« Je veux une promotion » : comment en parler pendant son entretien annuel ?

15 déc. 2021

6min

« Je veux une promotion » : comment en parler pendant son entretien annuel ?
auteur.e.s
Thomas Decamps

Photographe chez Welcome to the Jungle

Coline de Silans

Journaliste indépendante

La fin de l’année se profile et avec elle, le moment de faire le bilan. Idéal pour demander une promotion professionnelle par exemple. Même si les redoutés entretiens annuels ont un peu perdu de leur importance avec la multiplication des points mensuels, trimestriels, les « one to one » et les réunions d’équipe, cette période demeure souvent propice à la prise de recul.

C’est aussi, naturellement, dans ces moments-là que la question de l’évolution de carrière peut se poser. Faut-il profiter de la fin de l’année pour demander une promotion professionnelle, ou vaut-il mieux attendre que l’occasion se présente d’elle-même ? Comment aborder le sujet subtilement et quels arguments avancer lors de cet entretien annuel ? Comment savoir que c’est le bon moment pour évoluer ? Pour y voir plus clair, nous avons échangé avec Anne-Sophie Joubert, consultante et coach en évolution professionnelle, qui nous a soufflé quelques conseils.

Entretien annuel : le moment de demander une promotion professionnelle ?

Avant de faire part de toute demande d’évolution de carrière, encore faut-il être sûr que votre souhait est bien légitime. Remplissez-vous déjà au mieux la mission pour laquelle vous avez signé ? Avez-vous pris récemment des responsabilités qui sortaient de votre scope et qui exigeraient de revoir votre poste ?

« Personnellement, je trouve ça super important de montrer ses capacités avant de demander quoi que ce soit, avance Émilie, cheffe de projet marketing. Moi par exemple, je sentais que j’avais fait le tour du poste, et je commençais inconsciemment à prendre en charge de nouvelles tâches, alors que ce n’était pas dans ma fiche de poste initiale. C’est à ce moment-là que je me suis dit qu’il fallait que j’aborde le sujet d’une évolution de carrière ». Demander à évoluer, que ce soit en termes de poste ou de secteur au sein de sa propre entreprise, implique que l’on ait déjà été capable de quadriller efficacement le périmètre des tâches qui nous étaient attribuées. D’où le fait qu’il vaut mieux éviter d’en parler si l’on est encore en période d’essai ! « Il faut d’abord maîtriser son poste avant de demander une promotion professionnelle, appuie Anne-Sophie Joubert. Pour juger de son efficacité sur un poste, il faut en général au moins six mois d’expérience. Parler d’évolution de carrière avant ce délai peut être un peu délicat de la part du salarié, dans la mesure où il n’aura pas vraiment pu montrer qu’il correspondait au poste, sur le plan qualitatif comme quantitatif ».

Pour autant, pas question d’attendre de se morfondre sur son ordinateur, ou de déprimer au boulot. Avant même d’aborder le sujet avec sa hiérarchie, amorcer une réflexion sur la façon dont son poste pourrait être amené à évoluer est déjà un premier pas vers le changement.

Comment formuler sa demande de promotion professionnelle et quels arguments avancer ?

Maintenant, vient la question cruciale : comment amener le sujet sur la table ? « À partir du moment où l’on a fait ses preuves et que l’on ressent le désir d’évoluer, on peut commencer à échanger sur le sujet, explique Anne-Sophie Joubert. Nul besoin d’attendre un entretien annuel très formalisé, si l’on a de bonnes relations avec son manager, on peut déjà commencer à se renseigner de façon informelle sur les perspectives d’une future promotion, autour de la machine à café par exemple ». Plutôt que de faire une demande très formelle, et peut-être un peu angoissante, axée sur l’évolution de carrière, l’idée serait plutôt d’obtenir des informations sur la stratégie de l’entreprise à long terme, afin de voir comment l’on pourrait se positionner dans ce nouveau schéma. « On peut échanger avec son manager sur ses objectifs individuels, les attentes de l’entreprise, poser des questions sur la stratégie 2022… C’est bien d’avoir une idée de la politique générale de l’entreprise, pour pouvoir comprendre comment celle-ci va évoluer, et comment notre poste peut s’inscrire dans cette évolution », détaille Anne-Sophie Joubert.

Émilie, elle, a choisi d’aborder le sujet en demandant des feedbacks sur son poste actuel. « Pour demander à évoluer, j’ai d’abord besoin de savoir que je fais bien mon boulot. Si les retours que j’ai vont dans ce sens, alors je me sens plus légitime de dire “ok, je sais que vous êtes contents de moi, mais maintenant je veux progresser, comment peut-on faire ?” »

Demander des retours sur son travail est effectivement une bonne technique pour montrer que l’on est motivé et impliqué dans le projet de l’entreprise et que l’on est prêt à prendre plus de responsabilités. « Quand un salarié a envie d’évoluer au sein d’une société, c’est déjà un bon indicateur pour le N+1, car cela montre que cette personne n’a pas envie d’aller voir ailleurs. C’est tout à son avantage de faire évoluer ce salarié, qui est motivé et qui est déjà formé, plutôt que de former quelqu’un de zéro », souligne Anne-Sophie Joubert.

Il ne faut donc pas hésiter à profiter des points réguliers avec son manager pour demander des feedbacks et lui montrer que l’on est attentif à ses propres performances dans l’entreprise. Profiter de l’entretien annuel pour demander officiellement à changer de poste est une bonne méthode, mais si cette requête tombe comme un cheveu sur la soupe, cette position sera difficilement défendable auprès de votre N+1. D’où l’intérêt de préparer en amont sa demande d’évolution de carrière, par des demandes de retours sur son travail tout au long de l’année, et des échanges informels avec son manager. D’une part, cela permet de constater le champ des possibles, d’autre part cela montre à votre manager qu’il ou elle peut compter sur vous pour de nouvelles responsabilités.

Ne pas avoir peur de valoriser son travail tout au long de l’année pèse aussi dans la balance à l’heure d’être promu. Si les feedbacks que vous recevez sont positifs, et que vous estimez que votre travail est satisfaisant, il est important de le faire savoir, afin que votre manager puisse avoir ce bilan positif en tête à l’heure d’étudier avec vous vos perspectives d’évolution. Pour cela, il ne faut pas hésiter à valoriser ses réussites, mêmes minimes auprès de votre N+1.

Enfin, pour montrer que votre désir d’évolution est en lien avec la vision de l’entreprise et repose sur des bases solides, vous pouvez légitimement demander à vous former aux compétences qui vous manquent. Vous pouvez pour cela utiliser votre Compte Professionnel de Formation, un capital d’heures de formation que vous cumulez tout au long de votre carrière, quelle que soit votre entreprise. Cela vous permettra non seulement d’acquérir les savoirs qui vous manqueraient pour progresser, mais aussi de montrer à votre hiérarchie que vous êtes demandeur d’évolution !

Que faire quand on est dans l’impasse ?

Parfois, notre souhait de promotion professionnelle peut aussi se heurter à un certain immobilisme de la part de l’entreprise, qui n’a pas pour habitude de faire évoluer ses salariés rapidement, ou qui pâtit d’une certaine rigidité hiérarchique. La patience peut être votre plus grande alliée. « Au bout d’un an dans mon entreprise, j’ai eu envie de prendre de nouvelles responsabilités, se souvient Valentin, responsable éditorial. Sauf que mes collègues, qui étaient tous arrivés avant moi, n’avaient jamais changé de poste. En plus de me sentir du coup assez peu légitime pour formuler cette demande, j’avais beaucoup de mal à me projeter sur les perspectives d’évolution qui auraient pu s’offrir à moi ». Dans ce genre de situation, se faire aider par un coach peut alors être intéressant, afin de mieux cerner quelles sont les pistes d’évolution au sein de son entreprise. On peut également se renseigner auprès du service RH en interne. « Pour les personnes chez qui le désir d’évoluer se fait ressentir, mais reste un peu flou, voir un coach peut permettre d’aider à structurer la problématique, à mieux comprendre ce que l’on souhaite faire évoluer dans son poste, pour ensuite pouvoir formuler clairement la demande auprès de son N+1 », explique Anne-Sophie Joubert.

À expérience égale, évolution similaire ? Quant à comparer sa situation à celle de ses collègues, pour la coach, elle ne doit en rien représenter un frein à une demande d’évolution. « Tous les gens ne souhaitent pas forcément progresser dans leur carrière, certains préfèrent se spécialiser dans ce qu’ils font et se satisfont très bien du périmètre qui leur est attribué. D’autant plus qu’en France, progresser vient souvent avec des responsabilités managériales, ce qui ne convient pas à tout le monde. Ce n’est donc pas parce que ses collègues font le choix de ne pas solliciter une promotion professionnelle, qu’il faut s’empêcher de le faire » affirme Anne-Sophie Joubert.

Finalement, si, évidemment, l’entretien annuel reste un bon moment pour aborder en douceur le sujet d’une évolution de carrière, mieux vaut avoir préparé le terrain au préalable, en montrant que l’on était prêt à assumer de nouvelles responsabilités par exemple, ou en manifestant son intérêt pour de nouvelles problématiques, un peu plus éloignées de celles de son poste. Bien avoir en tête la direction que souhaite prendre l’entreprise permettra aussi de formuler une demande la plus pertinente possible, en mettant en avant la manière dont son désir d’évolution de carrière s’inscrit en lien avec la vision de l’entreprise. Et surtout, la promotion professionnelle peut se faire à tout moment de l’année : nul besoin de vous précipiter sous prétexte que c’est la fin de l’année, le principal étant de se sentir prêt !

Édité par Manuel Avenel, photo par Thomas Descamps

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