Comment la mobilité interne vous permet de retenir vos meilleurs talents

07 nov. 2023

6min

Comment la mobilité interne vous permet de retenir vos meilleurs talents
auteur.e
Laure Girardot

Rédactrice indépendante.

contributeur.e.s

Face à l'enjeu de l'engagement, la mobilité interne apparaît comme la pierre angulaire pour fidéliser des salariés de plus en plus enclins à changer d'emploi. Bien que ce processus reste encore largement sous-exploité, des politiques de mobilité proactive, innovante et transparente émergent pour lui restituer la place qu'elle mérite.

Contrairement aux idées reçues, la mobilité interne ne se limite pas à un changement de poste vertical. Les options sont multiples : la mobilité verticale ou fonctionnelle, où les responsabilités augmentent généralement à la suite d’une promotion ; la mobilité horizontale, qui implique un changement de service sans changement hiérarchique ; la mobilité transversale, qui engendre davantage de responsabilités au sein d’un autre service spécifique ; et enfin la mobilité géographique, qui conduit le salarié à travailler dans une filiale ou une zone géographique différente. De nos jours, avec le développement du travail hybride, il n’est pas rare d’observer des formes de mobilité géographique atypiques, telles qu’un salarié travaillant quelques jours à Paris et télétravaillant à Marseille le reste du temps, ou le nomadisme des jeunes salariés effectuant du télétravail pendant quelques mois dans un autre pays.

Mobilité : mais pourquoi est-elle boudée ?

Côté chiffres, où en est-on ? 53 % des entreprises disposent d’un processus de mobilité interne (contre 48 % en 2017) et 87 % l’identifient comme un sujet stratégique. Son déploiement reste néanmoins hétérogène en fonction des organisations : les grandes entreprises de plus de 1 000 salariés sont plus enclines à la mettre en œuvre, avec 40 % des managers ayant connu une mobilité interne. Contre seulement 7 % des cadres dans les entreprises de moins de 50 salariés. Pourquoi de telles disparités ? Alors que 71 % des professionnels des ressources humaines font part de leurs difficultés de recrutement, comment s’appuyer sur une politique de mobilité efficace ? Quelles sont les conditions de déploiement ?

Selon la DRH freelance Céline Méchain, trois raisons principales expliquent une utilisation relative de la mobilité. « Les managers, plutôt que les ressources humaines, sont les principaux acteurs de l’évolution de carrière des collaborateurs. Ensuite, la mobilité interne est souvent perçue de manière verticale, négligeant les combinaisons possibles telles que les opportunités horizontales. Quant aux changements de service, ils sont envisagés lorsqu’un salarié est perçu comme étant en difficulté à son poste actuel. Cette vision négative freine les mouvements internes car il s’agit d’une prise de risque », pose la DRH.

Ajoutons que 99,9 % des entreprises françaises sont des TPE/PME dans lesquelles les politiques de mobilité sont plus rares, les opportunités de mouvement étant, en apparence, plus restreintes. Pourtant, le sujet mérite d’être investi : 87,1 % des décisionnaires RH ont fait part d’une augmentation significative de ces demandes.

Trois avantages à renforcer la mobilité professionnelle

1# Fidéliser les collaborateurs et élargir leur spectre de compétences

Une enquête Linkedin dévoilée en octobre 2023 met en évidence cet intérêt d’aider les collaborateurs à explorer de nouvelles fonctions, au sein d’une même entreprise : les salariés français qui ont changé de poste en interne ont 57 % de chance d’être toujours dans l’entreprise trois ans plus tard. Un pourcentage qui tombe à 34 % pour ceux qui n’ont pas évolué. « Quand une personne change de poste régulièrement dans la même entreprise, elle se rend compte de la réalité des autres fonctions qui contribuent à la même chaîne de production, ce qui donne du sens à son travail, renforce l’engagement et la collaboration. Cela élargit aussi son panel de compétences et lui permet de découvrir des métiers auxquels elle n’aurait pas pensé », souligne la DRH, auteure et conférencière Bénédicte Tilloy. Les entreprises de l’Hexagone où les salariés ont le plus développé leurs compétences présentent, en effet, un taux de mobilité interne 5 % supérieur.

2# Renforcer l’engagement grâce à la reconnaissance

À un niveau plus individuel, la mobilité est aussi une forme de reconnaissance envers les salariés. Vincent Abbo, responsable des comptes clés RHF (Restauration Hors Foyer) chez Michel & Augustin en atteste : arrivé en 2018 en stage de marketing, il a pu obtenir un poste de commercial dès 2021. La disposition de l’entreprise à écouter les souhaits d’évolution ou de reconversion des collaborateurs a joué un rôle important. « J’ai librement exprimé mes souhaits de changement auprès de l’équipe RH et de mon management. Puis, quand l’ouverture d’un poste a été effective, ma candidature a été encouragée et retenue », confie-t-il. Au sein de l’entreprise, près d’un tiers de l’effectif actuel a d’ailleurs bénéficié d’une mobilité interne confirmant leur mantra RH : « Changer de vie, au moins 5 fois ! » « Aujourd’hui, je me sens pleinement épanoui dans mon métier, car j’ai construit mon parcours professionnel à mon image, grâce à la confiance accordée », souligne Vincent Abbo. Et l’aventure continue, puisqu’il vient de monter au grade supérieur.

3# Générer des économies de recrutement

Le coût moyen d’un recrutement n’est pas anodin : selon l’École du recrutement, il oscille entre 5 000 et 8 000 euros ! Cette enveloppe englobe un panel de dépenses telles que la diffusion de l’offre d’emploi, les services d’agences de recrutement, les rémunérations des chargés de recrutement, ainsi que les frais administratifs. Au regard de ce montant, la mobilité interne s’avère une option de plus en plus considérée. En effet, près de 56 % des entreprises estiment que le recrutement par le biais de la mobilité interne est plus efficace qu’en externe. Pourquoi ? Un salarié déjà intégré à l’entreprise possède une connaissance approfondie de son fonctionnement, de sa culture et de son environnement, voire des équipes en place. Par conséquent, la courbe de performance s’avère nettement plus rapide, offrant un avantage significatif en termes d’économie et d’efficacité opérationnelle.

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4 piliers pour instaurer une mobilité efficace et engageante

1# Plus de transparence

Alors que 73 % des salariés souhaitent être informés des possibilités d’évolution de carrière, 20 % considèrent qu’ils n’ont pas accès aux offres ! La visibilité et l’accessibilité aux opportunités de postes sont deux conditions essentielles pour créer un cadre propice aux mouvements internes… plutôt qu’externes. « Il y a un vrai travail de communication et de sensibilisation à mener pour encourager les collaborateurs à envisager des changements de poste », explique Céline Méchain. Certaines entreprises ont érigé une charte de mobilité interne afin que tous les salariés soient informés de la politique de mobilité. Grâce à l’intelligence artificielle, les « talent marketplaces » (site de mise en avant des offres internes) permettent également de proposer des recommandations de poste ciblés et adaptés à chaque profil de collaborateur. Le grand avantage de ces plateformes est leur capacité à répondre conjointement aux besoins de l’entreprise, tout en prenant en compte les aspirations des salariés et leurs compétences existantes. Et il y a de la marge : 33 % seulement des entreprises en région EMEA s’appuient sur la technologie pour donner accès aux différentes opportunités de carrière à leurs collaborateurs.

2# Une culture de la mobilité

« Favoriser une culture qui encourage l’exploration des possibilités professionnelles, où les employés se sentent soutenus dans leurs choix de mobilité, est un prérequis », souligne Céline Méchain. Au sein de Michel & Augustin, la mobilité est abordée sans ambages lors des entretiens individuels avec le manager. « L’équipe RH est également très proche des collaborateurs, lui permettant d’avoir une bonne connaissance des souhaits d’évolution individuels », décrit Vincent Abbo. Selon Bénédicte Tilloy, le nerf de la mobilité repose sur le rôle proactif des RH pour éviter, notamment, « les mises sous cloche de certains managers ». « Les RH doivent aussi être sur le terrain pour détecter les compétences et les envies des collaborateurs, sans passer, uniquement, par la courroie managériale », préconise cette dernière. Et pour éviter les ambiances parfois délétères qui règnent au sein des équipes, quand il est question d’évolution ou de mobilité, certaines entreprises incluent les pairs dans les discussions : « C’est une façon de mettre en valeur les compétences réciproques et de créer un environnement plus ouvert sur le sujet de la mobilité. »

3# Des critères de mobilité objectifs

Afin d’éviter toute partialité ou discrimination, la mise en place de critères objectifs et équitables, pour évaluer les candidatures internes, reste un point nodal. Ceci passe par des critères d’éligibilité ponctués via des coefficients spécifiques, qui s’articulent au sein d’une grille de rémunération associée. Si cette démarche assure plus d’objectivité et de transparence, l’application réelle de la mobilité connaît quelques zones grises. « On ne peut pas empêcher un manager d’aller “chasser” en interne de manière informelle. Dans l’entreprise, les deux modalités-objective et informelle-cohabitent. L’enjeu est de conjuguer les deux approches, grâce au tandem RH-manager », souligne Bénédicte Tilloy.

4# Un processus repensé de A à Z

39% des RH estiment que leur approche en matière de mobilité interne nécessite des améliorations. Comment créer un processus pertinent pour le collaborateur et l’entreprise ? La première étape est de pouvoir cartographier les besoins en mobilité interne, les compétences existantes, ainsi que les aspirations des salariés. Ensuite, il faut imaginer les combinaisons possibles autour de parcours adéquats et réfléchir aux moyens de postuler (les modalités de diffusion de l’annonce et la mise en place d’un entretien de mobilité ou encore les critères de sélection). Sans oublier l’accompagnement du changement de poste, l’étape finale qui est souvent mal calibrée. « Les formations pour préparer les employés à leurs nouveaux rôles sont essentielles pour réussir une mobilité », insiste Céline Méchain. Le mentoring ou le coaching sont aussi des modalités intéressantes pour réussir une prise de poste, notamment à haut niveau. Au sein de Michel & Augustin, outre les formations, des points réguliers avec l’équipe RH sont organisés pour valider que la prise de poste se passe bien.

Article édité par Mélissa Darré, photo par Thomas Decamps

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