L'été où... je suis restée au bureau. Témoignage
Vous les attendez depuis des semaines voire des mois, et sûrement encore davantage cette année que les autres… Qui ça ? Les vacances d’été, évidemment ! Synonymes de soleil, de plage ou simplement de grands dîners de famille chez Grand-mère, vous ne sauriez vous en passer… Sauf que parfois, vous n’y avez simplement pas le droit ! Récit d’un été très solitaire au bureau.
Jusque-là, comme la plupart d’entre vous, j’avais connu les interminables congés scolaires, les étés entiers à ne rien faire (à part noircir quelques pages de cahier Passeport pour rassurer mes parents sur ma scolarité). Plus tard, il y eut certes quelques stages ou missions freelance qui grignotèrent les sessions plages, mais rien de grave. C’est en 2016, premier boulot parisien dégoté, que j’ai découvert la règle du “pas de vacances la première année.” Donc, pas d’été. Et quatre mois, de juin à septembre, c’est long. Très long.
J’ai découvert la règle du “pas de vacances la première année.” Donc, pas d’été. Et quatre mois, de juin à septembre, c’est long. Très long.
L’enfer, c’est les autres
Ça n’étonnera personne : la pire chose, quand on n’a pas de vacances d’été, c’est de savoir que tout le monde est bien en train de kiffer les siennes, merci. C’est bien simple, à chaque coup d’œil sur Facebook ou Instagram, des pages entières de soleil, de piscine et de sable chaud me brûlaient la rétine. Le seul réseau encore vivable, c’était LinkedIn. À la fin de l’été, j’avais dû stalker les profils pros d’au moins mille personnes différentes. Toutes très sérieuses sur leur photo, la veste bien cintrée, l’œil vif. Le teint un peu gris. Comme moi, avec ma peau translucide quand il fallait comparer le bronzage à la machine à café le lundi matin.
La pire chose, quand on n’a pas de vacances d’été, c’est de savoir que tout le monde est bien en train de kiffer les siennes, merci.
C’est peu de dire que mes journées de boulot ont été interminables cet été-là. Pour moi qui fonctionne à l’adrénaline et au mouvement, des bureaux vides et sans aucun bruit de fond, c’était synonyme d’ennui mortel. Pour la première fois de ma vie, j’ai cru être atteinte du syndrome du bore-out. En vrai, j’avais si peu de tâches vraiment utiles, dispersées sur tant de semaines, avec tant de personnes référentes qui partaient successivement en week-end prolongés, que ne pas en faire trop était l’option la plus saine. Le pire, ça a été autour du 15 août. Pas de clients, pas de business, pas de sollicitations extérieures et personne pour répondre au bout du fil. Alors j’ai fini par combler le vide. J’ai repris une habitude depuis longtemps remisée au placard : feuilleter chaque matin un quotidien différent. J’ai même appris la photographie sur YouTube. De toute façon, personne n’était là pour fouiner au-dessus de mon épaule.
C’est bien simple, à chaque coup d’œil sur Facebook ou Instagram, des pages entières de soleil, de piscine et de sable chaud me brûlaient la rétine.
Soleil et network
Il a fait beau cet été là. Ça aurait pu me déprimer, ça m’a plutôt fait tenir. Avec les grandes baies vitrées et les rayons de soleil qui tombaient sur ma table, j’ai pu prendre quelques doses de vitamine C et ne pas céder aux sirènes de la dépression. Matin, midi et soir, je marchais dans Paris et m’imaginais touriste. Arrivée sur le coup de 10h, j’arrivais à ne pas culpabiliser en sortant à 18h (pour ceux qui ne comprennent pas en quoi c’est exceptionnel, je vous rappelle que je bosse à Paris). Et à cette heure-là, les soirées parisiennes vous paraissent beaucoup plus riches (déjà, parce que c’est encore l’happy hour). Dans l’air qui roule dans la ville, on attrape un peu de farniente, on se glisse sur une terrasse ou le long des quais, en commandant une pinte avec les autres naufragés des congés. Et là, j’avoue, le sentiment de vacances n’était pas bien loin… J’ai même posté une ou deux stories enivrées, #Paris, #sun, #friends. J’y croyais presque.
Dans l’air qui roule dans la ville, on attrape un peu de farniente. J’ai même posté une ou deux stories enivrées, #Paris, #sun, #friends. J’y croyais presque.
Un truc pas désagréable non plus, c’est que dans les couloirs ou à table, je me suis souvent retrouvée en tête-à-tête avec les grosses têtes de la boîte (qui, contrairement à moi, avaient délibérément choisi de ne pas prendre beaucoup de jours de congés). Détendus, contents de parler. Les enfants calés chez Mamie en province, on pouvait se focaliser sur le plan pluriannuel de septembre. Et mine de rien, tous ces échanges, pour la compréhension globale de ma nouvelle boîte et pour me positionner en douceur sur des objectifs qui m’intéressaient, ça a été un joli tremplin.
Je me suis souvent retrouvée en tête-à-tête avec les grosses têtes de la boîte […] Détendus, contents de parler.
Et finalement, quand la rentrée est arrivée, avec son mélange de tâches stimulantes, de stress et de pluie fade, j’ai quand même eu un petit pincement au cœur. Pas d’avoir été bloquée tout l’été entre quatre ordis, juste de ne pas pouvoir prolonger ces heures de boulot un peu cool, payées autant qu’une semaine à cravacher. Petit pincement qui s’est vite effacé : j’avais des objectifs enthousiasmants à atteindre, et deux semaines de trek à la Réunion à booker pour février.
Photo by WTTJ
- Ajouter aux favoris
- Partager sur Twitter
- Partager sur Facebook
- Partager sur Linkedin
Pour aller plus loin
Les derniers articles
Au cœur de la pandémie : les dessous du métier d'épidémiologiste
Que sait-on de ces chercheurs et de leurs méthodes de travail ? Réponses avec Raphaëlle Métras, épidémiologiste à l’Inserm.
Rencontre avec les créateurs de 18H30, série poétique sur le trajet du bureau
Rencontre avec les auteurs de 18h30, la mini série d'Arte qui explore les relations aux travail.
Valentin Gendrot, profession : journaliste infiltré
Infiltré dans la police pendant deux ans, le journaliste Valentin Gendrot raconte dans son livre Flic, ce qu'il se passe derrière l'uniforme.
Gabrielle Deydier et la grossophobie : travail au corps
Les entreprises discriminent les gros : c'est le constat alarmant que livre Gabrielle Deydier.
« Je ne veux plus me sentir différente » Xenia, victime de racisme au travail
Retour sur notre rencontre avec Xenia, jeune communicante, pour parler d'injustice, de collègues et surtout d’un profond ras le bol.
À la recherche de soi en mer, le quotidien d’Isabelle, navigatrice en solitaire
Le 8 novembre prochain, Isabelle Joschke franchira la ligne de départ du Vendée Globe, la prestigieuse course à la voile autour du monde. Portrait.