Inbound recruiting : le candidat est-il un consommateur comme les autres ?

16 nov. 2023

6min

Inbound recruiting : le candidat est-il un consommateur comme les autres ?
auteur.e
Laure Girardot

Rédactrice indépendante.

contributeur.e

Face à un des recrutements en berne et des postes aux compétences toujours plus spécifiques, l’enjeu est de séduire et engager LES candidats idoines. Et si la solution résidait dans l’inbound recruiting, cette approche qui consiste à capter l’attention des « candidate personae » pour les convaincre, étape par étape, de rejoindre l’aventure ?

L’inbound recruiting s’inspire de la logique marketing pour séduire, attirer et engager les cibles en candidats, puis en salariés. Une approche qui puise ses racines dans les bouquins de marketing : la stratégie s’appuie sur la publication de contenus, pensés et rédigés pour les cibles clés afin de créer un lien de confiance, dans l’optique de faire venir les clients virtuellement ou physiquement à l’entreprise. Ce rapport émotionnel que l’inbound tente de générer auprès des prospects serait le déclencheur infaillible de l’acte d’achat. Et pour le recrutement, même promesse : en mettant en place une solide stratégie de contenus autour de la marque employeur, les candidats, notamment passifs, seraient convaincus avant même de postuler.

Alors, nouvelle lubie ou incontournable RH ? Selon l’enquête Besoin en main d’œuvre de Pôle emploi publiée en octobre 2023, 61 % des entreprises anticipent des difficultés d’embauche. Le lien avec l’inbound ? Quand 90 % des candidats se renseignent sur une entreprise avant de postuler, mieux vaut se différencier et miser sur un narratif bien ficelé pour capter leur attention. De plus, certains profils étant extrêmement demandés -49 % des obstacles au recrutement des meilleurs talents sont dûs à une sollicitation extrême- l’adoption d’une méthode d’attractivité douce s’avère plus adéquate. Mais comment créer une stratégie qui réussisse à attirer, convertir, engager, puis fidéliser autour de sa marque employeur ?

4 fondamentaux pour bâtir une approche d’inbound recruiting distinctive

1. La construction des « candidate personae »

L’objectif ? « Achalander » les talents, en les alimentant avec du contenu pertinent à chaque étape du processus de recrutement pour mener à l’étape ultime : l’acceptation de l’offre. Pour cela, il faut débuter par l’identification de ces fameuses cibles, appelées « les candidate personae ». Chacun dispose de traits caractéristiques, tels que leurs compétences, expériences, valeurs professionnelles et aspirations. Grâce à la connaissance de leurs habitudes, leurs attentes ou leurs centres d’intérêt, il est plus simple de définir une stratégie de contenus structurée, ainsi qu’un calendrier éditorial.

2. L’usage du test & learn avant l’élaboration d’une stratégie

Chaque étape du tunnel de conversion -ce fameux passager d’attirer à fidéliser- doit être accompagnée de contenus pertinents, pour pousser l’acte de candidature. Or, dans un univers digitalisé, il existe pléthore de formats et de canaux de communication à prendre en compte. « Il faut d’abord envisager tous les points de rencontre potentiels du candidat avec l’entreprise et identifier comment l’interpeller. Par exemple, on peut créer des annonces enrichies, communiquer sur sa marque employeur de manière statique (site carrière différenciant) ou dynamique (posts LinkedIn) et la relayer grâce à la voix des salariés, ou encore s’appuyer sur des multiplicateurs d’inbound comme les communautés externes ou la cooptation », explique Léo Bernard, formateur en recrutement et expert du Lab. Il n’existe pas de formule universelle. C’est pourquoi, ce spécialiste suggère de tester et de mesurer les résultats afin de se lancer : « On peut ainsi identifier ce qui fonctionne grâce à un suivi d’indicateurs. Sur la base des résultats, on peut ensuite bâtir une stratégie propre à l’entreprise et à ses cibles. »

3. La création de contenus variés pour tenir en haleine

L’inbound recruiting vise à capter l’attention tout au long du processus de recrutement. D’où l’importance de savoir jouer sur la diversité des formats : vidéos témoignages, lives métiers, podcasts, job datings, expériences immersives… Néanmoins, il n’est pas forcément nécessaire de pousser le curseur de l’innovation au maximum selon Léo Bernard : « Le fait de s’inscrire dans une approche d’inbound recruiting présente en soi un avantage concurrentiel, car la plupart des entreprises ne le font pas ! Par exemple, sur LinkedIn, seulement 3 % des salariés publient des contenus en tant qu’ambassadeurs. » Un boulevard est donc ouvert pour les plus motivés et les plus créatifs.

4. Le recours à une approche mixte pour décupler l’impact employeur

Les stratégies de recrutement ne doivent pas être monolithiques mais holistiques, en mêlant différentes approches. Selon le formateur en recrutement, jongler entre l’outbound et l’inbound en fonction des périodes, des objectifs ou des métiers est la manière la plus efficace pour atteindre la conversion des candidats en salariés. « Les recruteurs de l’un de mes clients dans la tech ont opté pour une stratégie d’inbound pour attirer leurs talents. Or, comme ils ont de gros enjeux en termes de féminisation des postes, ils ont adopté en parallèle une démarche d’outbound, pour démarcher plus spécifiquement les femmes », confie Léo Bernard. C’est pourquoi, il est important de suivre les résultats pour pondérer les différentes approches pour chaque cible : « En pilotant les résultats des différents canaux, cela permet d’ajuster les actions d’inbound et d’outbound afin d’atteindre les objectifs. »

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Retour d’expérience en inbound recruiting : le cas Shodo

Shodo, une entreprise de services du numérique (ESN), a pris un choix radical : passer par une stratégie 100 % inbound recruiting. « Le secteur reste fortement connoté et concurrentiel. On a donc cherché à se différencier avec une culture forte et un modèle organisationnel équitable », explique Jonathan Salmona, CEO et fondateur du cabinet. En effet, Shodo dépoussière les approches pyramidales avec une gouvernance partagée (ouverture du capital à plus de 34 %), une redistribution de plus de 80 % du chiffre d’affaires en salaires et l’application de la transparence totale des salaires. « Sans une culture différenciante, tu ne peux pas faire de l’inbound recruiting efficace, c’est la base », poursuit le fondateur.

La stratégie d’attractivité de l’ESN repose notamment sur le rayonnement de son modèle via 4 typologies de contenus :

  • Un manifeste pour développer la notoriété du modèle : « Nous avons co-créé un manifeste accessible en ligne qui détaille notre raison d’être, notre fonctionnement, la rémunération et tous les avantages sociaux, dans l’optique de renforcer la sincérité de notre marque employeur », souligne Jonathan Salmona. En s’épanchant sur ses valeurs et ses objectifs fondamentaux, Shodo attire et construit une base solide de talents, partageant les mêmes convictions. Pour décupler son impact, le CEO réalise en parallèle un « build in public » sur LinkedIn, relatant sa vie d’entrepreneur et ses choix stratégiques en résonance avec les différents axes du manifeste.

  • Des mesures inclusives pour engager les talents féminins : Shodo met un point d’honneur à développer la justice sociale, notamment en luttant contre l’inégalité homme-femme. Ils ont lancé le projet Shororité, comprenant des initiatives telles que le congé menstruel et le congé paternité obligatoire. Ces actions inclusives, toutes explicitées sur leur site, ont permis de doubler le nombre de salariées en seulement dix mois.

  • Un simulateur de salaires pour convertir par la preuve : le cabinet a créé différents contenus et outils accessibles à tous, pour expliquer et démontrer sa politique salariale : une grille de salaires publique et un simulateur de revenus. « L’idée est de garantir l’équité salariale et la transparence : un candidat peut calculer sa rémunération s’il ou elle veut rejoindre Shodo. Nos salariés peuvent, de leur côté, se référer à la grille pour envisager leur évolution, ce qui contribue à un environnement de travail apaisé », explique Jonathan Salmona.

  • Des salariés ambassadeurs pour décupler les messages employeur : afin d’asseoir l’expertise tech du cabinet, un vivier d’ambassadeurs prend régulièrement la parole en France et à l’étranger lors de conférences ou dans divers médias. « Nous incitons les personnes qui le souhaitent à produire du contenu de qualité sur leur temps de travail », affirme le CEO. Ce volet d’employee advocacy est d’ailleurs ouvert à l’ensemble des salariés volontaires.

Force est de constater que les résultats sont au rendez-vous : chez Shodo, 70 % des candidatures sont spontanées et 30 % relèvent de la cooptation. De plus, l’entreprise est parvenue à recruter 90 développeurs en 3 ans sur Paris, Nantes et Lyon sans recruteur interne, approche directe ou cabinet de recrutement, un exploit pour ces profils pénuriques. Et enfin, 96 % de leurs propositions d’embauche se soldent par une acceptation, là où l’ESN compte seulement 5 départs en 5 ans sur ses 100 personnes.

Inbound recruiting : 5 croyances limitantes dont se défaire

L’inbound recruiting compte bien des avantages a priori. Mais avant de se lancer dans une telle stratégie, encore faut-il savoir laisser de côté certains a priori.

Léo Bernard en compte cinq :

  • Ce n’est pas pour tout le monde : « N’importe quelle entreprise peut faire de l’inbound, à condition d’avoir une marque employeur forte et une stratégie sur laquelle embarquer. »
  • C’est beaucoup trop cher : « L’inbound recruiting est beaucoup moins coûteux qu’un cabinet de recrutement. On peut débuter avec un budget minime, avec un temps consacré à la rédaction interne. »
  • Il faut des outils compliqués : « LinkedIn est la base et c’est gratuit. Un ATS est aussi pratique pour établir un processus de recrutement fluide. Après, on peut se doter d’outils pour l’employee advocacy comme Sociabble) ou pour la cooptation avec Trusty par exemple. Mais ce n’est pas du tout indispensable ! »
  • Il faut être un as de la stratégie de contenus : « *On peut se faire aider au départ pour lancer l’impulsion. Par exemple, pourquoi ne pas s’appuyer sur ChatGPT, pour glaner quelques idées éditoriales qu’il faudra retravailler bien sûr ? »
  • Ce n’est pas pour tous les candidats : « Oui et non. Dans la théorie, on peut attirer n’importe quel talent. Néanmoins, il existe quelques limites, notamment pour les postes “off market” ou les niveaux C-level, qui sont généralement pourvus via le réseau ou le bouche à oreille. »

Article édité par Mélissa Darré, photo par Thomas Decamps.