Modération aussi sur le nombre de messages de relance. Inutile de bombarder le/la recruteur·euse tous les jours et chercher à scruter ses moindres faits et gestes sur l’avancement du processus de recrutement. De l’information au stalking, il n’y a qu’un pas qu’il vaut mieux ne pas franchir à moins de pulvériser définitivement vos chances de succès.

À l’inverse, évitez de passer aux abonnés absents pour « vous faire désirer », vous risqueriez d’envoyer le message contraire, à savoir l’image d’une personne peu fiable. Si le rendez-vous est passé, il n’est pas question pour autant de relâcher la séduction. Continuez à surprendre l’autre avec une posture inattendue et des initiatives originales, comme la proposition d’une nouvelle rencontre ou de premières idées de projets pour le poste.

Cela ne fait aucun doute, les parallèles entre entretien pro et date amoureux sont nombreux. Autant que les opportunités de s’inspirer de l’un et l’autre. Toujours est-il que l’importance de la préparation en amont, l’attention portée à son langage corporel et l’émotion de son discours, sans oublier le fait d’avoir une posture active mais modérée après la rencontre semblent bien être les maîtres mots. Et pour l’issue finale, même chose. Si votre crush préfère en rester là, on respecte son choix. Pas d’inquiétude, il y a fort à parier que votre ego comme votre cœur s’en remettra vite et battra de plus bel pour un nouveau partenaire pro !

Article édité par Mélissa Darré, photographie Thomas Decamps pour WTTJ

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