Recherche de stage : les salons étudiants sont-ils devenus has-been ?

05 janv. 2022

8min

Recherche de stage : les salons étudiants sont-ils devenus has-been ?
auteur.e
Manuel Avenel

Journaliste chez Welcome to the Jungle

Toute l’année, des salons de l’emploi étudiant, généralistes ou spécialisés, proposent sur quelques jours des événements qui sont autant de points de rencontres privilégiés entre exposants venus représenter leurs entreprises et étudiants en recherche de stage ou d’alternance. L’Étudiant à lui seul, en compte plus de 120 répartis dans toutes les grandes villes de l’Hexagone ! Mais après les vagues de coronavirus et à l’heure du tout numérique, ont-ils perdu de leur attractivité et de leur pertinence ? Faut-il encore leur accorder une place de choix dans sa boîte à outils d’étudiant pour décrocher un stage ou une alternance ? Nous avons fait le point avec deux étudiants, mais aussi Mila Elhamdi, coach professionnelle et Etienne Gless, journaliste à l’Étudiant et animateur de conférences de salons.

Un rendez-vous boudé par les étudiants ?

Entre méconnaissance et rejet

Parmi les étudiants qui snobent ces salons, certains plaident le manque d’informations. « Pour être tout à fait honnête, je n’ai pas du tout le réflexe de passer par les salons de l’emploi qui ne me semblent plus vraiment d’actualité et je n’en entends jamais parler quand ils ont lieu », nous confie Kenza, 20 ans, étudiante à Science Po et en stage de community management. Quand d’autres les évitent carrément. C’est le cas d’Arnaud, étudiant à Paris Dauphine, pour qui ils manquent cruellement de personnalisation et d’humanité : « Je préfère viser des offres plus spécifiques que j’ai moi-même sélectionnées ou bien cibler des entreprises et envoyer une candidature spontanée travaillée. Aux salons, même s’il y a de nombreuses entreprises, toutes ne m’intéressent pas forcément. Je trouve qu’en plus, on n’a pas le temps d’échanger, c’est vraiment des entretiens à la chaîne. Ce n’est pas tellement rentable de se déplacer vu le monde que ça brasse. Et ce sentiment de mise en concurrence, très visible, me décourage d’avance d’y aller. »

À l’origine du désamour : une vision faussée du marché ?

Une double tendance que constate amèrement Mila Elhamdi, coach professionnelle accompagnant notamment les étudiants: « En effet, pour beaucoup d’étudiants les salons peuvent sembler has-been et une perte de temps. C’est vaste, il y a du monde, il faut faire le déplacement… C’est aussi un peu connoté d’y aller, car on pense que les choix seront restreints à des structures du type mission locale. En fait, les étudiants peuvent - à tort - en avoir des représentations qui ne sont pas forcément positives, explique-t-elle. Pourtant, les visites de salons d’étudiants sont un des canaux à ne pas négliger pour trouver un stage ou une alternance. Dans cette recherche, on va avoir différents biais : les annonces, les offres, le réseautage, le réseau personnel. Les salons sont tout simplement une autre source d’information, pleine de surprises qui plus est. »

Pour Etienne Gless, journaliste à l’Etudiant et animateur de conférences sur les salons, il y a également un problème de mauvaise connaissance de la réalité du marché à l’origine d’un potentiel désamour entre étudiants et salons. « Pour leurs stages ou alternances, de nombreux jeunes sont attirés par des boîtes prestigieuses, des grands groupes, qui ne se trouvent pas nécessairement sur les salons. Par exemple, je note que beaucoup d’étudiants qui veulent travailler dans le marketing digital du luxe, n’ont que LVMH en tête. Or, on peut tout aussi bien faire la même chose chez Peugeot ou dans une PME. » Les salons permettraient donc en réalité de faire le pas de côté nécessaire et d’apprendre à connaître la réalité du marché du travail.

Une question de distance et de timing ?

« Si l’information me parvient, que je suis au courant qu’il y a un salon qui pourrait m’intéresser près de chez moi, je pourrais éventuellement m’y rendre. Mais s’il est en ligne, c’est encore mieux ! », avoue Kenza. Un point de vue que partage Josselin, étudiant en école de communication qui s’est rendu à un forum de l’emploi à Strasbourg pour décrocher un stage et se professionnaliser avant la fin de son cursus. « Je voulais faire un stage dans ma ville, et cet événement est tombé à pique. Mais je n’y serais jamais allé si ça s’était tenu à Lille par exemple… » Qu’ils soient au bon endroit au bon moment, c’est ce qu’attendent ces deux étudiants, et ils semblent avoir été entendus : après les vagues de coronavirus et la mise en berne de la quasi-totalité des évènements réunissant du public en 2020 et en partie en 2021, les salons ont eux aussi pris le virage du virtuel de manière pérenne : « l’idée, c’est aussi que les jeunes qui sont en province puissent suivre des salons à Paris, explique Etienne Gless. On essaye d’apporter une solution hybride comme les salons augmentés, que l’on peut suivre à distance ou en présentiel. Mais le présentiel rassure, et la fréquentation des salons repart de plus belle qu’avant la crise. »

Chaque année, pas moins d’un million de visiteurs fréquentent les quatre types de salons (généralistes, rencontres métiers, apprentissage et alternance, spécialisés) qu’organise l’Étudiant (parents, collégiens et lycéens inclus). Alors, pour survivre sur le long terme, les salons étudiants devront-ils changer la recette qui a fait leur succès et s’adapter aux nouveaux usages, ou bien résister aux vents du tout digital pour se différencier - quitte à en décourager certains ?

Quels avantages à se rendre sur un salon ?

L’avenir nous le dira… Mais en attendant, qu’est-ce qui continue malgré tout d’attirer du monde sur les salons dédiés à la recherche d’emplois, de stage ou d’alternance ? Et pourquoi devriez-vous leur donner une chance malgré leurs petits défauts ? Ces canaux de rencontre entre l’offre et la demande permettraient notamment de :

  • Nouer des contacts

Cela peut sembler paradoxal mais, selon Mila Elhamdi, il ne faut pas nécessairement aller sur un salon en espérant trouver un stage immédiatement. Si cela reste l’objectif ultime, les salons sont plutôt l’occasion de faire des rencontres et de nouer des contacts pour plus tard. « Cela permet de réseauter dans notre propre domaine ou d’activer un petit réseau dans un nouveau secteur et voir ce qu’on en fera plus tard. Le but c’est de baigner dans un espace d’échange », nous dit-elle.

  • Prendre la température

Le salon serait aussi l’occasion à l’issue de ces rencontres avec des salariés et représentants, de se faire une idée aussi, de sentir l’ambiance d’une entreprise. « C’est une porte d’entrée, illustre Etienne Gless. Même si parfois les exposants vont utiliser un discours corporate, on pourra obtenir des informations qu’on aura nulle part ailleurs. » Dans un recrutement, à un moment donné, une rencontre physique s’impose. Le salon en présentiel est d’autant plus important qu’il permet de rencontrer non seulement un recruteur mais éventuellement son futur manager.

  • Bénéficier de conseils

Etienne Glesse tient lui-même des conférences lors de salons étudiants. Il se souvient, lors d’un salon professionnel, que « des salariés de boîtes expliquaient à des jeunes comment faire leurs CV, alors même qu’il n’y avait pas un but de recrutement ».

  • Roder son pitch

On ne parvient pas à cet exercice de présentation minute du premier coup. Alors le salon devient l’occasion de s’entraîner. « C’est en s’entraînant qu’on parvient à roder son pitch, prévient la Mila Elhamdi. Comme il y a du monde, il faut faire dans la concision, en intégrant des mots-clés, c’est-à-dire : mon cursus, la durée de mon alternance et surtout quel type d’alternance que je recherche. Pour savoir à quoi elle correspond, je dois me demander “je recherche une entreprise qui me permettrait de mobiliser quelles compétences ?” » Une fois énumérées ces attentes et ces compétences à mobiliser : une ligne directrice et un projet se dégagent.

  • Trouver des opportunités inattendues

Se rendre dans un salon étudiant pour rechercher un stage, c’est un peu comme entrer dans un magasin de jouets à l’approche de Noël. On convoite tous le même cadeau, sans se rendre compte que d’autres jouets nous feraient tout autant plaisir ou seraient pas mal à offrir à notre petit neveu. Dans les salons, on peut très bien venir pour une entreprise précise, mais en profiter pour découvrir de nouvelles structures et de nouveaux secteurs d’activité. « Par exemple, si je cherche une alternance en tant que chargé de communication, je peux rencontrer une entreprise du domaine de l’aéronautique, m’informer sur le secteur et peut-être découvrir qu’elle a un pôle de communication auquel je n’aurais pas pensé », illustre Mila Elhamdi.

C’est ce qui est arrivé à Josselin. Le jour J, l’étudiant s’insère dans la file d’attente pour obtenir un entretien à un stand qui l’intéresse. « J’ai attendu environ une heure. Mais finalement, en discutant avec un organisateur, j’ai été redirigé vers quelqu’un qui cherchait un profil comme le mien ». Pour tuer le temps, toujours dans l’attente qu’une place se libère au stand qui l’intéresse, il se renseigne auprès de cette autre table autour de laquelle, la foule ne se précipite pas. Et c’est le coup de foudre professionnel : « Ce qu’il proposait m’a plu et je pense que mon profil lui a tapé dans l’œil également, nous avoue-t-il, encore flatté. Je n’ai pas trouvé mon stage à proprement parler pendant l’évènement. Mais j’ai noué des contacts qui m’ont permis par la suite d’être retenu pour un stage dans cette structure. Si je n’y étais pas allé, je n’aurais pas vu cette offre de stage et je n’aurais jamais postulé. »

Quelques conseils si vous visitez un salon

Si vous avez décidé de franchir les portes d’un salon pour trouver un stage ou une alternance, voici quelques conseils avant de vous y faufiler plein d’espoir… ou à reculons.

  • 1. Bien choisir son évènement

Les salons généralistes, très larges et regroupant orientation et emploi avec parfois plusieurs secteurs d’activités qui n’ont pourtant rien à voir se retrouvant complètement mêlés, peuvent sembler rébarbatifs. Faire le déplacement pour finalement ne visiter qu’un ou deux stands qui nous intéressent réellement… pas très fun. « Dans ces grands salons, les étudiants ne vont pas forcément s’y retrouver et peuvent penser : à quoi bon me déplacer pour deux entreprises qui seront présentes ? Et à côté de ça, il y a aussi beaucoup de stands qui vont concerner l’orientation, or beaucoup d’étudiants savent ce qu’ils veulent faire puisqu’ils sont dans une recherche d’alternance ou de stage et plein de motivation pour trouver une entreprise. Ils ne vont pas forcément se sentir concernés par des stands comme l’ONISEP, Studyrama, le CRIJ… » En revanche, les salons qui proposent un rendez-vous spécifique « stage et alternance », sont bien plus pertinents. Il est donc nécessaire de bien se renseigner sur l’objet du salon en question.

  • 2. Optimiser sa visite

Comme à l’approche d’un grand festival de musique, peut-être qu’une line-up est déjà disponible en ligne, et on peut commencer à lister nos entreprises préférées, avec éventuellement un itinéraire à suivre (car les salons sont parfois de véritables dédales). « Dans un premier temps on peut se rendre sur tels stands, auprès de telles entreprises où l’attente n’est pas la plus conséquente. Après cela, on peut aller voir l’entreprise ou le stand qui nous intéresse vraiment, parce qu’il y aura moins de monde et/ou que l’on se sera suffisamment exercé à réciter son pitch au préalable, ce qui évite de se griller en y allant dès le début. »

  • 3. Comprendre ses propres attentes

Rechercher un stage, d’accord, mais quel type de stage ? « Il faut bien cerner son propre objectif de stage, qui peut évoluer en fonction de ce que l’entreprise proposera, une question à laquelle il faut pouvoir répondre : que voulez-vous faire concrètement durant ce stage ? On doit avoir des grandes lignes déjà, à partir desquelles on doit construire son CV, son Pitch, sa lettre de motivation, et cibler les entreprises qui pourront répondre à ce défi là », insiste la coach.

  • 4. Tenue correcte exigée

Pas forcément le costard-cravate ou les talons, mais quelque chose de sérieux et décontracté à la fois pour être soi-même à l’aise, une tenue professionnelle, on va dire.

  • 5. La paperasse

De quoi prendre des notes, son CV imprimé en nombreux exemplaires, une pochette pour y mettre toute sa documentation.

  • 6. Adopter une posture gagnant-gagnant

Il s’agit d’être dans une posture d’échange, de dialogue, d’être curieux, de ne pas y voir que son propre intérêt. C’est en échangeant qu’on pourra récolter de nouvelles informations qui vont nous mener potentiellement vers d’autres pistes. « Il faut montrer de l’intérêt pour les professionnels qui sont là pour parler d’eux, de leur entreprise et cela avant même de recueillir des CV », précise Mila Elhamdi. Et enfin, il faut être proactif, ajoute Etienne Glesse : « Je me souviens d’un salon sur lequel une étudiante faisait le tour des entreprises - qui ne recrutaient pas forcément - juste pour donner son CV dans le cadre de sa demande de stage de fin d’étude. C’est tout à fait la marche à suivre. »

Alors, oui, les salons ne conviennent pas à tous les étudiants, ni à toutes les situations et certains mériteraient un petit coup de neuf. Mais ils sont loin d’être inutiles ! Surtout quand on sait comment les aborder et quoi venir chercher. Pas convaincu·e ? Pour Josselin en tout cas, qui s’y est rendu sans en attendre grand chose, cela aura été utile et surtout, cela lui aura montré l’importance d’être proactif dans sa recherche : « Je ne suis pas quelqu’un de très volontaire par rapport à ce type de démarche. Je ne vais pas écumer les salons. Et finalement ça m’a montré que c’était important quand même de faire ces choses là, de participer aux événements qui sont organisés, ou en tout cas de ne pas les délaisser, parce que ça peut t’apporter des opportunités. »

Article édité par Éléa Foucher-Créteau, photo WTTJ