Les jobboards sont-ils encore efficaces pour recruter ?

23 janv. 2024

7min

Les jobboards sont-ils encore efficaces pour recruter ?
auteur.e
Sylvain Guillet

Journaliste web

contributeur.e

Les plateformes de recrutement en ligne ne manquent pas. Mais est-ce bien raisonnable de publier une offre d'emploi sur chacune d'entre elles ? Apprenez à viser moins large et plus juste en choisissant un jobboard pertinent.

Nombreux sont les recruteurs qui rêvent de recevoir des CV qualifiés sans avoir à bouger le petit doigt. Mais la réalité est tout autre : la guerre des talents fait rage et en 2024, c’est sur Internet que se livrent les plus grandes batailles. Plutôt que de vous positionner sur tous les fronts, sélectionnez intelligemment les jobboards sur lesquels diffuser vos annonces. Pour vous aider dans cet exercice périlleux, nous avons demandé à Julien Chirat, consultant RH et chasseur de talents, de nous livrer ses secrets.

2024 : quels défis pour les recruteurs ?

Le monde de l’emploi est plein de contradictions : bien que la France possède plus de 2 millions de chômeurs, on comptait 356 300 emplois vacants au 3e trimestre 2023, selon les données de la Dares. D’après les résultats de l’enquête mensuelle de conjoncture (EMC) de la Banque de France, en un peu moins de deux ans, la part des entreprises qui déclarent des difficultés de recrutement est passée de 36 % à 52 %. En cause, la fin du Covid-19 qui a entraîné un fort rebond de l’activité économique, et donc une hausse de la demande en travailleurs. C’est donc plutôt une bonne nouvelle. Mais ce n’est pas la seule explication à cette pénurie de main-d’œuvre : certains secteurs sont boudés par les candidats en raison de conditions de travail trop difficiles ou des rémunérations jugées insuffisantes. Parmi les plus touchés par ce manque d’attractivité, on retrouve l’hôtellerie-restauration, la construction, les transports ou encore les services à la personne.

Mais le manque de CV n’explique pas toujours les difficultés de recrutement. Certaines entreprises ne trouvent pas de candidats assez qualifiés pour le poste à pourvoir (c’est la « pénurie de compétences ») ; pour d’autres, c’est le salaire qui pose problème : selon un sondage Robert Half, 66 % des salariés affirment que l’insuffisance de la rémunération demeure la première raison de rejet d’une offre d’emploi. Enfin, la volatilité des candidats, qui est en hausse dans la plupart des entreprises – en particulier dans le commerce, le conseil et les nouvelles technologies – augmente le taux de rotation et rend le recrutement plus intensif, donc plus difficile.

Les jobboards sont-ils encore efficaces pour recruter ?

À l’heure où les outils de recrutement se diversifient, il est nécessaire de réfléchir aux meilleurs canaux à utiliser pour mettre en place une stratégie efficace. Le jobboard est un outil traditionnel, qui reste pourtant utilisé par près de 9 recruteurs sur 10, selon les données Pôle Emploi. Reste à savoir si ces sites sont de véritables leviers pour attirer les candidats ou si cela relève d’une vieille habitude ancrée dans l’ADN des DRH : « À mon sens, la diffusion sur les jobboards est utile quand on n’a pas le réseau nécessaire ou la marque employeur suffisamment établie pour attirer sa cible », explique Julien Chirat. Pour les entreprises qui ont une notoriété trop faible pour faire venir les candidats à eux, le jobboard est alors un support de visibilité indispensable : « Le problème aujourd’hui, c’est que dans la grande majorité des cas, les recruteurs doivent aller à la recherche des candidats et non plus l’inverse. Le marché étant tendu sur de nombreux postes et secteurs, et la publication sur les jobboards étant plutôt passive, elle n’est plus suffisante. C’est là que la chasse de profils et la marque employeur entrent en jeu », ajoute le recruteur.

En 2019, Jovite a analysé 10 000 millions de candidatures dans le but de mesurer l’efficacité réelle des jobboards en matière de recrutement. L’enquête révèle qu’en moyenne, 49 % des candidats postulent via un jobboard, mais que seuls 19 % des personnes recrutées ont été trouvées grâce à ce canal. Les jobboards sont donc un aimant à CV, mais les candidatures se traduisent de manière limitée en recrutements effectifs. Pour autant, cela ne signifie pas que c’est un canal désuet ! À titre de comparaison, le même rapport indique que seuls les sites carrière ont un taux de recrutement plus élevé que les jobboards (28,93 %). Suivent ensuite la cooptation (12,26 %), la mobilité interne (8,01 %) et les agences de recrutement (3,92 %). En somme, la diversité (stratégie « cross canal ») semble être la clé pour un recrutement efficace, et les jobboards restent alors un passage obligé.

Comment choisir le bon jobboard ?

Les 8 jobboards les plus visités comptabilisent près de 27 millions de visiteurs uniques chaque mois (Médiamétrie NetRating 2019). Mais comme évoqué précédemment, le nombre ne fait pas la qualité : « Je suis contre la multidiffusion, cela ne donne en général pas de résultats probants. Il faut selon moi se concentrer sur 2 jobboards principaux, un global (Pôle Emploi, Indeed, Welcome to the Jungle…) et un spécifique au métier (BTP, IT…). Ainsi on touche plus efficacement notre cible », préconise Julien Chirat. Pour choisir LE (ou les) jobboard adapté(s) à votre stratégie RH, voici quelques critères à prendre en compte lors de votre recherche.

Le coût

Combien êtes-vous prêt à dépenser pour votre campagne de recrutement ? Chaque entreprise a un budget différent et l’aspect financier doit nécessairement être pris en compte lors du choix d’un ou plusieurs jobboards. Les tarifications varient beaucoup selon les plateformes. Pôle Emploi et l’Apec sont gratuits. D’autres proposent un abonnement à la journée, au mois ou à l’année, ou encore des packages avec options payantes. « Je suis plutôt contre les annonces sponsorisées. La réalité, c’est que bien que les annonces soient mises en avant, cela ne protège pas contre la non pertinence des candidatures », estime néanmoins Julien Chirat.

Le taux de candidatures

Lorsqu’on veut choisir un bon jobboard, le premier réflexe est de regarder le nombre de visiteurs uniques chaque mois. Mais à quoi bon recevoir 1000 CV s’il faut ensuite en jeter 99 % à la poubelle ? Un autre indicateur semble plus pertinent pour mesurer l’efficacité des plateformes de recrutement : le taux de candidature. Intuition Software a passé au crible 1 936 978 publications d’offres d’emplois et 358 399 candidatures sur les principaux jobboards. L’objectif ? « Effectuer une analyse comparative et croisée des données pour examiner les relations potentielles entre le nombre de publications d’offres d’emploi et le nombre de candidatures reçues », précise le site.

L’analyse croisée repose sur la formule suivante : taux de candidatures = (nombre de candidatures / nombre de publications) × 100.

Prenons l’exemple d’un jobboard fictif : (120000 candidatures / 430000 publications) × 100. On obtient ici un taux de candidatures d’environ 27,90 %. Ce qui signifie qu’en moyenne, pour 100 annonces en ligne sur cette plateforme fictive, 27 candidatures sont envoyées. Il faudra alors comparer avec les taux de candidatures des autres jobboards.

Vous recrutez ? À vos marques (employeurs), prêts, partez !

Découvrez nos solutions

Le profil des candidats

Plus haut, Julien Chirat recommandait de publier son offre d’emploi à la fois sur un jobboard généraliste ainsi que sur un site plus spécialisé. Pour atteindre correctement sa cible, il est donc important de connaître le profil type des candidats qui visitent chaque plateforme. Il y a un jobboard spécialisé pour tous les secteurs d’activités ! Welovedev pour les développeurs, Profil Culture pour les métiers de la culture, du divertissement et des médias, Les Jeudis pour les métiers de la Tech, etc. Au-delà du secteur d’activité, certains jobboards sont davantage tournés vers un type particulier de candidats. L’Apec se concentre par exemple sur les cadres tandis que Welcome to the Jungle s’adresse surtout aux profils CSP+ sur la tranche 18-35 ans.

Les outils de sourcing

La pertinence des paramètres de sourcing est essentielle pour trouver les talents les plus compatibles avec le poste à pourvoir, surtout si vous adoptez une stratégie de recrutement active (vous allez vers le candidat, et non le contraire). Beaucoup de jobboards proposent une CVthèque qui répertorie les CV des candidats. Différents filtres permettent d’afficher la recherche selon ses propres critères : disponibilité, géolocalisation, niveau d’études, expérience…. « Sur le sourcing de candidats, Indeed reste fort. La CVthèque est très efficace avec les recherches booléennes, les filtres, la liaison candidat et l’historisation », affirme Julien Chirat.

L’expérience candidat

Pour obtenir des candidatures pertinentes, il faut aussi savoir se mettre à la place des candidats et optimiser leur expérience de recherche d’emploi. C’est ainsi que, chez Welcome to the Jungle, on a décidé d’aller plus loin qu’une simple description de poste : l’entreprise partage son « profil », avec ses valeurs, ses chiffres clés, son histoire, des interviews vidéo des équipes, ainsi qu’une explication plus précise du poste et des étapes du processus de recrutement. Cet accent qui est mis sur la marque employeur permet de rendre l’offre d’emploi plus humaine, et de plonger le candidat dans l’univers de l’entreprise afin qu’il évalue au mieux sa compatibilité avec celle-ci.

Pourquoi vous ne recevez pas de (bonnes) candidatures ?

Si les CV que vous recevez à la suite d’une annonce sur un jobboard vous laissent perplexe et génèrent en vous des sentiments du type « Meh » ou « Bof », c’est peut-être que le problème ne vient pas des candidats, mais de vous ! Alors que de nombreux talents ne postulent pas aux offres qui n’affichent pas le salaire, la majorité des recruteurs rechignent encore à partager la rémunération sur les jobboards. Ils passent alors à côté de profils compétents, qui préfèrent ne pas postuler s’ils ne sont pas certains d’être sur la même longueur d’onde niveau salaire. Pour rappel, 66 % des salariés estiment que l’insuffisance de la rémunération demeure la première raison de rejet d’une offre d’emploi. C’est donc un critère primordial lors d’une recherche d’emploi. En conséquence, pour éviter de recevoir des candidats non qualifiés et perdre du temps inutilement, affichez a minima une fourchette salariale sur votre annonce !

Mais alors, où se cachent les profils intéressants ? Ont-ils tous déménagé en Indonésie pour devenir influenceurs ? Ont-ils lâché le salariat pour monter une start-up dans la Fintech ? Certains, peut-être. Mais la majorité d’entre eux ont simplement décidé de ne pas postuler, alors même que leur profil est adapté au rôle que vous proposez. C’est ce qu’on appelle le phénomène d’auto-élimination. Près d’un candidat sur deux s’abstiendrait ainsi de soumettre une candidature. Les raisons ? Les croyances limitantes d’une part (le candidat ne pense pas convenir à ce poste), l’investissement psychologique d’autre part (une candidature est un processus énergivore) et surtout, une offre d’emploi incomplète et/ou mal rédigée. Sur ce dernier point, on peut par exemple citer l’absence d’informations de base (salaire, horaires, télétravail…), des exigences trop spécifiques (« Bac+5 en neuromarketing, doublé d’une expérience d’au moins 10 ans dans le paramédical, et maîtrise de 3 langues exigés ») ou encore une liste de compétences floues.

Julien Chirat nous donne quelques astuces pour rédiger une offre d’emploi attractive sur un jobboard : « Il est important de se centrer sur les attentes des candidats, de rester succinct, de présenter brièvement la société et ses valeurs. Les candidats ne veulent pas une annonce centrée à 70 % sur l’entreprise et son historique, mais sur ce qu’elles vont pouvoir y accomplir ». Alors, aidez les candidats à se projeter sur leur futur poste, et soyez clair sur les possibilités d’évolution à moyen et long-terme. Et pourquoi ne pas utiliser les outils d’intelligence artificielle pour aider à rendre votre annonce plus performante ? « Beaucoup seraient surpris, mais j’utilise ChatGPT en soutien. C’est un superbe outil. En lui proposant un prompt qui nous ressemble, les résultats sont stupéfiants. Ils nécessitent bien sûr un contrôle, mais la base est très intéressante », confie Julien Chirat. Il ne reste plus qu’à décider la ou les plateforme(s) où poster votre annonce.


Article édité par Ariane Picoche, photo : Thomas Decamps pour WTTJ

Les thématiques abordées