5 idées reçues sur le management, scientifiquement prouvées !

05 oct. 2022

auteur.e
Olivier Sibony

Professeur de stratégie et auteur spécialiste de la décision

Pourquoi est-ce que ce qui nous semble évident dans des tas de domaines, puisque basé sur la rationalité et sur la science, ne s'applique pas aux pratiques de management ? On pense tous que le management est d'abord une question de pratique et de bon sens, et c'est vrai. Mais pas seulement ! Pour notre expert du Lab Olivier Sibony, il est possible et même souhaitable d'avoir un management un peu plus scientifique. Explications.

#1 Rien de mieux qu’un bon brainstorming pour faire émerger des idées

Dès la fin des années 50 et le début des années 60, on va avoir des études qui montrent qu’empiriquement, c’est faux ! Quand on fait un brainstorming on obtient de moins bons résultats que si les mêmes personnes généraient des idées toutes seules, dans leur coin, sur une feuille de papier.

Quand on est dix dans une salle, on ne peut pas tous parler en même temps. Il y a des gens qui vont être là, qui vont être en quelque sorte des passagers clandestins. Ils vont se dire « Bon c’est bon, les autres sont en train de faire le travail, je peux les laisser faire le boulot” ».

Et troisième problème, vous avez toujours dans une situation comme ça un risque d’autocensure en particulier des idées les plus créatives. Je conseillerais à une entreprise qui a besoin de générer des idées de demander à chacun d’arriver à la réunion de brainstorming avec déjà dix idées sur une feuille de papier et d’avoir pris une heure pour y réfléchir. D’utiliser une méthode de brainstorming qui s’appuie sur l’écriture, donc une sorte de brainwriting.

#2 L’open space favorise les échanges humains en entreprise

Ca paraît logique de se dire que quand il n’y a plus de porte, plus d’obstacle, vous allez plus facilement travailler en équipe de manière plus productive avec les gens de votre propre équipe. En fait, il n’y a pas beaucoup de données qui prouvent que ce serait le cas. Il y a même des données qui suggèrent exactement le contraire.

Les open space tuent la communication directe. On voit que le nombre de communications directes entre les individus, simplement de conversations, chute considérablement et qu’au contraire le nombre de mails et de messages instantannés explose.

Pour construire la confiance, il faut être dans un espace clos, il faut être avec un petit nombre de gens qu’on ne retrouve pas dans le problème des open spaces.

#3 Les entretiens annuels sont efficaces pour mesurer la performance d’un employé

À peu près tout le monde vous dit que c’est un rituel absurde, désagréable et dont il se passerait bien. Ce qui est intéressant c’est que toutes les entreprises se sentent obligées d’en faire quand même.

Et en fait beaucoup d’études suggèrent que c’est peu efficace la plupart du temps en termes de développement et que c’est très peu efficace voire contreproductif en termes de motivation.

Dans certaines entreprises, on compare ce rituel à du kabuki japonais ou à de la bureaucratie soviétique. Il y a des entreprises qui ont tout simplement décidé de ne pas les remplacer et de les abolir. Et de dire : « On essaie de promouvoir une culture de feedback, c’est-à-dire d’encourager les managers à donner du feedback au jour le jour à leurs équipes. »

#4 Les divergences au sein d’une équipe sont mauvaises

On a une culture du consensus. La tendance d’un groupe est toujours à essayer de converger, le plus vite possible, sur quelque chose sur lequel on va tous être d’accord, qui risque d’être une forme de consensus mou.

Le risque de ne pas faire émerger d’opinions divergentes c’est quand fait on perd de l’information. Le rôle d’un leader est d’animer son équipe pour orchestrer la contradiction, orchestrer du débat, orchestrer l’émergence des idées et des arguments en faveur de différentes options, et en fonction de ça tranchons.

#5 Un bon manager ne peut pas dire : « Je ne sais pas »

En particulier en période de crise, en période d’incertitude, en période de doute, on se tourne vers le chef et on lui demande : « Alors qu’est-ce qu’on fait ? »

Attendre la réponse du chef en retour va conduire le chef à se comporter comme cet espèce de chef mythique ou rêvé qui aurait réponse à tout et qui serait, depuis le haut de sa montagne, capable de voir l’horizon et de dire « C’est par là qu’on va aller. »

Malheureusement, la réalité n’est pas celle-là. Malheureusement, les chefs n’ont pas les réponses à tout. Un bon manager c’est quelqu’un qui est capable d’admettre cette vulnérabilité, d’admettre cette ignorance, de reconnaître qu’il y a des choses qu’on ne sait pas. Pas parce qu’on est un mauvais manager mais parce que personne ne peut les savoir.

Article édité par Soline Cuillère, photo par Thomas Decamps.