La crise sape la motivation au travail : comment reprendre du poil de la bête ?

11 janv. 2022 - mis à jour le 01 janv. 2022

7min

La crise sape la motivation au travail : comment reprendre du poil de la bête ?
auteur.e
Emma Cullinan

Psychotherapist and writer

[Article initialement publié le 5 novembre 2020, mis à jour le 11 janvier 2022]

Comme un air de déjà vu (et aérer la pièce n’y changera rien). Avec un nombre de contaminations journalières record depuis le tournant des fêtes, on aperçoit déjà le sommet de la cinquième vague de coronavirus qui déferle sur nos “retour à la vie normale” et “allons danser ou prendre un verre - debout - après le boulot”. Le gouvernement l’a annoncé, le télétravail, telle une rockstar un peu has-been, fait son grand come-back pour une tournée obligatoire de trois à quatre jours par semaine lorsque cela est possible et au minimum jusqu’au 23 janvier. Avec cette vieille rengaine pleine de lassitude, c’est notre motivation au travail qui peut en prendre un coup. Heureusement, après deux ans de pandémie nous avons pris de la bouteille et nous pouvons opérer une prise de recul en nous replongeant dans nos expériences passées pour affronter les changements actuels. Lumière sur les causes de notre perte de motivation en cette période particulière et des conseils pour la retrouver.

Moins de coups de pouce extérieurs et des bâtons dans les roues

Dans cette nouvelle « normalité » qui est la nôtre, à savoir le travail à distance doublé d’un relatif isolement, le tout dans un contexte de crise sanitaire mondiale, il n’est pas toujours facile de rester motivé… Chez vous, comme chez vos collègues, l’entrain pour se mettre à bosser peut venir à manquer. Tant les facteurs de motivation extrinsèques, qui justifient vos actions par un désir de récompense (des compliments, une rémunération, de la reconnaissance sociale, etc.) ou par une crainte de sanction, que les facteurs de motivation intrinsèques qui sont, quant à eux, portés par la recherche de votre satisfaction personnelle (apprendre, nourrir sa curiosité, résoudre un problème, réussir quelque chose).

« T’es super, ne change rien »

Dans une étude menée au sein de l’université polytechnique de Valence en Espagne, la chercheuse Lourdes Canós-Darós souligne « l’importance considérable du système de récompense dans le processus de motivation ». Parmi les facteurs de motivation externes dans un cadre professionnel, elle cite la reconnaissance, le pilotage de la performance, la formation, la montée en grade, les échanges ou l’instauration d’un environnement positif. Autant de bénéfices compliqués à obtenir ou à recréer quand on travaille de chez soi. Sauf si, avec l’expérience de la pandémie, vous avez -eu le flair d’aménager un bureau, une pièce dédiée, ou transformé votre cuisine en véritable open-space. Les collègues en moins.

Pas facile d’avoir l’esprit d’équipe tout seul

La présence des autres est une vraie source d’énergie. Les retrouver le matin nous met généralement dans le bain et côtoyer ses collègues favorise “l’effet de contagion” : les voir prendre plaisir à faire des choses qu’on trouve rébarbatives finit par élargir notre horizon et nous fournir à nous aussi notre dose de volupté.

Andrew, commercial, connaît bien le phénomène : « Quand on est entouré, la pression du groupe s’exerce : on doit travailler. On se sent regardé, ce qui est une bonne chose à mes yeux. J’ai plein d’amis indépendants qui vont bosser dans un café pour retrouver ça, justement. À la maison, il suffit d’aller dans la cuisine nettoyer les plaques de cuisson et ça y est, le mode procrastination est enclenché ».

« J’ai mal à mon micromanagement »

Certains responsables d’équipe sont démunis face au télétravail : comment manager à distance, surtout dans ce contexte si particulier ? Même si les managers ont dû tirer des leçons des précédentes périodes de télétravail, leur manque d’expérience peut sur le long terme mener à une démobilisation des collaborateurs, aka nous. « Entre mars et avril 2020, je recevais un SMS de ma cheffe chaque matin à 8h, raconte Emily, salariée dans l’informatique. Je devais lui communiquer mon programme de la journée. Ensuite, elle m’envoyait un e-mail toutes les 10 minutes avec une nouvelle demande. Elle m’interrompait sans arrêt, m’empêchant de me concentrer sur ce que j’avais à faire. »

Mais si nous avons besoin de stimulateurs externes, nous sommes loin d’être sans ressource à titre individuel, souligne le spécialiste du sujet Dr Kou Murayama, enseignant et chercheur à l’université de Reading, en Angleterre : « Certes, les incitations extérieures ont un impact fort sur notre manière d’être et de faire, cependant l’humain jouit d’une incroyable capacité à s’engager dans une action par lui-même, en générant son propre système de récompense interne ». Notre manque de motivation en cette période de pandémie n’est donc pas entièrement imputable à l’absence de coups de pouce venus de l’extérieur. La situation touche une corde plus sensible encore.

Notre cerveau n’aime pas l’incertitude

Le coronavirus redessine notre quotidien – de notre liberté de mouvements, à notre façon de travailler. Ce n’est pas rien. Notre productivité peut ainsi être mise à mal par la présence plus ou moins latente de stress ou d’anxiété. On vous dit pourquoi.

Perte de repères sur soi

Le besoin de trouver un sens à sa vie est un moteur pour tout être humain, comme l’ont souligné de grands psychiatres et philosophes comme V. Frankl ou L. Tolstoï. Ce « sens » donne une direction à l’existence, apporte des valeurs, un cadre dans lequel avancer. Il alimente aussi l’estime de soi.

Le sens que nous donnons à notre vie témoigne également de notre identité. Le travail — notre fonction autant que notre place dans la hiérarchie — en fait partie. Amy, élève exemplaire, major de sa promotion et titulaire d’un haut poste dans une grosse association, se retrouve coincée chez elle, comme nous tous. Qui est-elle maintenant qu’elle ne peut plus soulever des montagnes ? Et vous, qui êtes-vous maintenant que le bureau, c’est chez vous ? Ces interrogations peuvent largement saper votre motivation à entreprendre quoi que ce soit.

Des lendemains qui chantent ?

Qui pourrait s’étonner que nous soyons inquiets, pour nous, nos proches, l’avenir de la planète ou celui de notre job ? À ce titre, l’angoisse peut prendre deux formes : celle d’une réponse à un événement tangible, comme la mauvaise santé d’un proche ou bien celle d’une réaction pathologique, une peur chronique de ce qui pourrait advenir : l’impact de la crise du coronavirus à l’échelle mondiale et, à plus petite échelle, sur nos vies.

Pas simple de se concentrer sur son travail quand on baigne là-dedans. L’anxiété, directement liée à la peur, peut paralyser le cerveau. Lorsque notre corps perçoit un danger, il choisit entre la fuite ou la lutte. Dans les deux cas, il sécrète de l’adrénaline et de la noradrénaline à haute dose : c’est autant d’énergie en moins pour la zone dite « logique » de notre cerveau. À quoi sert en effet de savoir fusionner deux tableurs Excel quand on est poursuivi par un tigre ? Notre corps détourne son carburant pour soutenir notre réponse au stress. Ce type de réaction est calibré pour être de courte durée : quand elle persiste, l’anxiété consomme notre batterie interne et entame notre capacité à agir.

Télétravail, lassitude en vue ?

De nouvelles mesures sanitaires qui ont un impact sur notre travail ? Ce n’est ni la première fois, ni la deuxième fois, ni la… Depuis le début de la crise nous pratiquons le tout terrain : jauges, gestes barrières, alternance entre présentiel et télétravail. Si ce dernier est synonyme de plus de libertés pour certains, la lassitude guette l’autre camp.

En effet, en sus de pertes de repères entre le privé et le professionnel - souvent au profit d’un alourdissement de la charge de travail -, certains ressentent un phénomène d’usure vis-à-vis de ce mode d’organisation. C’est notamment le cas chez les plus jeunes qui débutent et doivent encore se sociabiliser au monde professionnel. Ou encore des personnes dont les conditions matérielles de travail à domicile sont de moins bonnes qualités qu’au bureau. On sait désormais que le télétravail est également susceptible d’alimenter du stress, de l’isolement social, des troubles du sommeil, de la déprime ou encore une dévalorisation de soi… bref le combo parfait pour craquer dans son travail.

Fausses urgences, vraies interruptions

Poussés par nos moteurs internes — intérêt, curiosité, épanouissement personnel — ou par l’ennui, nous voilà soudainement happés par de nouvelles activités : planter des graines sur le balcon, bricoler, finir un puzzle, préparer le déjeuner… Être chez soi plus souvent en période de télétravail imposé, c’est aussi sentir le besoin de prendre soin de son « nid », quitte à reléguer le travail au second plan

Quelques idées pour rester motivé :

1. Identifiez vos moteurs et vos points faibles

Le tout, sans pour autant vous taper sur les doigts ! Cela peut vous aider à retrouver envie et énergie au quotidien. Observez-vous et mettez le doigts sur les éléments qui vous motivent ou au contraire, vous démotivent. Vous êtes déprimé en télétravail mais prenez du plaisir sur certaines missions sur lesquelles vous vous portez volontaires ? Montrez-vous disponible pour aider davantage ! Vous avez vraiment besoin d’un contexte social pour vous donner de l’énergie ? Pourquoi ne pas télétravailler avec un·e ami·e ?

2. Soyez bienveillant envers vous-même

Si vous n’avez pas l’habitude de télétravailler, et encore moins en compagnie d’autres personnes — en famille ou avec des enfants par exemple — il vous faut nécessairement un temps d’adaptation. Vous trouvez cela trop difficile ? Essayez de ne pas céder à l’énervement. Commencez par comprendre votre fonctionnement, votre rythme et par identifier vos sources internes de motivation.

3. Consommez les infos avec modération

Rester branché sur l’actualité et l’évolution de la situation sanitaire en permanence peut être source d’inquiétudes et démotivant. Accordez-vous une durée limitée d’exposition aux informations, du genre « Je lis les infos seulement le soir, pendant une demi-heure ».

4. Établissez une routine

Tant que vous êtes loin du bureau, mettez en place des gestes récurrents pour déclencher vos réflexes « travail ». Offrez-vous par exemple quelques minutes pour faire place nette dans votre esprit avant de vous préparer une boisson chaude et d’allumer votre ordinateur, signe qu’il est l’heure de commencer.

5. Ménagez-vous des pauses

Inutile de se leurrer : il vient toujours un moment où l’on décroche. Alors, plutôt que de verser dans les recherches Google totalement inutiles, levez-vous et faites complètement autre chose. En bref, comme au bureau, accordez-vous un vrai break… Mais pensez aussi à un moyen de bien vous remettre en selle, quitte à vous réserver un petit truc à grignoter pour vous (re)mettre en condition.

6. Fixez-vous des échéances

Il n’y a rien de tel pour garder le cap. Si vous planchez sur des dossiers de longue haleine, découpez le travail en plusieurs étapes avec, pour chacune, une date butoir.

7. Communiquez

Trouvez quelqu’un – ou quelques personnes – avec qui partager des moments durant la journée. Celui qui connaît la politique de la boîte, l’ami à l’oreille attentive, un proche à qui vous pourrez parler de votre petite balade du jour ou du café que vous avez renversé : chacun peut vous apporter les différents types de soutien dont vous avez besoin.

8. Puisez dans ce qui fait votre singularité et savourez la liberté qu’offre le télétravail

Certains aiment s’apprêter un minimum pour travailler et se mettre en “conditions réelles”, mais si votre bonheur c’est de rester en pyjama avec les pieds sur le chien, allez-y ! Personne n’est là pour vous regarder, seul le résultat compte.

Qui sait, vous allez peut-être cartonner encore plus maintenant que personne n’est là pour regarder par-dessus votre épaule ? Et si vous sentez votre motivation filer en douce, faites preuve de gentillesse envers vous-même. Reconnaissez ce passage à vide comme étant normal, surtout dans une période de crise qui n’en finit pas de convulser et à l’heure où les relations sociales sont restreintes (#cascontact). Mais essayez quand même de mettre le doigt sur ce qui vous freine. Vous en apprendrez peut-être beaucoup sur vous au passage – à titre professionnel, comme personnel.

Traduit de l’anglais par Sophie lecoq

Photo d’illustration by WTTJ

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