Recalé à l'embauche : « J'ai l’impression d’être passé à côté du poste de ma vie »

12 déc. 2023

6min

Recalé à l'embauche : « J'ai l’impression d’être passé à côté du poste de ma vie »
auteur.e
Coline de Silans

Journaliste indépendante

contributeur.e

Au même titre qu’un crush qui met un terme à votre histoire avant qu’elle n’ait vraiment débutée peut briser notre moral, se faire recaler suite à un entretien pour le poste dont on rêvait peut être difficile à encaisser. Comment s’en relever et passer à autre chose ? Justine, Benjamin, Sophie et Raphaëlle témoignent.

« Impossible pour moi de faire le deuil de ce poste », Justine, 33 ans, data analyst

À la fin de mes études de marketing, je cherche une alternance pendant des mois, en vain. Après des semaines à envoyer des CV, je tombe enfin sur cette offre dans un gros groupe, pour un poste intéressant avec des possibilités d’évolution. Je passe les entretiens, jusqu’à la dernière phase avec une journée entière de tests psychotechniques, avec l’ensemble des candidats. Je suis stressée. J’en ai tellement marre de chercher que je me projette dans ce poste, probablement trop… À l’heure de la pause, je me retrouve à déjeuner avec une autre candidate qui a un profil très similaire au mien, si ce n’est qu’elle a fait une école de commerce et moi un BTS, ce qui me stresse encore plus.

Quelques semaines plus tard, je reçois un appel. On me dit que seuls deux candidats ont été retenus pour continuer, et je n’en fais pas partie. Ils ne me donnent pas plus de raisons, si ce n’est qu’il a fallu faire un choix. Sur le coup, je m’effondre. Je passe la journée à pleurer : impossible pour moi de faire le deuil de ce poste. Comme on ne m’a pas donné de raisons précises pour m’expliquer pourquoi je n’ai pas été choisi, je n’ai pas vraiment d’axes d’amélioration, ce qui rend la situation encore plus difficile. Je prends quelques jours pour encaisser la nouvelle, puis je me remets à postuler.

L’ironie, c’est que deux mois et demi plus tard, cette entreprise me rappelle pour me proposer un autre poste, moins sexy que le premier dans l’analyse de données. Je suis beaucoup moins stressée en allant à l’entretien, car je me retrouve en position de force cette fois. Et comme le poste m’attire moins, j’y place moins d’attentes. J’hésite à le prendre, mais les mois de chômage s’accumulent et je finis par accepter. Au final, je reste dans le domaine de l’analyse de données, et je gravis très rapidement les échelons. Je n’aurais probablement pas eu cette ascension dans le marketing, sans compter que je ne suis pas sûre que je me serai vraiment plu dans ce domaine, donc c’est peut-être le destin qui m’a conduit ici !

« Je prends conscience que si je veux travailler dans ce domaine, il faut que j’accumule des expériences », Sophie, 31 ans, chargée de communication

Cela fait maintenant un an que je ne travaille plus. J’ai été arrêtée après un burn-out. Je me demande encore si c’est à cause de l’entreprise où je travaillais ou si c’est le métier qui ne me convient pas. Je commence à réfléchir à une reconversion, mais je ne sais pas vraiment vers quoi me diriger. C’est dans ce contexte que je tombe sur une offre d’emploi, dans la newsletter d’une association que je suis et que j’aime beaucoup. Le poste est idéal dans le sens où c’est un mélange de choses que je sais déjà faire, et de nouvelles compétences. C’est le premier poste pour lequel j’envoie une candidature en un an, et j’y crois. Les critères pour postuler sont assez précis, il faut notamment une forme de CV bien spécifique. Je passe beaucoup de temps à peaufiner ma candidature avant de l’envoyer. Je crains qu’elle ne soit pas assez bien, d’autant que j’ai du mal à me vendre. Ce que je trouve bien, c’est qu’ils ont précisé dans l’offre les différentes échéances : la date limite jusqu’à laquelle postuler, la date des premiers entretiens, etc. Et en effet, une semaine plus tard, je reçois un mail.

Sur le coup, mon cœur se met à battre très vite. Je ne sais pas vraiment ce que je redoute le plus : qu’ils me disent oui ou non. Je l’ouvre et je vois que je suis refusée. Ils donnent des chiffres, notamment sur le nombre de personnes qui ont postulé. Je trouve ça intéressant parce que ça me permet de me situer, même s’il n’y a pas de retour spécifique sur ma candidature. J’envoie un mail pour demander plus d’explications, car comme cela fait un an que je n’ai pas postulé, il est important pour moi de comprendre leur choix. Je pense que j’ai besoin de me rassurer sur le fait que je n’ai pas envoyé n’importe quoi. Ils me répondent en spécifiant qu’ils ont choisi d’autres personnes sur la base, notamment, de critères tels que la bonne connaissance du monde rural, ou encore l’expérience à un poste équivalent dans une structure de l’économie sociale et solidaire. Cela me soulage, car ce sont uniquement des critères sur lesquels je n’ai pas pu rivaliser, et ça m’aide à établir un plan d’action. Je prends conscience que si je veux travailler dans ce domaine, il faut que j’accumule des expériences.

En ce moment, je suis en train de voir pour faire une mise en situation professionnelle via Pôle Emploi, afin d’acquérir plus d’expérience dans le domaine de l’économie sociale et solidaire. Avec le recul, et aussi douloureux que ça ait été, cette expérience m’a permis de réaliser que je ne suis pas moins légitime que d’autres, et ça me donne une direction vers laquelle aller !

« J’ai l’impression d’être passé à côté du poste de ma vie avec Arsenal », Benjamin, 35 ans, data scientist

À l’époque, je travaille comme data scientist dans le marketing alors que je rêve de bosser dans le sport. Je vois passer une annonce sur Twitter pour un poste similaire dans le club de foot d’Arsenal : bref, le job de mes rêves ! C’en est presque surréaliste. J’envoie ma candidature, tout en pensant qu’on sera probablement plusieurs centaines à postuler. Je ne pense même pas être recontacté, et pourtant, c’est le cas. Je passe un premier entretien, puis un deuxième, ensuite un test technique, et au fur et à mesure, je commence à y croire. Au bout de trois mois, ils font venir les cinq finalistes à Londres dont je fais partie, pour un ultime entretien de personnalité. Moins technique donc, mais paradoxalement plus stressant pour moi, car en anglais face à un recruteur… Sur le coup, j’ai l’impression que ça se passe plutôt bien.

De retour en France, j’attends fébrilement deux semaines avant que le verdict ne tombe. Finalement, ils m’appellent et me disent que je suis dans le top 3, mais que je n’ai pas obtenu le poste. Ils ont préféré prendre quelqu’un de plus expérimenté. Très vite, je découvre qu’ils ont effectivement pris quelqu’un avec plus d’années d’expérience, mais dans le même domaine que moi. Donc pas un candidat qui travaille dans le sport… J’ai du mal à encaisser la nouvelle.

Au fil des mois qu’a duré le processus de recrutement, je me suis détaché de mon boulot, je n’arrive plus à m’impliquer, car je me rends compte que je ne suis vraiment plus du tout à ma place en marketing. Ce constat a été à la fois difficile, parce que j’ai l’impression d’être passé à côté du poste de ma vie avec Arsenal, et en même temps ça me conforte dans le fait que je suis légitime à postuler dans le domaine du sport et qu’il faut que je m’accroche. J’ai quand même eu besoin de quelques jours de pause avant de m’y remettre. Aujourd’hui, je travaille comme data scientist dans le foot et le golf, et probablement que sans cet entretien, je n’aurais peut-être jamais osé postuler. Ça m’a pris du temps avant de trouver un poste, mais j’y suis parvenu !

« J’essaie de prendre ce refus comme une opportunité de réorienter ma vision du travail », Raphaëlle, 30 ans, journaliste

Depuis l’adolescence, je suis fan d’un magazine pour lequel je me suis toujours dit que je travaillerais un jour, à tel point que c’est devenu un running gag avec mes amis. J’ai postulé plusieurs fois pour des stages sans jamais être prise, jusqu’au jour où, alors que je suis déjà en poste, je vois une annonce pour un poste de journaliste en CDI. J’envoie ma candidature, et surprise, je suis reçue pour un premier entretien avec la RH, puis un deuxième avec le rédacteur en chef. Les deux se passent bien. J’attends la réponse pendant plusieurs semaines ensuite, je suis super stressée, j’arrive à peine à manger. C’est vraiment le poste de mes rêves, je me suis fait tout un film de comment ce serait une fois que je serai là-bas…

Du coup, quand ils m’appellent pour me dire que je ne suis pas prise, mon monde s’écroule. Je pense que ce qui est le plus dur, c’est que je ne sais plus où j’ai envie de travailler. Je ne suis même plus sûre d’avoir envie de continuer dans le journalisme.

Trois mois plus tard, je suis promue dans mon boulot, donc ça me redonne de nouvelles perspectives, même si ce refus continue de me trotter dans la tête. À tel point que je me suis dit à un moment qu’il faut que je me fasse accompagner pour comprendre ce qui m’a tant attiré dans ce média, voir si je ne peux pas trouver ça ailleurs… J’entame un coaching qui m’aide beaucoup. Depuis, je prends mon temps pour développer des projets persos, et réfléchir à ce qui pourrait m’épanouir dans mon prochain job. J’essaie de prendre ce refus comme une opportunité de réorienter ma vision du travail dans une nouvelle direction !

Article édité par Romane Ganneval ; photo par Thomas Decamps.

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