Charisme & leadership : comment devenir la Michelle ou le Barack Obama du bureau

25 mai 2022 - mis à jour le 01 mai 2022

6min

Charisme & leadership : comment devenir la Michelle ou le Barack Obama du bureau
auteur.e
Paulina Jonquères d'Oriola

Journalist & Content Manager

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On a tendance à croire que le charisme est inné. Or, il existerait des leviers pour le développer, mieux, pour en faire un atout personal branding au service de sa carrière et de son leadership. Notre journaliste Paulina Jonquères d’Oriola s’est tournée vers trois experts pour mieux comprendre le charisme et ses rouages. Elle vous révèle ici la recette de « l’effet wahou ».

Il est 16h. La somnolence du repas est passée et a priori, étant un oiseau de nuit, je vais bientôt être dans « ma zone ». Comprenez, ma zone de performance, le moment idéal pour rédiger mon article. Quel rapport avec le schmilblick ? Et bien, une étude passionnante révèle que pour augmenter nos chances d’être charismatique, il faut respecter notre rythme circadien et planifier les tâches pour lesquelles nous souhaitons avoir le plus d’impact durant les temps forts de notre journée, c’est-à-dire ceux où nous nous sentons les plus performant·es et inspiré·es. Voilà déjà une première piste très prosaïque pour aborder ce thème complexe, avant d’aller plus loin.

Quelque part entre Mick Jager et Mélenchon

Commençons par un peu d’étymologie. Du grec khárisma, le terme « charisme » désigne une « faveur gratuitement accordée ». De prime abord, voilà qui le lie à une forme de don naturel, quelque chose qui nous surpasse, un brin mystérieux. Et ce n’est pas faux. Du moins, c’est la première partie de l’équation. « Il y a deux facettes : le charisme de forme, et le charisme de fond », introduit Jean-Michel Philippon, coach de dirigeant·es au cabinet Initium coaching. Il m’explique que le charisme de forme est connecté à des facteurs déclenchants extérieurs. Le physique (la stature d’un Général de Gaulle), la manière de se déplacer (l’animalité d’un Mick Jager), et la qualité oratoire (l’esprit vif d’un Mélenchon). Mesdames, je n’ai cité ici que des hommes, mais rassurez-vous, nous aurons voix au chapitre. D’ailleurs, quand je pense au charisme, j’ai l’image d’une femme qui m’avait particulièrement marquée lors d’une conférence au Women’s Forum. Elle était belle, féminine, élancée, son ton assuré, son propos clair et limpide. À l’époque, elle dirigeait une grande entreprise et je n’en avais jamais entendu parler. Dans l’assemblée, tout le monde s’accordait à dire qu’elle pourrait être notre Michelle Obama française. Peu après, elle devenait ministre déléguée auprès du Premier ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes. Et cela ne m’a pas surprise. Il s’agissait d’Élisabeth Moreno.

Le charisme possède donc une vraie composante corporelle, ce que me confirme Fanny Nusbaum, chercheuse associée en psychologie et neurosciences, spécialisée dans l’étude de la performance. Pour elle, le charisme est une question « d’incarnation ». « C’est une présence au monde qui est remarquable », explique-t-elle. Dès lors, ne frôle-t-on pas la séduction ? La tentation est forte d’opérer ce raccourci et de s’emmêler les pinceaux. « Dans le milieu artistique, il y a effectivement quelque chose qui relève du magnétisme. En revanche, cela n’est absolument pas lié à la beauté. Un Gainsbourg était très charismatique sans pouvoir être qualifié d’Apollon », analyse-t-elle, tout en ajoutant que le charisme comporte une immense part de subjectivité et est soumis à une forme de consensus social.

Musclez vos « power postures »

Et moi, dans tout ça ? Suis-je capable de générer cet effet « waouh » quand j’entre dans une pièce ? A priori, je suis une personne lambda, avec parfois des coups d’éclat et de gros plantages. Mais alors, dois-je baisser les bras ? Et non ma fille, redresse ta tête et tes épaules, grandis-toi au maximum, bombe ton torse, décroise tes jambes et mets tes mains sur les hanches lors de ton prochain meeting. Bref, adopte les « power postures » de la grande papesse du genre, Amy Cuddy. Tout cela peut sembler artificiel mais selon cette autrice américaine, en me positionnant de la sorte, je configure mon cerveau à faire face au mieux à une situation stressante. En effet, les personnes recroquevillées sécrètent davantage de cortisol, l’hormone du stress, quand celles qui prennent l’espace boostent leur testostérone, l’hormone du pouvoir. Voilà qui me montre un premier chemin d’accès vers le développement de mon charisme. Car la bonne nouvelle que vous attendiez toutes et tous c’est que oui, on peut bel et bien l’augmenter.

Travailler les power postures, c’est aussi travailler sa présence. Présence à soi et au monde. Une composante essentielle du charisme pour notre troisième interviewée, Betsy Parayil-Pezard, spécialiste de la mindfulness en entreprise et experte du Lab Welcome to the Jungle. « Les personnes charismatiques sont effectivement dans une posture d’ouverture. Elles sont très ancrées parmi les autres êtres humains. Ce sont des personnes qui ont un grand pouvoir d’attention et se souviennent par exemple des prénoms des personnes qu’elles croisent furtivement », nous explique-t-elle. Ainsi, cette présence peut se développer à travers des outils comme la méditation de pleine conscience. Chouette alors, je vais peut-être cocher une case, étant adepte de pratiques comme le yin yoga, qui nous forcent à accepter et vivre pleinement le présent. Bon, pas certaine qu’une séance hebdomadaire suffise, mais travailler mon ancrage me semble être davantage à ma portée que de me transformer directement en grande prêtresse de l’art oratoire.

« Deviens qui tu es »

Cette notion de temporalité et de présence revient également dans la bouche de Jean-Michel Philippon. Selon lui, les personnes charismatiques « font contact avec nous (…), leur légitimité s’appuie certes sur le passé, mais elles sont presque toujours portées sur l’avenir et en parlent de manière positive ». C’est ainsi qu’elles nous embarquent dans leur histoire et suscitent chez nous une forme d’adhésion. Nous voilà désormais dans ce que notre spécialiste appelle le « charisme de fond ». Cette composante fondamentale qui explique que Mère Thérésa ou Nelson Mandela ont su développer un fort charisme. Celui-ci s’ancre dans un profond alignement entre leurs actes et leurs valeurs. Ce que l’on appelle « la congruence ». « Pour avoir du charisme, il faut être 100% authentique, foncer, écouter son intuition et ne pas se poser trop de questions, surenchérit Fanny Nusbaum. Ma propre définition du charisme est de développer cette capacité à se différencier, ce qui est au fond ce que nous cherchons tous au quotidien. Personne n’a envie qu’on le traite comme un numéro ». Elle cite alors le fameux « Deviens qui tu es » de Nietzsche.

Cette capacité à être pleinement soi a irrémédiablement son revers : accepter le regard de l’autre et s’exposer. Aïe. Voilà qui titille une corde sensible chez moi. Lorsque j’ose donner pleinement mon avis à des personnes en dehors de mon cercle proche, que je ne tourne pas ma langue 7 fois avant de parler, il m’arrive de regretter de m’être pleinement dévoilée dans mes opinions. La peur d’être jugée, de (me) décevoir, a longtemps été un frein chez moi et une source de stress. Ce n’est d’ailleurs certainement pas pour rien que j’ai choisi de travailler seule à la maison, en ermite. Quand je me confronte au regard de l’autre, cela peut être grisant sur le moment, mais je me trouve vite ridicule lorsque je me montre « trop » expansive. Le syndrome de la bonne élève ? Sûrement ! En fait, je devrais prendre exemple sur Fanny dont je sens poindre l’âme rock’n’roll au bout du combiné quand elle m’expose son auto-philosophie de l’interaction : « Je juge le jugement des autres. C’est-à-dire que si quelqu’un n’accepte pas ma différence, je ne l’intègre pas dans mon cercle de confiance ». Point barre.

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Le leadership charismatique : s’effacer au profit de ses idées

Fort heureusement, il y a des thématiques qui me dépassent et que je pourrais défendre bec et ongles. Car elles m’ont touchée de plein fouet dans ma vie personnelle et je me sens donc légitime à en parler sans souffrir du syndrome de l’imposteur. Ce sont des guerres pour lesquelles je ne tremblerais pas au micro devant une assemblée. Tiens, j’ai parlé de dépassement. Cela résonne avec les propos de Betsy : « Les gens charismatiques sont passionnés. Ils s’effacent et se mettent en mouvement au profit de leurs idées. C’est ainsi qu’ils accèdent à ce que je nomme le leadership charismatique ». À l’évocation de ces propos, une jeune femme me vient en tête. Ses yeux pétillent et son sourire est sans cesse vissé sur son visage. Elle vient tout juste de sortir son premier documentaire. Pourtant, sa vie a basculé il y a quelques années quand elle a appris qu’elle avait la sclérose en plaques à seulement 21 ans. Elle s’appelle Marine Barnérias et je ne l’ai jamais oubliée après l’avoir aperçue dans une émission. Depuis, je suis son parcours avec admiration.

Pour d’autres, Marine n’incarne peut-être pas le charisme. Preuve que, comme me l’explique Betsy, le charisme d’un individu déclenche en nous des émotions. Et, même si je ne souffre pas de la pathologie de Marine, cette jeune femme m’inspire sûrement car quelque part, je partage avec elle davantage de traits que je n’aie d’accointances avec Barack Obama. Cela me mène à ma dernière interrogation. Est-ce qu’il existe une autre voie d’accès au charisme quand on est une femme ? Qui plus est une jeune femme ? Pour Fanny Nusbaum, « le charisme est encore perçu comme un trait masculin dans l’inconscient collectif ». Même constat chez Jean-Michel Philippon : « Les femmes qui sont à de très hauts postes empruntent encore majoritairement les codes des hommes, car elles y ont été obligées pour jouer à armes égales ». Toutefois, l’avenir du charisme se conjuguera selon lui au féminin, avec l’avènement de personnalités en phase avec la puissance de leur féminité. Je pense irrémédiablement aux power girls telles que Beyoncé ou Michelle Obama, mais peut-être accéderons-nous à une nouvelle forme de charisme encore plus soft.

De toutes ces digressions, voilà ce que je retiens : on ne naît pas toujours charismatique, mais nous pouvons développer notre présence au monde. À la fois physique et mentale. Accroître notre impact positivement. Et tout cela sonne creux si nous adoptons des postures intellectuelles parfaitement artificielles. Pour être charismatique, ayons plutôt le courage de nos idées et mettons-les en actes, le tout avec éthique et empathie.

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Article édité par Ariane Picoche, photo : Thomas Decamps pour WTTJ

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