Comment améliorer le confort de travail de ses équipes dispersées ?

22 sept. 2020

9min

Comment améliorer le confort de travail de ses équipes dispersées ?
auteur.e
Claire Kadjar

Rédactrice

Deux tiers des employé.es français.es restent assis.es plus de 6h par jour avec, comme conséquence, différents symptômes : inconfort, fatigue, douleur, difficulté à se concentrer… Des risques physiologiques qui ne font que s’aggraver avec la normalisation du télétravail. Entre poste de travail mal ajusté, isolement et sédentarité prolongée, le travail à distance présente de nombreux challenges en matière de Qualité de Vie au Travail (QVT) pour les entreprises. D’autant qu’au regard de la loi, l’employeur se doit de veiller à la santé et à la sécurité de ses (télé)travailleurs.euses. Alors que faire pour préserver le bien-être physique et moral de ses équipes à distance ?

Petit tour d’horizon des bonnes pratiques à mettre en place.

Être conscient.e du véritable impact du télétravail sur la santé de ses équipes

La Qualité de Vie au Travail est inséparable de la question du stress, ce « mal du siècle » qui serait à l’origine de 50 à 60 % des journées de travail perdues. Un trouble que beaucoup de managers et de RH ont tendance à considérer souvent comme purement psychologique. Or, d’après Lionel Pagès, biochimiste, ostéopathe et fondateur du Centre Actistress, dédié à la prévention et au traitement du stress, la majorité des burnouts sont d’abord dus à un stress physique, qui entraîne par la suite des répercussions psychologiques, cognitives et émotionnelles. Comme il le rappelle : « Nous sommes des “animaux pensants”. L’évolution nous a façonné pour courir, chasser, explorer, interagir…. C’est dans notre ADN ». L’être humain n’est pas fait pour rester 8h par jour assis derrière un écran, et encore moins seul chez lui/elle. Contrairement au bureau, où il y a de l’imprévisibilité, du mouvement et de l’interaction sociale (ce qui va dans le sens du « bon stress » selon Lionel Pagès) ; en télétravail notre système sensori-moteur s’appauvrit par le manque de stimulations, ce qui déclenche, selon lui, le « mauvais stress ». Quand on travaille de chez soi, sans sortir ni voir personne, notre corps et tous nos réflexes de vie se mettent en sommeil ; un phénomène que Lionel Pagès a baptisé la « décorporation passive ». D’après lui, c’est à partir du moment où le salarié « oublie son corps » qu’apparaissent des troubles physiologiques.

La majorité des burnouts sont d’abord dus à un stress physique, selon Lionel Pagès, biochimiste et osthéopathe.

Il avertit : « À mesure que le télétravail gagne du terrain, il va devenir un fléau pour le système nerveux et risque d’entraîner des problèmes psychosociaux et de santé majeurs ». Il est donc primordial que les employeurs placent le corps au centre de leur réflexion sur la QVT, surtout en télétravail, et mettent en place des actions pour aider leurs salarié.es à maintenir « l’animal en eux éveillé » (cf. lire la suite).

Promouvoir le motricité pour stimuler le corps et l’esprit

« Nous sommes des êtres hétérotrophes, c’est-à-dire que nous avons besoin de nous déplacer pour trouver notre nourriture. A l’inverse des organismes autotrophes, comme les plantes, qui assurent eux-même leur survie à partir de substances minérales qu’ils puisent dans le sol et dans l’air. » nous explique Lionel Pagès. Le problème de l’Homme Moderne, selon lui, est qu’il a oublié qu’il avait un système-nerveux et qu’il avait besoin de bouger pour rester en bonne santé. Une tendance qui ne cesse d’empirer en télétravail. Habituellement, le salarié se déplaçait pour se rendre au travail, aller en réunion, faire une pause café, se rendre à la cantine avec ses collègues… En télétravail, les salariés n’ont plus l’occasion de faire autant de déplacements. Il est donc indispensable de promouvoir de nouvelles habitudes de travail pour les aider à rester en mouvement.

Voici quelques astuces que vous pouvez leur proposer pour introduire plus de motricité dans leur routine de télétravail :

  • Travailler sur un ballon de Klein. Lionel Pagès recommande de travailler assis sur un ballon de Klein plutôt que sur une chaise : « Le fait d’être en équilibre sur le ballon permet de mieux sentir son corps dans l’espace et donc de stimuler son système nerveux. » Dans le même esprit, il suggère de faire des pauses debout sur un tableau d’équilibre. Autant le ballon de Klein que le tableau d’équilibre sont des équipements relativement peu onéreux, que l’entreprise peut aisément financer.

  • Faire des exercices de Brain Gym. Lionel Pagès recommande aussi le Brain Gym, une approche éducationnelle qui utilise une série de 26 mouvements, inspirés du yoga, de la psychomotricité, et de la médecine chinoise, pour améliorer ses capacités d’apprentissage et de réflexion. Une méthode qui aide aussi à libérer les tensions physiques et émotionnelles, ainsi qu’à calmer le système nerveux pour permettre à chacun d’atteindre son plein potentiel. L’entreprise peut, par exemple, proposer des sessions de formation pour initier ses salariés au Brain Gym.

  • Travailler debout. Selon Rémy Dahi, Responsable Marketing et Partenariats chez Adopte Un Bureau, une start-up française spécialisée dans le mobilier de bureau durable : « les bureaux ajustables, qu’ils soient manuels ou électriques, sont de bonnes pistes, puisqu’ils permettent d’alterner entre position debout et assise. Le problème est qu’ils sont encore relativement chers et ont encore un look très “bureau” difficile à intégrer dans un logement. » Mais les fabricants, comme Ikea, développent déjà de nouveaux modèles, plus adaptés pour la maison et plus abordables, que les entreprises peuvent proposer à leurs salariés.

  • Faire des pauses et bouger. Alors que le télétravail peut avoir tendance à aggraver le présentéisme et la sédentarité, les entreprises se doivent d’encourager leurs salarié.es à faire des pauses actives et à bouger tout au long de la journée. Mais quelles solutions pour leur permettre de se dégourdir les jambes ? Engie, Harmonie Mutuelle et Orange ont opté pour Kiplin, une solution digitale qui incite les collaborateurs.trices à marcher quotidiennement et leur propose de participer à des séances de formation sur les postures à adopter. Le but : éviter la sédentarité grâce à des défis ludiques. On peut aussi citer Squadeasy, un outil adopté par Decathlon Pro ou l’Oréal, qui propose de réaliser des défis sportifs en équipe - course à pied, marche, vélo, etc. - tout en créant du lien social entre collègues. Enfin, il est aussi possible de créer vos propres “vidéos bien-être” en interne, en partenariat avec un spécialiste de la santé, afin de proposer à vos salarié.es des exercices et étirements simples à faire à la maison. YouTube pullule d’exemples en la matière, comme cet enchaînement d’Azur Sport Santé ou les Routines Yoga au Bureau de Décathlon.

Louer du matériel ergonomique ou laisser les salarié.es le choisir

Alors que le télétravail s’installe durablement, les entreprises ont de plus en plus un rôle à jouer dans l’aménagement des postes de travail de leurs salariés à domicile. Selon Rémy Dahi : « Avec l’explosion du télétravail, l’enjeu est désormais de garantir à ses salariés des conditions de travail proches de celles qu’ils avaient au bureau. » Ainsi, à la suite du premier confinement, plusieurs entreprises comme Google France ont offert des subventions à leurs salarié.es, leur permettant d’acheter eux/elles-mêmes leur mobilier de travail, via un partenariat avec Adopte Un Bureau. Les salarié.es ont pu choisir un siège, un bureau et d’autres accessoires en fonction de l’espace disponible chez eux, du type de sol (ex : parquet, moquette…), de leurs contraintes esthétiques et bien sûr de leurs problèmes de santé (ex: mal de dos, TMS…). Autre solution pour équiper les salarié.es à domicile : la location de mobilier de bureau. « Beaucoup d’entreprises ne savent pas pour combien de temps elles vont devoir accompagner leurs salariés en télétravail. Pour répondre à cette incertitude, on leur propose de louer le matériel de bureau pour le temps nécessaire. » explique Rémy Dahi. Dans un cas comme dans l’autre, l’essentiel est d’aider ses salarié.es à faire évoluer un poste souvent bricolé à la hâte au début du confinement en un espace de travail ergonomique, confortable et 100% adapté à leurs besoins.

Former des référent.e.s à l’ergonomie

Comment ajuster la hauteur et l’inclinaison de son siège de bureau ? Comment positionner ses jambes et ses bras pour éviter les douleurs de dos ? Autant de questions que de nombreux.ses télétravailleurs.euses se posent encore. « On se rend compte tous les jours que beaucoup d’employés ne savent pas comment bien régler leur poste de travail. » explique Rémy Dahi. D’où l’importance, selon lui, de former des référents.tes internes sur le mobilier et les postures ergonomiques, pour répondre aux questions des collaborateurs.trices et les aider à ajuster leur poste de travail chez eux/elles. Certaines entreprises ont, par exemple, mis à la disposition de leurs salarié.es un numéro direct vers la médecine du travail ou un ergonome.« Les entreprises se doivent d’être mieux informées sur l’ergonomie et le bien-être en télétravail, car ces sujets vont devenir de plus en plus importants à l’avenir. » Celles qui sauront offrir une expertise et un accompagnement de qualité sur ces thématiques, parviendront certainement à tirer leur épingle du jeu en matière de marque employeur dans les mois/années à venir.

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Instaurer un suivi rigoureux du bien-être physiologique des salarié.es

« Le problème avec le travail à distance est que les employeurs ne se rendent plus nécessairement compte de leur état de santé. » remarque Rémy Dahi. Ainsi, en télétravail, il est d’autant plus important de sonder régulièrement ses salarié.es pour savoir comment se passe leur expérience en télétravail, et vérifier notamment s’ils/elles sont bien installé.es, s’ils/elles sont satisfait.es du mobilier, s’ils/elles ont des douleurs physiques… Leur envoyer un questionnaire ou formulaire à intervalle régulier est un bon moyen de suivre à distance l’évolution de leur bien-être physiologique et intervenir le plus en amont possible, pour éviter un potentiel burnout, un arrêt maladie ou une démission. En matière d’outils de sondage pour évaluer le moral et le degré de satisfaction de vos employé.es, on peut notamment citer SurveyMonkey, Bloomin ou encore Supermood. On peut aussi citer Bloom at Work, une app utilisée par My Little Paris ou Guerlain, qui donne aux managers et RH la possibilité de visualiser en temps réel les réponses anonymisées aux quiz soumis aux équipes toutes les deux semaines. Elle recommande ensuite des actions à mettre en place pour recréer une dynamique positive.

Re-créer des interactions sociales « riches » entre salarié.es

La distanciation sociale lors du confinement, nous a rappelé à quel point nous étions des êtres fondamentalement sociaux. D’ailleurs, l’évolution de notre espèce s’est faite en grande partie grâce au groupe. Et même si on parle beaucoup d’individualisme, Lionel Pagès nous explique que « l’homme moderne est beaucoup plus préparé à être avec les autres, qu’à être seul avec lui-même ». D’après lui, tout le drame de l’adoption massive du télétravail lors de la pandémie est que, du jour au lendemain, les salarié.es se sont retrouvé.e.s seul.e.s face à eux-mêmes/elles-mêmes ; ils/elles n’y étaient pas du tout préparé.es et, encore aujourd’hui, ils/elles ne savent toujours pas comment le gérer. Et si Zoom et les autres outils de vidéoconférence permettent de garder le lien, ils sont en réalité loin de pouvoir remplacer le contact humain. « Le système sensori-moteur, qui est à la base de la relation humaine et de notre équilibre nerveux, a besoin d’une interaction la plus large possible. Il a besoin d’être stimulé par le bruit, la vue, la chaleur, l’odeur… Par rapport à une interaction physique, Zoom ne permet qu’une relation appauvrie avec l’autre. » ajoute Lionel Pagès. Cette perte d’interactions sociales “riches”, ainsi que la “surcharge collaborative” ou Zoom Fatigue, expliquent qu’à la fin du confinement la plupart des télétravailleurs.euses avait hâte de revoir leurs collègues. Alors que le télétravail se poursuit, voici quelques idées pour re-tisser du lien, du vrai :

  • Transformer ses espaces de travail en lieu de convivialité.
    « Désertés en tant que lieux de travail purs et durs (en faveur du télétravail), les locaux physiques se transforment en points de rencontres, dédiés aux évènements, afterworks, activités de team-building, travaux de groupe, à la formation… Cela implique notamment de changer le mobilier, pour créer des atmosphères plus accueillantes, chaleureuses et colorées. » explique Rémy Dahi. Une option intéressante pour continuer à utiliser ses locaux vides tout en créant du lien.

  • Multiplier les options de télétravail. Rémy Dahi rappelle aussi l’importance d’offrir aux salarié.es la possibilité de télétravailler d’un autre endroit que la maison, comme dans des espaces de coworking ou des bureaux partagés. En plus de permettre une séparation plus nette entre vie pro/vie perso, ces tiers-lieux offre une alternative plus sociale. Dans un article publié récemment sur Challenges, l’agence de publicité Australie explique qu’elle envisage de proposer à chaque collaborateur.trice trois lieux de travail, au choix : son domicile, un espace de coworking à proximité de chez lui/elle –choisi parmi la trentaine de sites d’un opérateur– et le “QG” de l’agence.

  • Organiser des rencontres en face à face. Selon le 6e baromètre Paris Workplace réalisé en partenariat avec l’Ifop (2019), les salarié.es qui échangent en face à face avec plus de 3 collègues par jour sont presque deux fois moins nombreux à souffrir de solitude (21 % vs 36 %). Pour rompre l’isolement du télétravail, les managers peuvent, par exemple, organiser chaque semaine des rencontres physiques (ex : pause café, déjeuner, apéro…) entre 3-4 salariés qui habitent à proximité. Un bon moyen de lutter contre l’isolement et garder une cohésion d’équipe forte à distance.

Mobiliser l’ensemble des acteurs au sein de l’entreprise

Du service RH, en passant par DSI, le top management, la médecine du travail et les salarié.es ; tous/toutes, au sein de l’entreprise, doivent travailler ensemble pour créer des conditions de travail optimales à distance. Dans son « Kit pour associer télétravail & QVT », l’Anact (Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail) recommande de mobiliser tous les acteurs concernés, afin de mieux appréhender les enjeux du télétravail. Dans son kit, elle explique la marche à suivre pour concilier télétravail et QVT :

  • La désignation d’un comité de projet dédié au travail à distance, composé de la direction, des ressources humaines et des représentants du personnel ;
  • La sensibilisation au télétravail et à ses risques (isolement social, surcharge de travail, réduction de la frontière vie privée-vie professionnelle, etc.) ;
  • La définition des enjeux du télétravail pour l’entreprise (un outil purement organisationnel, une réponse sociale aux problématiques professionnelles, etc.) ;
  • Le décryptage de l’organisation actuelle du télétravail (salariés éligibles, activités concernées, lieux, rythme et durée, outils disponibles, management actuel, etc.) ;
  • La définition d’un périmètre d’évaluation du télétravail (équipes concernées, durée de l’évaluation, méthode d’analyse des résultats, etc.).

C’est en mettant en place une telle démarche collective et 360°, que l’entreprise pourra agir concrètement et efficacement pour préserver le bien-être de ses télétravailleurs.euses.

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