Managers : comment réussir à vous faire respecter par votre équipe ?

17 mars 2022

7min

Managers : comment réussir à vous faire respecter par votre équipe ?
auteur.e
Marlène Moreira

Journaliste indépendante.

contributeur.e

SOS MANAGERS EN DÉTRESSE - Quand vous avez été promu·e manager, vous étiez (avouez-le) loin d'imaginer ce que diriger une équipe impliquait vraiment. Car trouver le juste équilibre entre leadership, bienveillance et équité, en autres choses, relève dans certaines situations du parcours du combattant. Dans cette série, notre expert du Lab Ludovic Girodon vous offre enfin les clés pour sortir la tête de l'eau face à vos problématiques du quotidien. Managers, suivez le guide !

Vous avez l’impression de lutter pour obtenir le respect que vous méritez ? Vous n’êtes pas seul(e). Vous en venez même à avoir de la compassion pour votre vieille professeure d’anglais, chahutée par ses élèves, qui cherchait pourtant à proposer des cours engageants en vous faisant repérer les verbes irréguliers dans les chansons des Rolling Stones. Si vous aviez su le mal qu’elle se donnait, vous l’auriez davantage écouté au lieu de fabriquer des sarbacanes avec vos stylos, n’est-ce pas ? Maintenant, c’est à votre tour de trinquer. Découvrez les témoignages de Chloé, Georges, Laurine et Pierre qui, eux/elles aussi, se battent pour se faire respecter par leurs équipes.

Être heureux sans être respecté(e) ? Difficile, d’après la science

Le respect devrait être la norme sur le lieu de travail (et à l’école, et dans les transports… et dans la vie de manière générale, en fait). Pourquoi ? Tout simplement parce qu’il est directement corrélé au bien-être.
Dans une série de quatre expériences, des chercheurs ont découvert que le niveau de respect que nous recevons de nos pairs prédit plus probablement le bonheur que le niveau de richesse ou le succès global d’une carrière. Ils appellent cela notre « statut sociométrique », par opposition au statut socio-économique.

Et alors, comment obtenir le respect des membres de son équipe ? « Le respect est quelque chose qui se mérite, explique Lisa Parker, coach et auteure de Managing the Moment, au magazine Forbes. Il n’est pas attribué automatiquement lorsque quelqu’un est promu manager ou devient un peu gris aux tempes. » Il est le fruit de l’expérience et d’un travail, plus ou moins long, sur ses soft-skills. Zoom sur quelques jeunes (et moins jeunes) managers qui ont lutté pour obtenir le respect de leurs collègues.

« Ils m’apprécient, mais ils ne me respectent pas »

Après 4 ans dans le même cabinet de conseil, Chloé obtient le poste de manager qu’elle espérait. Son directeur lui offre la possibilité de gérer le développement d’un nouveau projet, et d’étoffer l’équipe existante. « Les premiers mois se sont très bien passés. J’ai recruté, et gagné la sympathie de mon équipe. J’organisais beaucoup de moment informels pour que nous apprenions à nous connaître », explique-t-elle. Mais peu à peu, elle déchante : « J’ai remarqué qu’ils remettaient de plus en plus souvent en cause mes décisions. Certains n’hésitaient pas à discuter directement avec mon n+1 pour soutenir leur point de vue, au détriment du mien. »

Chloé cherche de l’aide auprès d’autres managers de l’entreprise, tente de raffermir sa position, mais la résistance n’en est que plus forte. « Ils m’appréciaient, mais ils ne me respectaient pas, analyse-t-elle. J’étais cataloguée comme la manager sympa, sans doute trop. Ils se permettaient des commentaires qu’ils n’auraient pas eus devant d’autres managers ».

Malheureusement, il est difficile pour elle de renverser la vapeur : « Je me suis rendue compte trop tard de ce qu’il se passait. D’autant plus que mon n+1 rentrait dans leur jeu et ne me soutenait pas devant eux, comme il aurait dû. » Acculée, Chloé démissionne et accepte une offre dans un cabinet concurrent. « Cela reste une bonne expérience, car j’ai beaucoup appris, conclut-elle. Aujourd’hui, je pense toujours être quelqu’un de “sympathique par défaut”, mais j’impose davantage de limites, quitte à lâcher du leste avec le temps ».

L’œil de l’expert : « D’abord, il faut être conscient qu’un ou une manager ne doit pas nécessairement chercher à devenir ami(e) avec les membres de son équipe. Ces deux casquettes sont difficiles, voire impossible, à cumuler », analyse Ludovic Girodon.
Une fois détachée de son besoin d’obtenir l’adhésion de tou·tes, Chloé aurait pu engager une discussion avec son propre n+1. « Dans 99 % des cas, le manque de soutien qu’elle perçoit n’est pas un acte de malveillance intentionnel, mais simplement un problème de communication », ajoute-t-il. Qui fait quoi, qu’est-ce que chacun·e peut (et doit) apporter à l’équipe ? Chloé et son manager auraient dû s’aligner sur leur fonctionnement et clarifier leurs rôles.
Ensuite seulement, Chloé aurait pu échanger en tête à tête avec chaque membre de son équipe pour comprendre leurs attentes. « Il n’y a pas de honte à demander franchement : qu’attends-tu de moi en tant que manager ? », rassure Ludovic.

« Mon équipe était à la fois plus expérimentée et plus experte que moi »

Pour son premier CDI, Laurine se voit offrir une opportunité en or : gérer une nouvelle mission pour le plus gros client de son agence, et manager une équipe d’une quinzaine de personnes. Et s’il y avait un loup ? En effet, et un gros. « Mon équipe était à la fois plus expérimentée et plus experte que moi, reconnaît-elle. Et ce n’est pas tout : on leur avait vendu une mission qui était loin de la réalité ». Aïe.

Le décalage entre les attentes de son équipe et les besoins de son client s’avèrent titanesque. « Ils faisaient parfaitement leur métier, mais n’aimaient pas la direction demandée par le client, explique-t-elle. *Et parce que je n’avais pas leur expertise, parce que j’étais très jeune et que je n’étais pas là aux origines du projet, ils avaient l’impression que je ne comprenais pas leur travail »*. Ce manque de légitimité, Laurine décide de s’y attaquer à bras-le-corps.

À force de points individuels et collectifs, elle parvient à leur faire comprendre que la direction qu’elle fait prendre à son équipe est nécessaire et réfléchie. « Ils ont apprécié de pouvoir s’exprimer, de voir qu’ils étaient partie prenante des changements en cours. Ils ont compris que mon but était de concilier leurs attentes et celles du client », confie-t-elle. Et si l’écoute et la conciliation étaient l’une des clés du respect ?

L’œil de l’expert : « Transparence, communication et co-construction : Laurine a tout compris ! », observe Ludovic Girodon. Pour un jeune manager - et d’autant plus dans un contexte difficile - donner du sens à l’action et faire preuve de courage managérial en maintenant un cap est essentiel. « Il faut prendre le rôle de coach, de sparring-partner, de chef d’orchestre, ajoute-t-il. Et c’est exactement ce qu’elle a fait ».
Pour notre expert, la légitimité d’un manager peut reposer sur trois éléments : le statut, l’expertise technique ou le relationnel. Le statut ? C’est le management à l’ancienne : « C’est moi le chef. » L’expertise technique est une meilleure alternative, mais plafonnée, car le manager n’est respecté que pour cela. Le graal, c’est la légitimité relationnelle, la capacité à nouer une relation durable et sincère. « Cela passe notamment par le fait de mettre en place des points en tête à tête pour créer un lien et mieux comprendre l’autre. C’est seulement comme cela que l’on peut co-construire, travailler ensemble à la mission. En fait, le manager doit simplement comprendre que c’est lui qui est au service de son équipe », souligne Ludovic Girodon.

« Mes anciens collègues ont du mal à comprendre que mon rôle a changé »

Depuis 6 ans, Georges est dessinateur industriel dans une TPE. Mais récemment, ceux qui étaient de simples collègues sont devenus ses subalternes. « Je n’avais rien demandé, on m’a proposé de prendre la responsabilité de l’équipe quand notre chef est parti », explique-t-il. Sans formation, mais avec enthousiasme, il cherche tant bien que mal à endosser ce nouveau rôle.

Or, ses anciens collègues ne lui facilitent pas la tâche. « Ils ont du mal à changer leurs vieux réflexes, à comprendre que c’est à moi de donner les directives, orchestrer le travail », partage-t-il. Au quotidien ? Georges doit vivre avec une remise en question systématique de ses compétences, et une comparaison de principe avec son ancien responsable. « Je sais qu’ils ne cherchent pas à me blesser… Mais c’est pesant, car je fais de mon mieux », ajoute-t-il.

L’œil de l’expert : « Georges fait face à une situation assez classique : le cadre a changé, les rôles ont changé, mais la relation, elle, n’a pas évolué », analyse Ludovic Girodon. Pour notre expert, Georges va devoir faire le deuil de son ancien rôle. Un mot fort, qui décrit pourtant cette difficile étape, indispensable pour lui permettre d’endosser pleinement son nouveau statut.
Comme souvent, la discussion en tête à tête est la clé ! Elle permet d’évoquer les frustrations et éviter les incompréhensions. Car le nouveau manager n’est pas le seul à devoir faire le deuil d’une relation qui n’est plus : ses anciens collègues aussi. « Il vaut mieux prendre le taureau par les cornes le plus rapidement possible, recommande-t-il. Georges doit demander à chacun ce qu’il attend de lui, ce qu’il va pouvoir apporter ». Une première preuve (et épreuve) de courage managérial qui ne pourra qu’être bénéfique sur le long terme.

« Un membre de mon équipe avait candidaté à mon poste »

Pierre a fait ses preuves et cherche à évoluer au sein de son entreprise. Lorsque le manager d’une autre équipe part en laissant un poste vacant, il candidate. Face à lui, un autre prétendant… membre de l’équipe en question. Ouch.

« J’ai obtenu le poste juste avant le confinement, explique Pierre. Si toute l’équipe a été très accueillante, lui ne pouvait pas cacher sa déception et sa frustration ». Plus jeune et moins expert sur l’activité, il marche en permanence sur des œufs. « Cela m’a demandé une énergie folle, ajoute-t-il. Je devais sans cesse peser mes mots, le guider dans la nouvelle direction que prenait l’équipe, mais sans le brusquer. Et surtout, préserver son autonomie, si chère à ses yeux ».

Pierre adopte une posture très humble, et sa patience paie : « Il reste assez négatif de manière générale, mais il me respecte et nous parvenons à travailler ensemble », partage-t-il. Pour lui, le confinement a été une chance : « Cela m’a obligé à organiser beaucoup de points individuels, j’ai pu créer une relation avec chacun et mieux les comprendre ». Voir le verre d’eau à moitié plein, un autre secret du bon manager ?

L’œil de l’expert : « Pierre a eu raison de ne pas prendre les armes, observe Ludovic Girodon. Entrer en confrontation directe n’est pas la solution ici ». Au contraire, notre expert recommande d’engager la discussion, de questionner pour comprendre les frustrations profondes… afin de trouver des solutions et des compromis, ensemble.
« Comme Pierre, un bon manager cherche à comprendre ce qui drive chaque membre de son équipe : l’autonomie, la reconnaissance, l’argent, les possibilités d’évolution… », illustre Ludovic Girodon. Car ce n’est qu’en connaissant les moteurs de chacun·e et en cherchant à les nourrir qu’un·e manager peut espérer récolter le respect.

Vous l’aurez compris, pour se faire respecter, le/la manager ne doit ni chercher à se faire aimer, ni à se faire craindre : il/elle doit gagner la confiance et le respect de ses équipes. C’est seulement comme cela qu’il/elle assurera la performance collective et permettra à ses collaborateur·rices de grandir professionnellement (ou aux élèves à apprendre leurs verbes irréguliers).

Et pour cela, il y a quelques ingrédients “pas-si-secrets”, que nous résume Ludovic Girodon : « La transparence, la cohérence, l’empathie, le courage managérial et la légitimité. Et que les jeunes managers se rassurent, cette légitimité est toujours plus forte quand elle repose sur le relationnel, sur une compréhension mutuelle, plutôt que sur le statut ou l’expertise technique. » Understanded ? Alors maintenant, tenez bon, vous êtes sur la bonne voie ! (Attendez, on ne dirait pas « Understood » plutôt ?)

Article édité par Mélissa Darré. Photo by Thomas Decamps