Entretien d’embauche : c’était mal parti… mais ils ont eu le job !

04 avr. 2023

5min

Entretien d’embauche : c’était mal parti… mais ils ont eu le job !
auteur.e
Pauline Allione

Journaliste independante.

contributeur.e

D’une candidature envoyée par mail à la signature d’un contrat d’embauche, tout ne se passe pas toujours comme prévu. Ce peut être un café renversé sur la chemise du patron, un réveil qui n’a pas sonné à temps, une réponse à côté de la plaque... Suivant les événements, ce sont aussi les montagnes russes émotionnelles entre le stress, la déception et finalement, le soulagement imprévu. Rencontre avec celles et ceux qui se sont fait une belle frayeur alors qu’ils visaient un nouveau poste. Attention, spoiler : toutes les histoires que vous vous apprêtez à lire terminent bien mais commencent mal.

« Difficile de passer un entretien quand la personne en face a décidé qu’elle ne voulait pas de toi » - Thaïs*, rédactrice, Paris

Dès le départ, tout commençait mal. Je postulais pour un stage dans une agence de communication parisienne et comme je n’y vivais pas encore à l’époque, je m’étais installée chez une copine pour la semaine. Le matin de l’entretien de stage, l’entreprise m’appelle pour me dire que le rendez-vous est reporté à cause de la grève. Je rencontre les deux personnes qui m’attendent pour mener l’entretien quelques jours plus tard et je ne le sais pas encore, mais je m’apprête à vivre l’un des pires moments de ma carrière. Je me présente et je mentionne que je n’ai pas suivi les études requises dans l’annonce mais que grâce à mon parcours et mes stages, j’ai toutes les compétences requises pour le poste. Après mon introduction, l’une des deux femmes revient sur mon parcours universitaire : elle ne conçoit pas que je puisse y arriver sans le fameux diplôme. Je lui explique en quoi mes études et mes compétences me rendent apte à occuper ces missions mais elle rétorque qu’elle ne voit pas comment elle pourrait travailler avec moi. Cet échange de sourds continue un moment : la boss, convaincue que je ne corresponds pas au poste et moi qui me défends tant bien que mal. J’essaie de répondre positivement, de vanter ma flexibilité, ma capacité à apprendre rapidement… Mais plus j’essaie de les convaincre, plus j’ai l’impression de m’enfoncer. Difficile de faire un entretien quand la personne en face a déjà décidé qu’elle ne voulait pas de toi !

En sortant, je me sentais comme une merde. Les personnes que j’avais rencontrées n’avaient pas l’air de penser que j’avais une quelconque valeur et je ne comprenais pas pourquoi on m’avait convoquée. Une semaine plus tard, j’ai reçu un mail pour passer un test écrit et j’ai été retenue pour le stage. Avec du recul et par rapport aux missions à exécuter, je pense que j’étais vraiment une super candidate. Il avait fallu aider sur le site internet, être force de proposition, c’était pendant le Covid donc il y avait eu des challenges à relever et des contraintes avec lesquelles composer… Je pense que mon parcours moins classique et mes expériences dans différents domaines ont fait que je répondais très bien à leurs besoins à ce moment précis.

« La gêne est palpable sauf que je ne comprends pas ce qu’il se passe, je suis vraiment l’ingénu de la pièce » - Matthieu, journaliste, Paris

Je suis jeune étudiant en journalisme à l’époque et je vise un stage dans une rédaction européenne. Le problème : j’ai un très mauvais niveau d’anglais et mon accent toulousain n’arrange rien. La plupart de l’entretien se déroule en français et, comme je m’y attends, on switche en anglais. La discussion se passe plutôt bien, jusqu’au moment où le directeur du journal me demande mon avis sur le Iron Curtain (le rideau de fer en français, ndlr). Je ne connais pas l’expression mais je ne sais pas pourquoi, mon cerveau fait une association d’idées et je pense qu’il me parle d’un festival de films indépendants. Avec assurance, je déroule sur les films que j’ai vus, le cinéma français, Gaspard Proust qui est un “very good actor”… J’étale ma culture cinématographique comme ça pendant 3 minutes… et zéro réaction en face. La gêne est palpable sauf que je ne comprends pas ce qu’il se passe, je suis vraiment l’ingénu de la pièce. On passe à l’espagnol où j’ai un encore moins bon niveau et je quitte la rédaction sans avoir la moindre idée de ma sortie de route. C’est seulement quand je rejoins des potes dans la soirée que j’apprends ce qu’est vraiment l’Iron Curtain. Dans ma tête, tout s’écroule : c’est mort et en plus, c’est la honte. L’échange en français était très bien, il y avait plein de signaux positifs mais ce quart d’heure de langues a tout fait basculer. Une semaine plus tard, on m’apprend que je suis pris et j’accepte. Pour travailler correctement dans cette rédaction j’ai dû passer en mode survie et mettre en place des techniques pour améliorer mon niveau, échanger en anglais avec des collègues… Aujourd’hui, j’ai un niveau d’anglais tout à fait acceptable et c’est notamment grâce à cet épisode. Évidemment, j’ai eu droit à une année de chambrage et je n’oublierai pas cet entretien de sitôt. Passer du rideau de fer à Gaspard Proust, c’était cocasse.

« Pour le patron soit j’étais un imposteur, soit je cherchais vraiment du travail » - Éric, comptable, Strasbourg

J’étais au chômage depuis un an quand j’ai vu passer une offre pour un poste de responsable administratif. Je me dis que ce job est pour moi, je candidate, mais ils ne retiennent pas mon profil. Alors quand l’offre reparaît quelques semaines plus tard, je ne lâche pas l’affaire. Je renvoie mon CV, en modifiant quelques informations pour qu’ils ne me reconnaissent pas : je décale la date d’obtention de mes diplômes, je prends le nom de ma femme, j’emprunte un autre prénom… Et ça marche ! Cette fois, ils veulent me rencontrer. Sur place, on me demande mes papiers d’identité mais j’élude la question en baragouinant que je n’habite pas loin et que je ramènerai les documents la prochaine fois. C’est lors du deuxième entretien que la panique commence à monter. Ces gens, qui sont potentiellement mes futurs employeurs, ne connaissent même pas mon vrai nom. On m’annonce que je peux occuper mes nouvelles fonctions dès la semaine prochaine et une fois seul avec la responsable des ressources humaines, je lui déballe tout : ma candidature un mois plus tôt, le refus, la nouvelle offre et ma seconde candidature en masqué. Embêtée d’avoir laissé passer mon profil une première fois, elle m’emmène voir le patron pour lui annoncer ma véritable identité. Interloqué, le patron discerne rapidement deux options. Soit je suis un imposteur, soit je veux vraiment ce travail. Je plaide ma cause en expliquant que le poste m’intéresse réellement et il décide de me faire confiance. La démarche était peut-être risquée au départ, mais je n’avais rien à perdre.

« J’ai l’habitude d’être mal à l’aise lorsque je rencontre quelqu’un, mais cette fois le malaise était partagé » - Alexia, graphiste, Marseille

Il y a deux ans, je vivais à Copenhague et j’étais fraîchement diplômée en graphisme. Pour me lancer dans la vie pro je décide de passer par un stage et j’ai rendez-vous avec une agence de publicité. À mon arrivée, je sens tout de suite une vibe étrange. Le mec en face de moi n’a pas vraiment l’air de savoir qui je suis et au fil des échanges, je comprends qu’il n’est pas censé être mon supérieur hiérarchique mais mon collègue, et qu’il est moins diplômé que moi. Pour lui comme pour moi, ce moment est flou : on ne sait pas quoi faire de cet entretien et il ne connaît pas réellement les missions du poste. Je suis d’habitude assez mal à l’aise avec les gens que je rencontre pour la première fois, je transpire, je rougis, je bégaye… Mais cette fois je sens que le malaise est partagé et bizarrement, cela me donne un peu de confiance. J’ai l’impression de n’avoir rien à perdre : si ça fonctionne tant mieux, sinon tant pis. Partant de ce principe, je suis beaucoup plus fluide et détendue que je ne l’aurais été. En un sens, à partir du moment où j’ai mis un pied dans cette agence j’ai su que cela ne me ressemblait pas, mais ce n’était pas effrayant. Je suis entrée dans un personnage assez détaché, à l’image d’une actrice. Quelques semaines plus tard, j’ai reçu un mail m’annonçant que j’étais retenue. J’étais assez confuse et je ne savais pas vraiment à quoi m’attendre mais j’ai accepté. J’avais vraiment besoin de cette expérience en agence !

Mauvais feeling, rencontre sur fond de mytho, recruteur·se borné·e… Les histoires qui débutent mal ont aussi droit à leur happy end et avec un peu de chance, de détachement ou de détermination, la situation peut étonnement s’inverser. Étonnement, parce que toutes les personnes interviewées dans le cadre de cet article ont connu cette même surprise à la réception d’une réponse favorable.

  • Le prénom a été modifié

Article édité par Gabrielle Predko ; Photographie de Thomas Decamps

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