Le Syndrome de la chouquette, ou la tyrannie du cool

16 mai 2019

3min

 Le Syndrome de la chouquette, ou la tyrannie du cool
auteur.e
Aglaé Dancette

Fondateur, auteur, rédacteur @Word Shaper

Les ragots partagés à la machine à café, les réunions sans fin, les moments gênants dans l’ascenseur ou aux toilettes, la recrudescence des Chief Happiness Officers censés rendre le travail fun pour faire oublier au salarié son aliénation, ça vous parle ? Nicolas Santolaria est journaliste nomade et s’est penché sur tous ces moments de vie en entreprise. Il a écrit pour Technikart et Libération, collabore régulièrement avec Slate et GQ et a rassemblé ses chroniques publiées dans Le Monde, à la rubrique “Bureau-tics”, dans l’ouvrage Le Syndrome de la chouquette ou la tyrannie sucrée de la vie de bureau. Chacun des thèmes abordés fait écho à des situations que nous avons tous connues, de près ou de loin… Préparez-vous à rire jaune.

Lieux et objets de bureau

En entreprise, il y a des lieux et des objets qui sont devenus légendaires, incontournables et lourds de sens : la chaise à roulettes, l’agrafeuse qui se volatilise chaque fois que l’on en a besoin, les cloisons trop fines de l’open space. Dans ses chroniques, Nicolas Santolaria passe au crible l’enceinte du bureau mais aussi la tenue de travail et sa signification, la gestion de la climatisation dans l’entreprise, la présence de plus en plus fréquente du baby-foot dans les start-up qui s’inspirent de l’esprit Silicon Valley. Dans la chronique “Des cadres au bout des roulettes”, le journaliste met également à l’honneur ce collègue qui arrive au bureau transpirant parce qu’il est venu en “trott”. Derrière l’humour, chaque chronique amène une vraie réflexion sur l’évolution rapide du monde du travail actuel comme sur les traditions les plus anciennes de la vie en entreprise.

La novlangue de bureau

Mentoring, colunching, growth hacking, brainstorming, free sitting… Cela n’a échappé à personne, en entreprise la tendance est aux anglicismes. Alors, pour communiquer de façon crédible, il faut parler en “-ing”, comme le remarque Nicolas Santolaria. Paradoxalement, bon nombre de cadres sont loin d’être bilingues, euphémisme signifiant que « lorsqu’il (votre collègue) va ouvrir la bouche […] pour tenter de dire quelque chose à son homologue californien, vous aurez l’impression d’assister au sketch de Louis de Funès massacrant la langue de Shakespeare dans la peau du commissaire Juve ».

Comme le raconte le journaliste, le bureau, c’est aussi le lieu où on doit supporter sans broncher les blagues douteuses du patron, les PowerPoint boring des collègues qui n’essaient même pas d’être concis, la terrible expression « ça va comme un lundi » par ce manager qui pense encore qu’il a loupé une carrière dans l’humour ou encore les tweets débridés de ce supérieur qui rougit pourtant chaque fois qu’il doit prendre la parole publiquement. Aussi, êtes-vous plutôt “bienàvoustologue” ou “cordialementiste” ?

Les relations humaines

Dans une entreprise, un employé doit réussir à composer avec des individus aux passifs et aux personnalités très variés. Là encore, Nicolas Santolaria s’interroge sur différents sujets sociologiques propres à l’enceinte du bureau : doit-on rire aux blagues de son boss ? Comment gérer un supérieur qui vous ghost ? Comment rester calme face à ce collègue qui saborde les règles de politesse les plus élémentaires en ne disant jamais bonjour ni merci ? Ou face à cet autre qui ne perçoit pas votre manque d’intérêt pour le récit de ses dernières vacances ?

L’une des chroniques de l’ouvrage rapporte également les bienfaits du ragot, en ce qu’il permettrait de tisser des liens, de désamorcer les conflits et d’organiser la communauté. Les plus grands enjeux de la vie en entreprise, finalement.

Bien-être et mal-être au travail

Régulièrement, le monde du travail nous abreuve de nouvelles pathologies et névroses en tout genre comme le brown-out des travailleurs en manque de sens, le bore-out de ceux qui s’ennuient à leur poste ou encore l’hyperstress des employés fatigués de devoir s’adapter constamment. Les chroniques de Nicolas Santolaria sur le sujet nous font prendre conscience qu’en parallèle de la volonté des entreprises de s’attarder sur le bien-être de leurs salariés à grands coups de vacances illimitées, de télétravail, d’espace de sieste ou de tables de ping-pong, le pathologique est finalement en passe de devenir la normalité tant il est présent au bureau.

Le journaliste décortique certaines pathologies moins dramatiques que celles mentionnées ci-dessus, comme le virus de la procrastination ou celui de la “vendredite” qui conduit à anticiper l’arrivée du week-end en réduisant significativement sa productivité dès le mercredi. Tout en sachant que la semaine ne commence réellement que le mardi puisque le lundi, on se remet du week-end bien sûr… Malgré les efforts déployés pour chouchouter le salarié ces dernières années, l’entreprise moderne est décrit comme un « incroyable incubateur à névroses » par Nicolas Santolaria.

Finalement, la métaphore de la chouquette qui donne son nom à l’ouvrage est celle du petit déjeuner organisé ponctuellement au sein de l’entreprise, ou des Haribo mis à disposition par le CHO, comme pour « rappeler la fonction nourricière de la hiérarchie » et opérer une manipulation douce par gestion de la glycémie des employés. Les chroniques grinçantes de Nicolas Santolaria font sourire, mais surtout elles sont, par leur finesse, une véritable satire de la vie en entreprise aujourd’hui. Un ouvrage à partager sans modération avec vos collègues préférés comme avec ceux qui vous agacent !

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Photo by WTTJ

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