« Recherche booléenne » : l'art de recruter sur Google en 4 leçons
26 sept. 2022
5min
Rédactrice indépendante.
Ce n’est pas un scoop, Google conserve nos données. Un enfer pour les anti-GAFA... mais pour les équipes de recrutement, un nouveau terrain de jeu. En effet, les données conservées sur la toile en font la plus grande CVthèque du monde. En maîtrisant quelques bonnes pratiques en matière de « recherche booléenne », le sourcing peut s'avérer très efficace. Surtout, à l'heure où recruter certains profils est devenu un vrai défi, se familiariser avec cette méthode constitue une piste innovante.
La recherche booléenne (le nom peut faire peur, mais ne fuyez pas !) est une méthode de sourcing directe : elle combine un langage et des techniques spécifiques qui permettent de cibler des candidat·es selon certains critères sur Google et consorts. Pour faire simple : « Ce sont des commandes que l’on donne à un moteur de recherche afin de lui expliquer comment il doit traiter les informations », explique Aurélien Boutaudou, formateur à l’École du recrutement.
Le principal intérêt est d’en comprendre la logique afin de construire ses propres recherches sur différentes bases : LinkedIn, Monster, Pôle Emploi… La méthode booléenne s’appuie ainsi sur des opérateurs (des conjonctions servant à filtrer les résultats en combinant ou excluant des mots précis de la recherche, ndlr) tels que « AND », « OR », NOT », etc. « Pas besoin de grandes compétences techniques : quand on recherche des informations sur Google, nous faisons tous du booléen sans le savoir ! Les opérateurs sont implicites : un espace, par exemple, signifie “AND”. » C’est LE point fort de Google, d’après l’expert : un moteur qui peut être utilisé par tou·tes afin d’apporter la réponse la plus pertinente possible. Sourceur·ses compris·es. Néanmoins, quelques bonnes pratiques et une petite gymnastique intellectuelle sont indispensables pour créer des recherches efficaces et booster son ROI de recrutement.
4 techniques pour masteriser le sourcing booléen
Bien définir sa cible et imaginer le rendu souhaité
« Nul besoin d’avoir une connaissance technique poussée sur les opérateurs booléens », souligne Aurélien Boutaudou, « même si cela peut aider à affiner les recherches ». Le plus important ? Bien définir ce que l’on recherche et identifier où l’information peut se trouver. « Il est primordial d’être très précis sur ce que le sourceur demande au moteur de recherche. Au départ, partir du persona est bien plus pertinent que de se concentrer sur les opérateurs techniques ». C’est donc la qualité du cadrage qui fait la différence. Sa traduction en opérateur accélèrera simplement le processus de recherche. Pour mener à bien cette étape préalable, voici quelques questions à se poser : où puis-je trouver les informations sur les candidat·es cibles ? Comment les exprimer avec des mots-clés pertinents ? À quoi doit ressembler le résultat attendu : un CV, des coordonnées, une liste de participants ? En plus d’être très précis, il ne faut pas hésiter à user de créativité !
Faire appel au bon sens et s’inscrire dans une logique itérative
Le risque principal de la recherche booléenne est le nombre de résultats, souvent peu qualifiés. En effet, les données publiques consolidées sur la toile sont si nombreuses que les recruteur·ses doivent faire appel à leur bon sens et s’armer de patience, afin de cibler les bonnes informations. « Par exemple, si je cherche des CV de freelances en rédaction, il ne suffit pas d’écrire “CV freelance rédaction”. Dans les résultats, j’obtiendrai certes des profils… Mais également des offres d’emploi noyées avec d’autres informations inutiles. C’est pourquoi je conseille d’adopter une approche itérative », insiste Aurélien Boutaudou. Commencer par une recherche, puis l’affiner. Pour cela, il existe différentes techniques. « À l’École du recrutement, nous parlons de la méthode de la pendule : un équilibre à trouver entre le fait d’être suffisamment générique au départ, pour devenir de plus en plus spécifique ».
Sourcing booléen : on fait comment, concrètement ?
Ajoutez des termes pour cibler votre recherche. « Par exemple, pour les critères, commencez par écrire un poste, un logiciel qui doit être maîtrisé et une localisation. Avec ces trois critères, un certain nombre de profils ressortent. Et si c’est encore trop large, ajoutez-en, toujours en phase avec votre cadrage de départ : une formation ciblée, une entreprise concurrente, une compétence… »
Il est aussi possible d’élargir le champ de recherche grâce à l’opérateur « OR ». Dans quel cas est-ce pertinent ? « Imaginons, je recherche un rédacteur freelance en RH : si je reviens aux profils ciblés, certaines personnes écrivent certainement “rédactrice” sur leur profil et non rédacteur. En mettant rédacteur OR rédactrice, je vais avoir les pages qui contiennent les deux mots. Encore une fois, ça prouve l’importance de la phase de cadrage », souligne Aurélien Boutaudou.
Se mettre dans la peau d’un marketeux
Le booléen oblige le sourceur·se à prendre de la distance avec les caractéristiques classiques d’un CV. « Pour tirer pleinement profit des moteurs de recherche, il faut se doter d’une approche marketing. Pensez “cible” : où se trouvent les candidat·es sur la toile ? Qu’est-ce qu’ils et elles expriment et sur quels canaux ? Quels sont leurs centres d’intérêt et leurs spécialités ? Par exemple, pour les populations tech, je ne vais pas taper “développeurs informatiques”, je vais plutôt me renseigner sur les conférences de dév qui existent. Puis, je vais tracer le “#” de la conférence sur Twitter et identifier les personnes qui ont commenté avant de les contacter », explique Aurélien Boutaudou.
Il est aussi possible de s’intéresser aux speakers et aux influenceur·ses dans certains domaines. Ils / elles permettent d’avoir accès à des communautés ou à des listes de participant·es lors d’événements. Certains candidat·es (infirmiers, techs, enseignants…) ne mettent pas forcément leur CV en ligne, néanmoins, ils / elles ont une empreinte digitale qu’il faut apprendre à décortiquer. Le mode détricotage sur Google a donc toute son utilité.
Maîtriser les opérateurs de base pour gagner du temps
Une fois ce processus de recherche maîtrisé, intéressez-vous aux opérateurs. Il existe un lexique de base à connaître pour améliorer votre agilité de sourcing sur Google.
« AND » permet de rechercher deux mots-clés. Dans la plupart des bases de données, il est remplacé par l’espace. Chargé de communication AND paris = j’obtiens tous les résultats qui contiennent le mot-clé « chargé de communication » et à la fois celui de Paris.
« OR » : cet opérateur permet de rechercher un résultat contenant soit un mot-clé soit un autre, soit les deux à la fois.
Les guillemets ( « » ) permettent d’obtenir la suite de mots que l’on tape, dans le même ordre. « Chef de projet Nantes » : j’obtiendrai tous les résultats qui contiennent dans l’ordre exact cette série de mots.
« NOT » : il s’agit de l’opérateur qui permet d’exclure des résultats. « secrétaire NOT Marseille (ou secrétaire - Marseille) », j’obtiendrai tous les résultats qui contiennent le mot « secrétaire » à l’exclusion de tous les résultats contenant le mot Marseille.
L’astérisque ( * ) : l’opérateur permet de remplacer plusieurs mots ou bien plusieurs lettres. « Développeur * Java » = je veux tous les résultats qui pourraient exister entre ces deux mots comme « Développeur senior Java », « Développeur d’application Java ».
« site: » : l’opérateur, qui s’écrit toujours en minuscule, fait ressortir les résultats sur un site Internet spécifique. Par exemple, avec « ingénieur site:https://www.linkedin.com/ », vous obtiendrez les résultats comprenant le mot « ingénieur » sur le site LinkedIn uniquement.
Les deux points accolés ( .. ) : cet opérateur permet de faire une recherche dans une fourchette. Quand est-ce utile ? Pour une recherche géographique via le code postal comme « Je cherche un développeur web dans les Hauts-de-Seine », je tape « Développeur Web 92002..92999 ». Je veux tous les résultats contenant les mots développeur web et dont le code postal est compris entre 92002 et 92999.
« intitle: » : lui permet d’aller chercher les informations dans le titre d’une page web. Il s’écrit toujours en minuscule. « intitle:participants » signifie que je veux tous les résultats qui contiennent le mot « participants » sur la page web.
« ext: » permet des recherches sur des documents selon leur extension (leur format) : doc, pdf, excel… Par exemple, « ext:xls infirmier » : tous les résultats au format Excel qui contiennent le mot « infirmier ».
Un dernier mot avant de vous lancer
Avec cette technique, Google s’avère un immense vivier de talents à exploiter ! Néanmoins, Aurélien Boutaudou insiste sur deux points avant de se lancer dans le booléen :
« Cette méthode est à utiliser en dernier recours ou pour certains profils, peu accessibles. En premier lieu, je conseille toujours de démarrer par une recherche du côté de la mobilité interne, de la cooptation, des contacts au sein de votre propre vivier de talents. Dans le recrutement, nous recommandons toujours de partir de la méthode la plus simple pour aller vers les plus complexes, qui exigent plus de temps. »
« Ensuite, n’oubliez pas que ces démarches proactives nécessitent de maîtriser un discours en approche directe. Généralement, les candidats ne vous connaissent pas, n’ont pas posté de CV ou ne sont pas en recherche active. Avant de les contacter, préparez bien vos arguments. »
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Article édité par Ariane Picoche, photo : Thomas Decamps pour WTTJ
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