Recherche de stage : quel est le meilleur moment pour postuler ?

26 janv. 2022 - mis à jour le 01 janv. 2022

9min

Recherche de stage : quel est le meilleur moment pour postuler ?
auteur.e
Alexandre Nessler

Journaliste - Welcome to the Jungle

[Article initialement publié le 15 janvier 2020, mis à jour le 26 janvier 2022]

Tous les ans, durant la période de recherche de stage, une rivalité invisible oppose deux catégories d’étudiants très distinctes. D’un côté, les étudiants qui commencent à parler du stage en entreprise dès la semaine d’intégration et envoient leurs CV comme des prospectus dans la foulée. Entre deux cours, on dit jalousement d’eux qu’ils sont trop stressés, alors qu’ils sont surtout stressants… De l’autre, les étudiants que l’on pense plus détendus, mais qui sont peut-être juste un peu plus perdus, se demandent tous les mois « ça commence quand les stages déjà ? » et ne démarrent leurs recherches que trois semaines avant la date butoir, sacrifiant leurs révisions de partiels au passage.

Lequel de ces deux camps adopte la bonne stratégie ? Y a-t-il vraiment un meilleur moment pour envoyer son CV et postuler à un stage ? Enquête et témoignages.

Pas de panique, il y a de la place pour tout le monde

En général, dans les écoles et les universités, au premier jour de la période de stage, toute la promo a réussi à trouver une entreprise, quelle que soit la stratégie de recherche adoptée. Certes, les stages ne sont pas toujours à la hauteur des espérances de chacun, mais tout le monde parvient quand même à faire signer sa fameuse convention de stage. À vrai dire, ce ne sont pas vraiment les places qui manquent. Yassmine Mrabet, responsable commerciale chez AJStage, cabinet de recrutement spécialisé dans les stages, nous le confirme : « Il y a aujourd’hui un tel engouement de la part des entreprises pour les stagiaires, qu’à un instant T, il y a souvent plus d’offres de stages que d’étudiants qui postulent. » Concrètement, elle nous explique que selon les chiffres qu’AJStage a pu récolter, il y aurait, chaque année, dans certaines écoles - notamment de commerce - 50 000 offres de stages proposées pour des promotions d’environ 500 étudiants. Une statistique à nuancer pour Yassmine, néanmoins, qui précise qu’elle « est à prendre avec des pincettes puisque les mêmes offres de stages sont proposées à plusieurs établissements en même temps, qu’elles ne sont pas toutes ciblées et que, dans plusieurs promos, les étudiants réalisent plusieurs stages dans l’année. Mais le ratio nombre de stages/nombre d’étudiants reste extrêmement élevé. »

S’il y a donc, semble-t-il, assez d’offres d’emploi pour tous les étudiants en recherche de stage, il arrive tout de même que certains ne trouvent pas d’entreprise le moment venu. Toujours selon Yassmine, « l’important pour les deux parties est de trouver le bon moment pour se rencontrer. » D’où la nécessité d’adopter la bonne stratégie, dans laquelle le timing a toute son importance.

Les goûts et les couleurs

Alors que dans les établissements d’études supérieures on dispose généralement d’environ 6 mois pour trouver un stage, tous les étudiants ne s’y prennent pas tout à fait au même moment. Les stratégies varient selon les personnalités et s’accompagnent de leur lot d’avantages et inconvénients.

Ceux qui aiment s’y prendre tôt

Ils sont le peloton de tête de la promo pour l’envoi du CV et de la lettre de motivation, les Usain Bolt de la recherche de stage. Véritables cow-boys, ils trouvent une entreprise prête à les accueillir plus vite que leur ombre. La plupart de leurs camarades commencent à peine à guetter les offres que ceux-là sont déjà en train de signer leur convention de stage. Mais quel est donc leur secret ?

Pour certains, comme Léa, étudiante en design, le fait d’envisager toujours le pire les conduit à passer à la vitesse supérieure avant même le premier virage. « Cette année, j’étais dans les premiers de ma promo à trouver un stage, plus de 4 mois en avance. Je m’y suis mise tôt car je ne peux pas m’empêcher de stresser à l’idée de me retrouver sans stage le jour J. »

Pour d’autres, c’est l’idée de se libérer du fardeau que représente la recherche de stage qui les motive vraiment. « J’ai trouvé mon stage en février pour juillet. J’étais tellement soulagée de pouvoir me concentrer uniquement sur les cours pour le reste du semestre : moins de stress et plus de temps pour les cours, c’est tout ce qu’il me fallait. » raconte Kenza, étudiante en école de commerce.

Trouver un stage rapidement permet effectivement de se libérer d’un poids. Mais attention, commencer tôt ses recherches n’assure pas toujours de trouver un stage rapidement. Le ciblage des entreprises est tout aussi important. Maya, Master 1 de communication, en a fait les frais : « L’année dernière, j’avais commencé très tôt à chercher un stage. J’ai envoyé des dizaines et des dizaines de CV mais je n’ai trouvé qu’au tout dernier moment. Il faut dire que je suis plutôt exigeante et je visais peut-être trop haut. Je ne ciblais que des entreprises très sélectives, ce qui réduisait mes chances à chaque fois que je postulais quelque part. »

Ceux qui trouvent leur stage au dernier moment

Et puis, il y a ceux qui ferment la marche, qui attendent que tout le monde ait embarqué pour mettre un pied à bord. Ce sont ceux qui trouvent leur stage au dernier moment. Deux semaines avant la date limite, ils n’ont toujours rien signé mais ne paniquent pas. « À quoi bon ? » Si leur désinvolture apparente leur donne souvent une image d’étudiants “à la cool”, voire de “touristes”, ils sont parfois plus stressés qu’ils en ont l’air. Beaucoup se laissent tout simplement dépasser par les évènements ou se retrouvent paralysés devant la difficulté - ou l’importance - de la tâche. C’est le cas de Sarah, qui, très exigeante envers elle-même et stressée, se retrouve toujours, malgré elle, à ignorer l’épreuve de la recherche de stage jusqu’à être dos au mur : « Je suis stressée pourtant, je ne prends pas la recherche de stage à la légère, au contraire ! Mais ça me bloque, je repousse le problème. Je n’arrive pas à me lancer. C’est comme si c’était trop abstrait de s’imaginer dans tous ces postes de stagiaire 6 mois à l’avance… et puis je ne crois pas en moi. Du coup, j’ai beau commencer à regarder des offres assez tôt, j’envoie mon premier CV qu’un mois et demi avant la date butoir. Je trouve en général deux semaines avant le début de la période de stage. Un peu juste pour dénicher un nouveau logement (Sarah étudie à Nantes mais a réalisé ses deux derniers stages à Paris, ndlr) ! »

Parmi ceux qui trouvent tardivement leur stage, d’autres assument leur préférence pour l’urgence, tout en étant bien conscients de jouer avec le feu. « J’ai fait quelques stages déjà alors je commence à mieux comprendre le truc, avoue assez fièrement Théo, lui aussi en communication. Je déteste les processus de recrutement qui trainent. Malheureusement, j’ai l’impression que lorsqu’on s’y prend tôt, les entreprises prennent trop leur temps : on reçoit un appel deux semaines après l’envoi du CV, et on attend encore deux semaines entre chaque entretien, voire plus. Quand on s’y prend au dernier moment, l’avantage c’est que les boîtes commencent elles aussi à paniquer, alors tout peut aller très vite. J’ai trouvé mon dernier stage en deux semaines, j’avais commencé mes recherches un mois avant la date limite. Et pourtant j’ai eu droit à 3 entretiens d’embauche et une production à réaliser. » Bien qu’il soit satisfait de son joli coup, Théo admet qu’il s’agit d’une stratégie risquée : « Jusqu’ici ça a bien marché, mais c’est vrai qu’on ne dispose pas d’une grande marge de manœuvre quand on s’y met aussi tard. Pendant les deux semaines de recherches je n’étais pas toujours très serein, je dois l’avouer… »

Yassmine Mrabet, de chez AJStage, tranche : « Les processus de recrutement durent en général entre deux semaines et un mois. Entre le moment où l’on commence à chercher et celui où on est censé être en stage, je recommande donc 3 mois de délai pour être plus tranquille. En incluant dedans le temps de réflexion. » Effectivement, compter 3 mois d’avance pour sa recherche de stage semble être le bon compromis. Vous pouvez ainsi lancer une première vague de CV et aller au bout de quelques pistes tout en disposant d’assez de temps pour rebondir en cas d’échec et reprendre de zéro vos démarches.

Différentes variables entrent en compte

La taille des entreprises

Pour la responsable commerciale d’AJ stage, « Il n’y a pas de mauvais moment pour lancer sa recherche. Cela dépend d’abord de la taille de l’entreprise. »

Effectivement, pour elle, la planification des recrutements de stagiaires et la durée des processus de recrutement dépendent beaucoup du type de structure. « Les grosses entreprises s’y prennent souvent très en avance, 6 mois avant. Elles ont des campagnes prévues très en amont et sont plutôt très organisées. » A contrario, les petites entreprises s’y prennent plus tard. « Les petites structures, comme les jeunes start-up, sont plus nombreuses à s’y prendre à la dernière minute. »

Autre détail, si vous prévoyez de faire un stage à l’étranger : prévoyez également une bonne marge de manœuvre, ne serait-ce que pour vous laisser le temps de vous familiariser avec les codes de recrutement du pays en question !

Votre expérience et la durée du stage souhaitée

Votre expérience professionnelle est un autre élément qui s’avère déterminant dans la recherche de stage pour Yassmine Mrabet : « Un étudiant en fin d’études ou qui cumule beaucoup d’expérience aura plus de chances de trouver rapidement qu’un étudiant avec pas ou peu d’expérience. » L’expérience dont jouit un étudiant offre aux entreprises plus de garanties sur la qualité de son travail et ses capacités d’adaptation, ce qui renforce logiquement leur intérêt et leur volonté de l’accueillir.

La durée du stage qu’impose votre cursus impacte elle aussi la difficulté de la recherche, et donc le temps que celle-ci va prendre. Il faut savoir que, pour les entreprises, plus un stage est long, plus il sera intéressant. Ainsi, les entreprises privilégient les stages de 6 mois, car ils permettent au stagiaire d’avoir suffisamment de temps pour prendre ses marques et devenir performant. Yassmine Mrabet est formelle : « L’idéal est de proposer un stage long » Il est plus difficile en revanche de trouver rapidement un stage lorsque celui-ci ne dure que quelques semaines ou 2 mois. Si votre stage est de courte durée, prévoyez donc un temps de recherche plus long et une certaine marge de manœuvre car ce détail n’en est pas un : il peut être une barrière pour bien des entreprises.

Certaines périodes sont plus favorables que d’autres, mais pas dans tous les secteurs

Ce n’est un secret pour personne, les deux grosses périodes de stages sont janvier et juillet. Si on se tient aux recommandations de Yassmine, qui conseille de s’y prendre environ 3 mois à l’avance, « il faudrait commencer aux alentours d’octobre pour les stages de janvier et à partir de mars-avril pour juillet. »

Cependant, tous les secteurs n’ont pas les mêmes calendriers, et cela a un impact sur les besoins en stagiaires des entreprises. Yassmine Mrabet nous fait part de quelques exemples qui illustrent les différences qui existent en fonction du métier ou du secteur visé : « Dans le e-commerce, en raison des fêtes de fin d’année, il y a un énorme besoin de stagiaires entre septembre et décembre. Les étudiants en comptabilité trouveront, eux, assez facilement des stages pour janvier-mars car la fin de l’année comptable a lieu le 31 décembre et ensuite les bilans comptables se font jusqu’au 30 avril. C’est donc une période de rush. Les étudiants en tourisme vont pratiquement tous pouvoir trouver des stages démarrant entre avril et septembre, car c’est la période la plus active au niveau touristique en France. » Regardez donc bien les périodes de stage de votre école et faites votre enquête pour savoir s’il s’agit d’une période creuse ou pleine dans votre secteur d’activité. En fonction de cela, vous devriez pouvoir jauger à quel point il vous faut commencer tôt les recherches d’emploi et même pourquoi pas envoyer quelques candidatures spontanées à l’approche de la période des embauches ?

Précoces ou retardataires, que préfèrent les entreprises ?

Une dernière question subsiste : qu’en pensent les entreprises ? Jugent-elles les étudiants en fonction du moment auquel ils postulent ?

Contact privilégié des entreprises lors des recrutements de stagiaires, Yassmine Mrabet a pu observer de près leurs angoisses et le reconnaît amèrement : « Aujourd’hui, c’est vrai que les entreprises qui sont face à des étudiants qui s’y prennent à la dernière minute ont peur d’avoir “les fonds du panier”. Un étudiant qui s’y prend assez tôt sera toujours mieux perçu par les entreprises. » D’ailleurs, certains étudiants comme Kenza - étudiante en école de commerce, bien conscients de l’image qu’ils renvoient à une entreprise en ne la contactant que très tardivement, préfèrent éviter : « Je n’ai pas envie de passer pour quelqu’un qui fait les choses “à l’arrache”, alors je préfère m’y prendre en avance. »

Même si elle comprend que des entreprises puissent être inquiètes pour leur recrutement de stagiaires, Yassmine Mrabet n’est pas d’accord avec ce raccourci qui relie candidature tardive à manque de sérieux : « Je pense que c’est un préjugé. On peut avoir des personnes totalement désorganisées qui s’y prennent tôt par peur de ne rien avoir. Et à l’inverse, on peut aussi avoir des étudiants très organisés qui se retrouvent sans stage à quelques semaines de la date limite soit parce qu’ils sont stressés, soit parce qu’ils sont exigeants. »

Vous avez maintenant toutes les cartes en main pour juger du meilleur moment pour envoyer un CV et postuler à un stage. Soyez prudent et prévoyez toujours une marge de manœuvre, ne serait-ce que pour vous laisser le temps de mûrir votre projet professionnel. Et surtout, comme le précise Yassmine Mrabet, ciblez les bonnes offres, préparez-vous consciencieusement et soyez organisé : « Pour un étudiant en recherche de stage, ce qui fait la différence est l’organisation et la façon de s’y prendre. Que vous vous y preniez tôt ou tard, vous serez toujours mal perçu par l’entreprise qui vous appelle si vous ne vous souvenez pas avoir postulé. Au contraire, vous ferez toujours bonne impression si vous savez exactement pourquoi vous l’avez fait. Le plus important, c’est la pertinence de la candidature et le ciblage des offres. » Rien ne sert de courir, il faut partir à point, comme on dit.

Photo Thomas Decamps pour WTTJ