Concours, carrière, avantages : à quoi ressemble vraiment la fonction publique ?

03 oct. 2019

6min

Concours, carrière, avantages : à quoi ressemble vraiment la fonction publique ?
auteur.e
Claire Ribadeau Dumas

Rédactrice - correctrice indépendante

En France, la fonction publique emploie 1 salarié sur 5, soit 5,65 millions de personnes, selon le rapport annuel de la GAFP (Direction Générale de l’Administration et de la Fonction Publique). Si elle existe depuis des siècles, le premier statut général républicain des fonctionnaires n’est défini qu’après la Seconde Guerre mondiale, en 1946. Le début d’une histoire tumultueuse avec les contribuables, car elle subit des flots de critiques sur son fonctionnement, les avantages sociaux de ses agents, les dépenses publiques pour des services dont les usagers se plaignent, etc.

Et pourtant, dans les rangs de la fonction publique, on observe des passionnés, plutôt fiers de travailler pour l’État, et prêts à renoncer à un salaire attractif pour des postes qu’ils estiment être d’intérêt général et la sécurité de l’emploi. Alors, la fonction publique : bon plan de carrière ? Comment sont recrutés les agents ? Quels concours et quelles équivalences pour postuler ? Quelles offres et quels avantages ce statut requiert-il ? On vous dit tout.

La fonction publique en quelques mots

Pour l’INSEE, une entreprise publique est « une entreprise sur laquelle l’État peut exercer directement ou indirectement une influence dominante du fait de la propriété ou de la participation financière en disposant soit de la majorité du capital soit de la majorité des voix attachées aux parts émises ».

Trois en un

En réalité, l’administration française est composée de trois fonctions publiques :

  • La fonction publique d’État, qui emploie 2,4 millions d’agents, et qui concentre les services centraux des ministères, les services régionaux ou départementaux, la recherche. En quelques mots ce sont les métiers qui dépendent directement des décisions ministérielles : police, sécurité, enseignement, impôts, etc. Cela représente 44 % des emplois dans la fonction publique, selon un rapport publié par le Ministère de l’Action et des Comptes publics en 2017.
  • La fonction publique territoriale représente plus d’1,8 millions de personnes et concerne les emplois gérés par les 36 663 communes, les 101 départements, les 27 régions…
  • Enfin, la fonction publique hospitalière emploie les 1,1 millions d’agents des hôpitaux publics, des services départementaux de l’aide sociale à l’enfance, établissements publics pour personnes handicapées, centres sociaux etc.

Chaque fonction publique a ses propres concours, statuts, et grilles de salaires mais elles sont toutes, depuis la loi du 13 juillet 1983, liées par un statut général unifié qui clarifie leurs droits mais aussi leurs obligations !

D’autres structures travaillent au service de l’État, mais leurs salariés ne sont pas fonctionnaires. Ce sont des entreprises publiques comme La Poste, la SNCF, la RATP, EDF, Engie Groupe, Aéroports de Paris, etc. Parmi elles, les EPIC (Établissement Public à caractères Industriel et Commercial : France TV, Arte, SNCF, etc.) qui dépendent du droit public, ne sont pas soumis à concurrence pour le moment et travaillent exclusivement pour l’État. Ils n’ont pas un capital public en jeu contrairement à d’autres, comme Ardeva ou Aéroports de Paris par exemple, qui sont cotées en Bourse.

Pourquoi avoir créé la fonction publique ?

La fonction publique a pour vocation d’employer des agents politiquement neutres au service de l’État. Souvent embauchés pour la totalité de leur carrière, les agents sont protégés de la corruption politique, ce qui leur permet d’être maintenus en poste même après un changement de gouvernement. En clair, et originellement, la fonction publique est un statut qui permet d’agir pour le bien général, sans intérêt personnel, commercial ou partisan.

À sa création, le statut permettait également d’attirer les diplômés tout en faisant des économies sur les salaires : ses avantages (emploi à vie, retraite, horaires, protection sociale, logements de fonction, etc.) compensant un peu la différence de rémunération par rapport au secteur privé. Dans les textes qui régissent les droits et les obligations des fonctionnaires, il est précisé que ceux-ci ont un devoir de service mais aussi de discrétion. C’est pour cette raison que les fonctionnaires n’ont pas de relation commerçante avec les citoyens par exemple. Contrairement à une entreprise privée, les fonctionnaires ont le devoir d’accueillir chaque citoyen et de lui donner accès au service public quelle que soit sa condition sociale.

Concours, recrutement et évolution

Comment intégrer la fonction publique sur concours ?

Pour intégrer la fonction publique, il faut : avoir la nationalité française ou d’un État membre de l’UE, un casier judiciaire vierge et avoir effectué sa JDC (Journée Défense et Citoyenne, anciennement nommée JAPD).

L’accès aux métiers et emplois de la fonction publique est filtré par des concours, qui permettent l’égalité des chances. Il existe trois catégories de concours :

  • La catégorie A : accessible aux candidats BAC +3 destinés à des postes de direction, d’encadrement, d’enseignement, d’ingénieur, de recherche.
  • La catégorie B : requiert au minimum le BAC, et permet de postuler aux postes d’encadrement intermédiaire et application, de technicien territorial, de contrôleur de travaux, d’infirmier, etc.
  • La catégorie C : pour les détenteurs de CAP, BEP, Brevet ou sans diplômes dans certains cas, donne accès aux fonctions d’exécution spécifiques (électricien, technicien, cuisinier, etc.)

Deux autres voies existent mais sont plus rarement empruntées :

  • le concours dit “sur titre”, équivalant à une candidature sur dossier (concours avec ou sans examen ou le candidat répond de ses diplômes et expériences professionnels devant jury).
  • le concours de troisième voie, qui donne accès à un poste par validation des acquis (par exemple après un mandat local, ou une expérience dans le privé).

Mais d’autres concours permettent quant à eux d’accéder à des écoles. Par exemple l’ENM (École Nationale de la Magistrature), l’ENA (École Nationale d’Administration), l’École Nationale des Douanes, etc. Pour être admissible au concours de l’ENM par exemple, il faut être titulaire d’un Master 1 en Droit minimum et avoir moins de 32 ans. Deux autres concours sont ouverts aux candidats fonctionnaires depuis plus de 4 ans, ou ayant exercé un mandat électif ou à des professionnels issus du privé. Le concours de magistrat est l’un des plus difficile de la fonction publique, environ 10% des candidats ont été admis au concours en 2013. Quant au concours de l’ENA, qui ouvre à ses lauréats des postes dans les ministères, les préfectures, les ambassades et les hautes juridictions, son taux de réussite est de 4% ! Pas gagné !

Enfin, on peut également postuler dans la fonction publique en tant que “contractuel”, c’est-à-dire sans passer par la case concours. Souvent recruté pour des missions courtes, le contractuel ne signe pas de contrat “à vie” avec son employeur public, et peut renouveler - ou non - le contrat sans intégrer le statut de fonctionnaire : il est donc non-titulaire.

Évolution et plans de carrière

Si les concours externes sont ouverts à tous les candidats justifiant du diplôme requis, les concours internes sont, quant à eux, réservés aux agents déjà en poste, pour leur permettre d’évoluer à un grade supérieur car l’évolution au sein d’un corps de métier n’est pas un dû ! En revanche, l’avancement en “échelon” au sein de son grade, en clair l’évolution dans la grille des salaires au cours d’une carrière, est un droit et concerne chaque fonctionnaire. L’État assure donc à son agent, dans la mesure où il remplit son devoir, d’évoluer et d’augmenter son salaire sans se soucier de la concurrence en interne.

Il y a deux types d’évolution dans la carrière d’un fonctionnaire :

  • l’avancement d’échelons (augmentation systématique de salaire en fonction de l’ancienneté)
  • l’avancement de grade, qui est l’accès à un poste supérieur, avec une réévaluation du salaire. Cette demande d’évolution peut être spontanée, et accordée après étude par la hiérarchie ou après obtention d’un concours en interne.

Mais la lourdeur administrative des recrutements en interne peut poser problème aux services, si bien que ces dernières années, 17,9% des salariés de la fonction publique sont des contractuels.

Travailler dans la fonction publique : un bon plan ?

Statut assuré

Les fonctionnaires ont la réputation d’être difficiles à déloger ! Le statut “à vie” a été imaginé pour protéger les fonctionnaires des aléas politiques, mais beaucoup de fonctionnaires ne sont pas titulaires, donc seule une minorité bénéficie de cette protection. Contrairement aux idées reçues, la plupart des fonctionnaires voient d’un bon œil l’introduction de critères de l’entreprise privée au sein de la fonction publique. La capacité d’adaptation, les sélections au mérite, la motivation… Mais l’État a aussi une mission sociale et permet à de nombreux citoyens d’accéder à l’emploi et de ne pas être soumis à la pression de la rentabilité privée.

Statut “à la cool”

En 2013, un sondage de l’institut Vivavoice pour RTL et Le Nouvel Observateur révèle que les cadres de la fonction publique sont… contents. Le statut arrive en tête du classement des métiers qui rendent le plus heureux ! La raison de cette surprenante révélation ? Le ratio entre l’utilité publique, un emploi du temps plus équilibré que dans certains postes privés, et bien souvent la passion pour son métier. L’enquête révèle aussi que la sécurité de l’emploi contribue au bien-être ressenti par ces cadres, loin des pressions du mercato privé. Encore une petite couche ? En 2012, 95 % des agents de la fonction publique confiaient être fiers de travailler pour l’état, selon une étude du cabinet Deloitte et l’Institut de sondage IFOP.

Ou statut en danger ?

Cependant, grâce (ou à cause) de l’embauche de plus en plus fréquente de contractuels, les services recrutent sur de petites périodes des personnes déjà formées et sur place. Le but ? Faire des économies en réduisant le temps du contrat. Pour les syndicats, c’est contraindre le secteur à aligner ses salaires sur le privé, et donc à dépenser plus. Selon le site atlantico.fr, « les cadres du privé gagnent en moyenne 47 850 € par an, contre 33 780€ dans la FPE. » Difficile d’envisager la cohabitation régulière entre un titulaire et un contractuel au sein d’un même service lorsque ce dernier est mieux payé.

Par ailleurs, l’État a ouvert depuis un nouveau dispositif de “recrutement sous contrat”, grâce à la loi Égalité et citoyenneté de 2017 permettant à des jeunes non diplômés de travailler en alternance et préparer les concours en interne.

Alors, si elle traîne parfois une mauvaise réputation, la fonction publique veut offrir des opportunités de carrière ou de reconversion variées. C’est un sujet dit “chaud” pour le gouvernement qui projette de supprimer 120 000 postes titulaires d’ici 2022, d’ouvrir plus de postes aux contractuels et de réduire les dépenses. Peut-être une bonne piste à explorer après des années dans le privé ?

Photo d’illustration by WTTJ