Vous changez d'avis comme de chemise ? Vous êtes sans doute un « manager girouette »

14 févr. 2023

5min

Vous changez d'avis comme de chemise ? Vous êtes sans doute un « manager girouette »
auteur.e
Marlène Moreira

Journaliste indépendante.

Il passe du coq à l’âne, change d’avis au gré du vent, et chaque tempête lui fait perdre le Nord… vous l’aurez reconnu : c’est le manager girouette. Mais si ses équipes sont les premières à en pâtir, lui aussi peut souffrir de cette situation.

Grand maître des injonctions paradoxales, les priorités du manager girouette ont la constance d’un soufflé au fromage. Est-ce un comportement volontaire ? Peut-il changer ? Élodie Bonnans – formatrice en management bienveillant, fondatrice de Smile@Job et auteure du podcast Feedback – et Christophe Das Neves – expert en management, conférencier et fondateur de Bayia et Advensse – partagent les signes caractéristiques du manager girouette, et leurs conseils pour en guérir.

Êtes-vous un manager girouette ? Ces petits signes qui ne trompent pas

Des réflexions apparemment innocentes aux entretiens individuels annuels qui font remonter un besoin de clarté ou une peur pour l’avenir, les signes d’un management désorganisé se cachent dans les détails. Élodie Bonnans et Christophe Das Neves nous listent quelques signes qui, s’ils s’accumulent, peuvent justifier votre remise en question.

Vous proposez des solutions très (trop) rapidement

Paradoxalement, certains managers girouette ne semblent jamais avoir de doute : « Quand quelqu’un est capable de donner une réponse immédiate à un problème complexe, c’est mauvais signe… », alerte Christophe Das Neves.

Vos équipes sont abonnées au « T’es sûr(e) ? »

Les équipes d’un manager girouette comprennent rapidement son fonctionnement. « Des collaborateurs qui ont pris le réflexe de vous dire “Tu me diras quand ça sera certain à 100 % pour que je m’y mette ?” vous envoient un message », observe Élodie Bonnans.

Vous utilisez un « vocabulaire magique »

Non, il ne s’agit pas ici de lancer un « Wingardium Leviosa » ou un « Abracadabra » au détour d’un couloir, mais plutôt d’abuser des « Ça va le faire ! » et autres « On verra ça plus tard, t’inquiète ! ». Pour Christophe Das Neves, ces termes permettent au manager girouette de « prolonger sa pseudo-certitude ».

Vous avez tendance à faire porter la faute au top management

« C’est pas moi, c’est la direction » est votre réplique préférée pour vous sortir d’une impasse ? Aïe. « Même si elle est justifiée, cette tendance à se déresponsabiliser doit vous alerter », ajoute Élodie Bonnans.

Votre agenda déborde

« Il n’est jamais disponible et enchaîne les réunions toute la journée. C’est donc quelqu’un qui ne peut littéralement pas se dégager du temps pour réfléchir », remarque Christophe Das Neves. Bien qu’un manager soit, par nature, très occupé, un agenda qui ne laisse pas de place à des temps de recul peut cacher une tendance à la prise de décision rapide et instable.

Vos équipes sont désengagées et/ou ne respectent pas les deadlines

Et si ce n’était pas forcément elles le problème ? « Des collaborateurs constamment dans le flou commencent par être désorientés, puis finissent par être démotivés. Ils tombent dans l’attentisme, faute de cap clair. Quand vous avez des difficultés à obtenir des rendus dans les temps, malgré une charge de travail raisonnable, il faut se questionner », conclut Élodie Bonnans.

Le management « girouette » : une maladie rarement volontaire

Les managers girouettes le sont-ils volontairement ? Ont-ils pour ambition profonde de rendre leurs collaborateurs fous et inefficaces ? Non. « Pour moi, il n’y a rien d’intentionnel dans ce comportement », confirme Élodie Bonnans. Pour nos deux experts, la maladie du manager girouette aurait plusieurs origines.

Une personnalité (un poil trop) « fonceuse »

« D’après mon expérience, les introvertis pâtissent moins souvent de ce travers. Pourquoi ? Car ils prennent naturellement le temps de réfléchir avant de passer à l’action, avant de donner des consignes », explique Élodie Bonnans. En revanche, les managers au caractère plus impulsif et fonceur, s’ils ont aussi des difficultés à prioriser et s’organiser, sont les premières victimes de ce travers du management. « Ils sont davantage dans la réaction que dans la préparation. Et leurs décisions deviennent rapides, instables, changeantes », ajoute-t-elle.

Un manque d’expérience

Le management est rarement inné. Et beaucoup de managers sont jetés dans la fosse aux lions sans formation préalable, sans avoir les clés pour s’en sortir. « Ils ont peur de mal faire, de froisser, de se tromper, de dire “je ne sais pas”. Alors ils prennent des décisions pour faire bonne figure, puis changent d’avis en fonction du courant, de l’opinion et des susceptibilités des uns et des autres… Il faut du temps pour développer le courage managérial nécessaire à ce poste* », rappelle Élodie Bonnans.

Une position complexe, entre le marteau et l’enclume

Mais il ne faut pas oublier que la position centrale du manager, entre la Direction et le terrain, est particulièrement exposée et soumise au vent. « Ils n’ont pas nécessairement tous les tenants et aboutissants d’un changement de cap, et sont désarmés face à des décisions qu’ils ont du mal à expliquer, eux aussi », rappelle Élodie Bonnans. Si chaque facteur, indépendamment des autres, peut conduire un manager à changer de position de manière trop répétée, c’est souvent une combinaison des trois qui conduit aux situations les plus difficiles à corriger. Malgré tout, le management girouette n’est (heureusement) pas une maladie sans remède.

Management girouette : ça se guérit, docteur ?

Et si les managers girouettes sont difficiles à vivre pour les collaborateurs, ils sont souvent les premières victimes de leurs travers : fatigue mentale, usure à faire et défaire, pression constante, désengagement et perte de confiance de l’équipe… « Dans les cas les plus graves, on peut observer des équipes qui finissent par “saboter” leur manager. Une sorte de revanche pour le mettre devant ses propres défauts de management », constate Christophe Das Neves. Alors, quelles sont les clés pour prendre des décisions plus stables et éclairées, se soulager et soulager ses équipes ?

La nuit porte conseil

« C’est finalement assez rare qu’une information nécessite d’être communiquée immédiatement, ou qu’une décision doive être prise et appliquée le jour même, rappelle Élodie Bonnans. La clé, pour un manager girouette, c’est de retarder les annonces et les décisions afin de s’offrir le temps d’y réfléchir réellement. » N’est-ce pas l’équivalent managérial du « Tourne 7 fois ta langue dans ta bouche avant de parler » répété par votre grand-mère toute votre enfance ?

Se bloquer des « créneaux de réflexion »

Pour Élodie Bonnans, il est indispensable de faire un travail sur la vision et le cap stratégique de son service ou de son équipe, de manière régulière. « Que l’on y réfléchisse une fois par mois ou une fois par an, c’est important de faire ce travail au calme et pas dans l’urgence », illustre-t-elle. Ce n’est qu’ensuite que vous pourrez passer toutes vos décisions à la moulinette de vos objectifs stratégiques, afin de mieux prioriser et mieux décider.

S’appuyer sur le collectif

Demander l’avis des membres de votre équipe permet d’identifier les angles morts et prendre de meilleures décisions. « Un lieutenant de l’armée est toujours bien entouré. Il sait qu’il peut s’appuyer sur des personnes expérimentées, qui vont lui apporter une vision claire et l’aider à prendre la bonne décision quand il en a besoin », explique Christophe Das Neves, ancien lieutenant dans l’armée. Par ailleurs, impliquer votre équipe dans la prise de décision est également la meilleure manière de l’y faire adhérer.

Se former et pratiquer

Pour Christophe Das Neves, l’entraînement et la formation sont les meilleurs remèdes à l’indécision. « Dans l’armée, il n’y a pas de manager girouette. Car on ne prend pas la direction d’une équipe sans avoir été formé durement et avoir fait ses preuves sous un maximum de pression », explique-t-il. C’est l’entraînement qui, pour lui, permet d’apprendre à être serein, à mieux comprendre les mécanismes de gestion de l’humain, à intégrer et redescendre une consigne de manière claire et éclairée.

Être tolérant avec soi-même

Le manager doit-il tout savoir ? Non. « Il y a beaucoup de croyances autour du rôle de manager : on doit être parfait, on doit faire le consensus, on doit être légitime pour prendre une décision… Il faut réussir à changer de mindset pour comprendre et accepter que l’on ait le droit de se tromper », rassure Élodie Bonnans. Car oui, il vaut mieux prendre une mauvaise décision que de ne pas décider du tout.

Prendre le temps d’expliquer

Parfois, le manager peut passer pour une girouette quand il ne prend simplement pas le temps d’expliquer à ses équipes les changements de direction. « Quand on présente un changement de cap complet, il faut prendre le temps. Oubliez l’e-mail, expliquez la décision en tête-à-tête à chaque membre de votre équipe s’il le faut », recommande Élodie Bonnans.

Vous vous êtes reconnus dans les caractéristiques du manager girouette ? Parfait, le premier pas de la guérison, c’est d’avoir conscience du problème. « J’en ai vu passer de l’autre côté, et devenir des managers assurés et sereins. Le plus dur, c’est de se rapprocher de son équipe et de guérir la confiance que l’on a généralement perdue. Ensuite, ce n’est qu’une question de volonté et de travail », conclut Christophe Das Neves.

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Article édité par Ariane Picoche, photo : Thomas Decamps pour WTTJ

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