Delphine Remy-Boutang : « les femmes sont prêtes à conquérir la tech ! »

22 mai 2024

3min

Delphine Remy-Boutang : « les femmes sont prêtes à conquérir la tech ! »
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TRIBUNE - Delphine Remy-Boutang est une entrepreneure engagée de longue date dans la cause des femmes. Fondatrice de l'accélérateur de croissance JFD et de Arver, elle sort « Athlètes de l’innovation - Les femmes à la conquête de la tech » (Ed. Flammarion). Un ouvrage dans lequel 34 femmes puissantes montrent à quel point il est temps d’instaurer une parité dans le monde encore trop masculin de la tech.


Il y a une quinzaine d’années, j’ai fait le pari un peu fou de quitter Londres et le confort d’un poste à responsabilités chez un des géants de la tech mondiale, IBM, pour retourner vivre en France et commencer mon aventure entrepreneuriale. Ce choix s’est rapidement nourri d’un engagement : celui de participer au rayonnement des femmes qui entreprennent dans la tech, en France et partout où il est nécessaire de porter leurs voix.

Car surprise. A mon retour en France en 2012, j’ai vite constaté que j’étais souvent la seule femmes dans les rendez-vous professionnels ou les conférences sur la tech. La moitié de l’humanité n’était tout simplement pas conviée à la table des affaires ! En France, les statistiques sont sans appel : seul un quart des emplois tech sont occupés par des femmes, tandis que 98 % des investissements se concentrent uniquement sur les entreprises innovantes portées par des hommes. Cette asymétrie flagrante est le reflet d’un système profondément ancré dans des schémas de pensée archaïques, où les femmes sont encore trop souvent reléguées aux rôles secondaires.

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Les femmes doivent se forger un mental de sportive pour réussir

Mais pourquoi devrions-nous nous soucier de cette sous-représentation des femmes dans l’innovation ? La réponse est simple : parce que cela nuit à l’ensemble de la société. L’innovation prospère grâce à la diversité des perspectives, des expériences et des idées. En excluant les femmes de ce processus, nous nous privons d’un réservoir inestimable de talents et de créativité. Nous limitons le champ des possibles et freinons le progrès.
Derrière les technologies basées sur l’IA, un humain calcule, programme, analyse, prédit. Un humain qui neuf fois sur dix est un homme : seuls 12 % des chercheurs en IA et 6 % des développeurs de logiciels sont des femmes.

C’est pour changer les esprits et donner aux femmes la place qui leur revient dans notre économie, que j’ai tenu à mettre en avant le parcours de femmes d’exception dans mon second livre « Athlètes de l’Innovation » (Ed. Flammarion). Cet ouvrage est une plongée dans l’aventure d’une trentaine de femmes qui osent, innovent et entreprennent, parmi lesquelles Nathalie Collin, Directrice Générale Adjointe du groupe La Poste, Béatrice Dautzenberg, directrice internationale des services Beauty Tech chez L’Oréal, Nelly Chatué-Diop, fondatrice Ejara ou encore Virginie Morgon, l’une des plus grandes professionnelles françaises de l’investissement. Au total, 34 femmes puissantes racontent comment elles ont dû se forger un mental de sportive pour réussir.

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Comme je le dis souvent, entreprendre est un sport de très haut niveau, et les femmes sont tout aussi capables que les hommes de relever ce défi. Je donne ainsi la parole à des femmes qui marqueront notre histoire, des pionnières à l’image de Margaret Hamilton, informaticienne de NASA, dont le logiciel à permis le premier pas de l’humanité sur la Lune.
Cette allégorie sportive qui m’est chère, c’est peut-être Sarah Ourahmoune, entrepreneure et vice-championne olympique de boxe qui l’illustre le mieux. A ses débuts dans les années 90, elle est la seule femme de son club de boxe. Le droit de concourir n’est accordé aux femmes qu’en 99. A force de persévérance, elle s’est fait une place, jusqu’à devenir championne du monde en 2008, puis vice-championne olympique en 2016. En 2012, quand elle lance sa startup de gants de boxe connectés, elle s’est retrouvée plongée des années en arrière. Quand sa place de femme semblait si peu légitime ! Hors du ring, c’est encore son goût du défi et une excellente endurance qui lui ont permis d’avancer.

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Pour bâtir un avenir où les femmes ne sont plus invisibilisées dans l’innovation, j’ai la conviction qu’il faut un choc sociétal et législatif. Mon combat personnel est de mener ces propositions au plus haut de l’Etat. Par exemple, pour pallier le déséquilibre de financement entre femmes-hommes, il est nécessaire d’appliquer un plafonnement de financement dans les entreprises fondées par les hommes : pour financer une entreprise à plus d’un million d’euros, les fonds d’investissement devraient exiger la parité au sein du board ou au moins une femme parmi les fondateurs. Ou encore, imposer des quotas dans les écoles et universités. Sir Robinson disait : « pour changer le monde, il faut commencer par changer l’éducation ». Parce que notre capacité à développer un nouveau vivier de talents féminins est décisive pour l’avenir de notre économie, je propose également l’application de quotas de 50% sur les filières technologiques et scientifiques dans les universités et les écoles.

Ces mesures ont pour moi vocation à laisser un héritage inestimable aux générations futures : la participation égale des femmes dans l’innovation et l’ouverture de voies égalitaires pour tous.


Article edité par Clémence Lesacq - Photo Thomas Decamps pour WTTJ

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