"Être proactif" : comment mettre en avant cette compétence clé en entretien ?

04 juin 2020

6min

"Être proactif" : comment mettre en avant cette compétence clé en entretien ?
auteur.e
Gabrielle de Loynes

Rédacteur & Photographe

« C’est vraiment quelqu’un de proactif », « on recherche des profils proactifs » … Difficile de passer à côté de ce concept ces temps-ci ! Mais si tout le monde l’emploi à tue-tête, peu sont ceux qui connaissent son véritable sens. Cela a-t-il un rapport avec le fait d’être actif dans le monde professionnel ? Ou bien cela implique-t-il qu’on soit plus “actif que les actifs” ? Quelle signification prête-t-on à cet adjectif que l’on rencontre dorénavant si souvent ? Et d’ailleurs comment mettre en avant le fait d’être proactif entretien ? Décryptage avec Vanessa Lauraire, psychologue du travail et psychothérapeute et Marie-Agnès Deharveng, Talent Manager chez Early Metrics.

Être proactif : qu’est-ce que ça signifie ?

Une définition

D’après la célébrissime Académie française, « l’adjectif proactif est un néologisme issu de l’anglais “proactive”. Il est apparu dans le domaine de la psychologie pour qualifier une personne qui prend sa vie en main et refuse de se laisser diriger par les évènements extérieurs. » Mais cette institution française, garante de ce qu’il faut dire ou ne pas dire, déplore aussi son usage actuel : « Malheureusement, être proactif est utilisé aujourd’hui dans un sens étendu, symétriquement à réactif, pour parler de quelqu’un qui serait capable d’anticipation. Sans doute la « capacité de réaction » n’est-elle plus suffisante aux yeux de certains qui, grisés par l’accélération du monde, estiment qu’il convient aussi d’être proactif, en particulier dans le cadre professionnel. »

Pour Vanessa Lauraire, « le sens du mot proactif pose la question de la responsabilité. Être proactif, c’est d’abord être responsable de soi. C’est avoir conscience que je prends ma part à tout ce qui m’arrive. Le proactif ne se laisse pas influencer par les évènements extérieurs, il prend ses propres décisions, et ce notamment sur la manière dont il va les vivre. » À noter - une bonne fois pour toutes - que la proactivité se distingue de la réactivité car cette dernière « se passe dans l’action, dans “le faire”, là où la proactivité se produit au niveau de “l’être”, poursuit la psychologue. Je suis proactive lorsque je n’ai pas d’attente auprès des autres et que je suis capable de répondre à mes propres besoins : je prends ma vie en main, je suis responsable et agis en conséquence. » Voilà donc le véritable sens du mot proactif. Employé à tort et à travers, ce terme serait-il devenu un abus de langage, détourné par son époque ?

Un qualificatif devenu un terme managérial

Dans la mesure où « la signification d’un mot se créée dans son contexte, analyse Vanessa Lauraire, le monde de l’entreprise a transformé son usage. Ces nouveaux termes managériaux souvent tirés du vocabulaire des sciences humaines puis sont réappliqués dans l’univers des sciences de gestion, comme un moyen au service de la performance. Être proactif, devient alors une forme de prescription de l’organisation du travail, une norme invitant chaque professionnel, comme une injonction, à répondre aux attentes de l’entreprise. » Le monde du travail offre donc à cet adjectif une toute autre signification puisqu’il consiste à « anticiper des évènements qui ne dépendent pas du salarié et à savoir répondre en toute situation aux attentes et aux objectifs fixés par ses managers. »

C’est d’ailleurs la vision que partage Marie-Agnès Deharveng, rodée au recrutement : « La personne proactive, c’est celle qui sait prendre des initiatives en les anticipant. Elle ne va pas attendre telle ou telle autorisation, elle va innover, oser. Aujourd’hui on recherche davantage des soft skills que des hard skills, parce que les premiers ne peuvent pas s’apprendre. La proactivité appartient aux soft skills, elle relève du comportement humain. Si je recherche quelqu’un de proactif, je ne vais pas m’intéresser à celui qui connaît tout sur tout, mais à celui qui sait sortir de sa zone de confort. »

Moralité ? Avant de faire usage de ce qualificatif pour vous définir lors d’un entretien d’embauche, mieux vaut s’assurer qu’on lui prête la même définition que l’interlocuteur…

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Comment faire preuve de proactivité en entretien ?

À la question bateau des « 3 qualités et 3 défauts », allons-nous dorénavant répondre « je suis très proactif » ? N’y a-t-il pas un risque de le voir remplacer le maladroit : « je suis perfectionniste » ? Et comment mettre en avant cet aspect de votre personnalité sans prêter à confusion ? Voici 4 conseils pour valoriser votre proactivité avec psychologie.

Remettez la proactivité à sa juste place

Être proactif, dans son sens originel, est assurément une qualité à la fois humaine et professionnelle. La capacité à prendre sa vie en main et à ne pas se laisser intimider par les aléas est véritablement un atout. Vous auriez donc tort de vous priver de la valoriser lors d’un premier entretien. Mais « il s’agit de remettre les choses à leur juste place », insiste Vanessa Lauraire, en invitant le candidat à « redéfinir sa qualité dans son sens premier. » Une fois que vous avez redonné son sens à ce qualificatif, « assurez-vous que l’entreprise l’entende de la même manière, suggère-t-elle . Vous pouvez, par exemple, interroger le recruteur en face de vous sur les valeurs portées par l’organisation et sa raison d’être. Vérifiez si l’entreprise n’attend pas juste de vous que vous remplissiez des attentes inatteignables en toutes circonstances » ».

À cet égard, Marie-Agnès précise qu’il faut juger l’opportunité d’interroger les recruteurs en fonction du contexte. Sont-t-ils ouverts à la discussion ? « Tout dépend si le recruteur vous met à l’aise ou pas, explique-t-elle. En entretien, c’est donnant donnant. Plus il vous pose des questions pour aller plus loin, pour creuser votre profil, plus vous êtes amenés à en faire autant. Rien d’anormal, alors, à se montrer curieux ! »

Trouvez un terrain d’entente

« Dans la mesure où une marge de manœuvre ressort du cadre du contrat de travail, résume Vanessa Lauraire, la fiche de poste et ses prescriptions, comme les termes de votre futur contrat, doivent laisser transparaître une entente entre vous et votre recruteur sur cette notion de proactivité. Le contrat définit précisément vos besoins et ceux de l’organisation pour laquelle vous avez postulé. Il précise les attentes de chacune des parties, explicitant leurs droits et leurs devoirs. » Ce contrat définit le cadre dans lequel vous pourrez, ou non, résister aux prochains évènements, alors soyez-y vigilants au moment de le décortiquer !

Illustrez concrètement votre proactivité

C’est le conseil clé de la Talent Manager, « ce n’est pas tout d’affirmer être proactif, il faut le prouver dans les faits. Je n’attends pas d’une personne qu’elle me donne ses qualités, mais qu’elle me raconte qui elle est et ce qu’elle a fait. » Autrement dit, soyez concret dans votre candidature. À quelle occasion avez-vous pu faire preuve de proactivité dans votre vie professionnelle, ou même privée ? Le tout c’est de « montrer sa proactivité, poursuit Marie-Agnès Deharveng, raconter ses succès comme ses échecs, mais surtout prouver que l’on ose, qu’on n’a pas peur de prendre des risques et des initiatives, que l’on n’attend pas qu’on nous dise quoi faire pour agir. Il faut raconter comment on a mis en place tel ou tel projet et comment on a su fédérer les autres autour. » Par exemple, explique la recruteuse qui se prête volontiers au jeu, « dans ma première expérience, en stage, alors que j’étais assistante commerciale, j’ai remarqué qu’il y avait des besoins en marketing. J’ai récupéré moi-même certaines tâches et, une fois que j’avais fait mes preuves, j’ai proposé au DG d’ouvrir un poste pour que j’assure ces besoins. Et ça a marché. » En bref, racontez les initiatives que vous avez osé prendre pour innover !

Soyez proactif pendant entretien

« Un candidat est proactif s’il s’assure en amont de son futur environnement de travail, affirme Vanessa Lauraire. Lors d’un entretien de recrutement, ce dernier a donc tendance à chercher les informations nécessaires lui permettant de mieux appréhender la marge de manœuvre du poste qu’il convoite. À partir du moment où l’on sait ce que l’on veut pour soi, on cesse d’être ballotté par les surprises de la vie. » N’ayez donc pas peur de poser des questions ! « Un candidat proactif, résume Marie-Agnès Deharveng, va creuser les sujets, plutôt que de répondre par oui ou par non. Il va anticiper sur tout ce qu’il veut savoir sur le job. Il aura une attitude commerciale et s’assurera que ses besoins sont alignés avec ceux de l’entreprise ». Car être proactif, c’est s’assurer que l’entreprise pour laquelle vous avez postulé vous permettra de le rester. « Prendre son entretien en main, c’est prendre sa vie professionnelle en main, poursuite Vanessa Lauraire. Le candidat proactif va donc avoir tendance à se renseigner sur la marge de manœuvre du poste qu’il vise et tout faire pour la garder. »

Finalement, n’est pas proactif qui veut. Et, à force de l’employer à toutes les sauces, la proactivité prend plusieurs sens. Mais, savoir prendre sa vie en main est un atout que n’importe quel recruteur aurait tort de négliger dans une candidature. Et si vous ne vous êtes pas reconnu ici, pas de panique ! Après tout, quelle que soit la définition que vous retenez du mot proactif, connaissez la vôtre pour être à l’aise avec vous-même et dans votre travail. L’important n’est pas tant d’anticiper les événements inattendus que de se montrer capable de les dépasser et d’y faire face, sans conséquence néfaste pour soi et pour les autres.

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