Deux mythes sur la motivation au travail, démontés

07 oct. 2021

5min

Deux mythes sur la motivation au travail, démontés
auteur.e
Paulina Jonquères d'Oriola

Journalist & Content Manager

Pourquoi et par quoi sommes-nous motivé·e·s dans la vie? Est-ce l’argent, ou au contraire, ce dernier exerce-t-il une forme de pouvoir sur nous ? Peut-on motiver les gens ? Autant de questions (existentielles) auxquelles je vais tenter de répondre en tant que spécialiste passionné des habiletés relationnelles.

Mythe n°1 : La plupart des gens ne sont pas motivés

Lorsque j’entame une conférence au sujet de la motivation, je pose toujours cette question fondamentale à mes yeux : “croyez-vous que tout le monde est motivé ?”. A chaque fois, l’interrogation est mal comprise. Et le public me répond “non”. Pourtant, c’est l’inverse : oui, tout le monde est motivé. La vraie question à se poser, c’est plutôt par quoi. Pour mieux le comprendre, j’aimerais revenir sur le concept de motivation intrinsèque et extrinsèque à la source de toutes les théories contemporaines sur le sujet.

D’un côté, il y a la motivation intrinsèque, autrement dit, la motivation interne, ce qui nous anime au quotidien, ce qui nous fait nous lever chaque matin. C’est notre raison d’être. Elle nous stimule et vibre en nous.

  • Son premier ingrédient n’est autre que le sens que l’on trouve dans l’exécution d’une tâche, d’un job, si l’on s’en tient à la sphère professionnelle. Le problème, c’est que la plupart des gens ne savent pas ce qui les motive réellement. C’est pourquoi ils répondent massivement “non” à la première interrogation. Mauvaise nouvelle pour ces personnes : le plus important, ce n’est pas tant ce que l’on fait, mais pourquoi on le fait. À ce titre, la fameuse histoire du concierge de la NASA est éloquente. En visite au sein du centre, le Président Kennedy demande à un concierge ce qu’il fait au sein de la NASA. Il lui répond simplement : “je suis là pour aider à envoyer le premier homme sur la lune”. C’est l’illustration par excellence de l’implication dans une mission commune qui va bien au-delà d’une simple tâche.

  • Le second ingrédient de la motivation intrinsèque, optionnel mais fortement recommandé, c’est le plaisir. Quand on l’éprouve, on pénètre alors dans le nirvana de la motivation. Le temps s’arrête, on est dans “sa zone”. Un état extatique qui est en réalité intimement lié aux personnes qui nous entourent. Au travail, il n’y a rien de tel qu’un environnement dans lequel nos collègues sont aussi nos amis, avec qui on est capable de passer des moments hors les murs du bureau. C’est cette tribu qui fait que l’on a hâte de revenir au travail le lendemain. C’est ce qui fait que l’on devient capable de se motiver seul, car l’environnement est propice à l’auto-motivation.

De l’autre côté, la motivation extrinsèque est à l’opposé de la motivation interne puisqu’elle passe au vert à la faveur d’éléments extérieurs comme la récompense, matérialisée par la note, le salaire, bref la carotte et le bâton ! Chez la majorité des personnes, la motivation dans la sphère professionnelle est reliée à ces facteurs externes : il faut avant tout payer les factures. Une motivation peu qualitative qui les pousse à sortir le champagne le vendredi (ouf, une énième semaine terminée) et à se ronger les ongles le dimanche (remplis d’anxiété à l’idée de rempiler). C’est pareil pour mes étudiants : il y a ceux qui sont sur les bancs de l’université pour apprendre et si ça se trouve pour le plaisir d’étudier, et ceux qui pensent avant tout à leur note. La mauvaise nouvelle, c’est qu’ils risquent d’être malheureux toute leur vie, car la motivation liée aux récompenses est par essence toujours éphémère. C’est ce qu’a démontré Roland Paulsen à travers ses travaux d’étude sur le loto. Il a découvert que 70% des personnes qui avaient remporté le jackpot continuaient à travailler sans en avoir besoin.

L’autre ingrédient de la motivation extrinsèque, c’est l’égo. C’est ce qui fait que l’on va se rendre à cette réunion qui nous ennuie tant et qui n’est pas foncièrement utile, uniquement pour ne pas perdre la face car le big boss sera présent.

Lorsque l’on conjugue égo et récompense, on a là la multiplication idéale pour filer droit vers le burnout. Car il s’agit en réalité d’une motivation de piètre qualité. À l’inverse, lorsque l’on associe le sens au plaisir, on entre dans une zone de superformance. On envoie le premier homme sur la lune !

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Mythe n°2 : Il est possible de motiver les gens

Lorsque je pose cette seconde question : “est-ce que l’on peut motiver les gens ?”, l’assemblée me souffle un “oui” presque unanime. Pourtant, cette fois-ci, la réponse est non, ou du moins, presque non. Au mieux, il est possible de créer un écosystème dans lequel les gens vont se motiver par eux-mêmes. Pour réaliser cette sauce magique, trois ingrédients secrets sont nécessaires. Ils ont été développés par Edward L. Deci et Richard M. Ryan, les théoriciens de l’auto-détermination. Ces derniers ont testé la motivation intrinsèque et extrinsèque, et à la lueur de leurs résultats, trois besoins psychologiques primaires ont été identifiés. Ils représentent 3 sources importantes d’une motivation optimale.

L’autonomie, mais une autonomie relative, bornée de règles et de limites, est le premier ingrédient. Le cas typique d’un salarié auquel on laisse toute la latitude pour organiser son travail et atteindre ses objectifs, à l’inverse d’un micro management bête où le manager guette son équipe pour voir qui se pointe sur Teams à 08H31. A ce titre, mes enfants m’offrent chaque jour la possibilité d’éprouver ce concept. Tous les matins, ma femme peine à habiller ma fille qui n’en fait qu’à sa tête. De mon côté, je lui laisse le choix entre deux pantalons, et cela suffit à combler son besoin d’autonomie. Bref, du berceau au bureau, nous sommes tous animés par le besoin viscéral de choisir… voire de décider !

L’affiliation sociale est le second ingrédient, car se connecter à l’autre reste un besoin fondamental pour tout être humain. Lorsqu’un enfant réclame votre attention, il ne vous dit pas “écoute moi”, mais plutôt “regarde moi dans les yeux”, car son besoin de connexion à l’autre est intense et palpable. Plus que jamais, la pandémie l’a démontré. Certains l’ont mieux compris que d’autres en insérant de l’informel dans des plateformes formelles de communication. L’art de créer des liens et de briser la glace de manière informelle avec ses différents collaborateurs via les rencontres virtuelles représente un bel exemple de l’importance de l’affiliation sociale en cette période de Covid-19. En entreprise, pour rester motivé.e, chacun a donc besoin de se sentir valorisé, de prendre part à un collectif, et surtout, de se sentir accepté.

Le sentiment de compétence, ou autrement dit, de se sentir compétent et bien outillé, est le troisième ingrédient incontournable. Par contre, savez-vous combien de fois un bébé tombe avant d’arriver à marcher ? En moyenne, près de 2000 fois ! Loin de se décourager, l’enfant qui chute a le sentiment de progresser, ce qui le pousse à persister et à persévérer. En entreprise, c’est la même chose : chacun doit pouvoir apprendre de ses échecs, se sentir outillé, constater une véritable progression dans sa compétence, voire dans sa carrière.

En matière de motivation, qu’il s’agisse de notre vie professionnelle ou personnelle, tout est interconnecté. La nature de la motivation humaine, ce n’est jamais de gagner de l’argent. Les gens qui réussissent ne sont pas ceux qui partent en quête de gros pécules ou de l’obtention d’une bonne note, ceux-là même qui attendent le vendredi avec impatience. L’argent arrive secondairement, sans être une finalité première.

Pour terminer, faites donc cet exercice : imaginez le métier de vos rêves, et les 6 éléments qui feraient que vous seriez heureux. C’est fait ? Laissez-moi deviner, il est peu probable que vous ayez cité l’argent, la sécurité d’une bonne retraite ou la quête d’égo. Sans doute avez-vous énoncé l’autonomie, la créativité, la flexibilité, des collègues stimulants, la liberté, le sentiment d’accomplissement, le plaisir d’aider son prochain.

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Édité par Paulina Jonquères d’Oriola

Photo : WTTJ