Réunion : 7 faux pas à éviter pour ne pas vous décrédibiliser devant votre équipe

23 nov. 2022

7min

Réunion : 7 faux pas à éviter pour ne pas vous décrédibiliser devant votre équipe
auteur.e
Marlène Moreira

Journaliste indépendante.

contributeur.e

Pour un manager ou un dirigeant, la réunion est un lieu à haut risque : vous y êtes observé, vos paroles sont décryptées et souvent questionnées par les autres participants après coup. C’est donc un exercice crucial pendant lequel vous mettez en jeu votre crédibilité. Louis Vareille, réuniologue et expert du Lab, vous rappelle les postures à éviter pour ne pas perdre la face… et la confiance de votre équipe.

À quoi tient réellement la crédibilité d’un manager ? « Vincent Lenhardt, initiateur du coaching en France, évoque la notion de “manager ressource” : celui qui donne la direction et les règles du jeu, puis laisse ses équipes avancer tout en gardant sa porte constamment ouverte. Finalement, il donne à chaque collaborateur un espace “d’empowerment” qui va lui permettre de prendre des initiatives et de grandir en tant que professionnel », explique Louis Vareille. Or, la réunion est un moment pendant lequel le temps ralentit, un espace où le manager est scruté par tous. « Tous les faux pas y sont vus, ajoute l’expert. La phrase maladroite, la remarque mal placée ou l’information erronée sont immédiatement observées. Et même face à des collaborateurs peu engagés, avec un faible niveau d’attention, vous pouvez être sûr que le mot de trop est tout de suite entendu. » Zoom sur ces maladresses qui mettent à mal votre crédibilité.

Faux pas n°1 - La fausse promesse sur laquelle il faut revenir

  • Le profil de manager : le politicien
  • Sa phrase préférée : « Je répondrai à toutes les questions avec plaisir […] Euh pas celle-ci en fait. Ah et celle là non plus », en réponse à Jean-Michel, ce collègue qui n’a pas sa langue dans sa poche et ose poser tout haut les questions que tout le monde se pose tout bas.
  • Pourquoi ça dérange ? : quand le manager prend un engagement qu’il n’honore pas, les collaborateurs perdent peu à peu confiance. « Cela crée un climat de défiance. Il peut être sûr que les participants vont en reparler après la réunion, et polariser autour de cette erreur », explique Louis Vareille. Un manager habitué de ces pratiques à toutes les chances de ne plus être pris au sérieux par son équipe.
  • La reco de l’expert : toujours choisir la transparence, sans oublier la clairvoyance. Plus concrètement, ne jamais vous engager sur une promesse que vous ne pouvez pas tenir, mais davantage souligner un engagement concret que vous avez l’assurance de pouvoir mettre en œuvre : « Je vais essayer de répondre à toutes les questions. Si ce n’est pas possible, je tâcherai d’échanger avec la direction rapidement, afin de revenir vers vous avec le maximum de réponses ».

Faux pas n°2 - Le manque de transparence volontaire ou subi

  • Le profil de manager : l’anguille
  • Sa phrase préférée : un « Je ne peux pas vous en parler, c’est extrêmement confidentiel » opposé à son équipe sur un sujet, alors qu’un collègue d’un autre service en parlera ouvertement quelques heures plus tard dans la file d’attente de la cantine.
  • Pourquoi ça dérange ? : deux raisons peuvent conduire à ce manque de transparence “qui ne passe pas”. Dans le premier cas, le manager repousse le moment de parler d’un sujet sensible avec ses équipes, jusqu’à être pris de court. Dans le second cas, il respecte la volonté de la direction de ne pas diffuser une information avant une date donnée… mais l’un de ses pairs ébruite l’information, qui revient alors aux oreilles de sa propre équipe. Dans les deux cas, le manager se trouve dans une position délicate et peut passer pour un lâche auprès de ses collaborateurs.
  • La reco de l’expert : dans le premier cas, le manager doit travailler son courage managérial, et trouver les bons mots pour partager des explications qu’il devra donner quoi qu’il arrive. Dans le second, Louis Vareille recommande de mettre en place des bonnes pratiques au sein de son cercle de pairs : « Quand la direction ou un cercle de managers prend une décision, on doit aussi parler de la manière et de la temporalité de sa diffusion, explique-t-il. Et si l’information circule malgré tout, le manager peut être sincère auprès de ses équipes et expliquer qu’il a simplement tenu les engagements qu’il avait pris. »

« À chaque fois que le manager se met en avant en disant “Je vais vous expliquer” alors qu’il est entouré d’experts, il prend un risque. »

Faux pas n°3 - La confiance excessive en soi

  • Le profil de manager : le maître du monde
  • Sa phrase préférée : « J’ai l’habitude de ce type de sujet. Nous utiliserons donc la méthode X pour mettre en place ce projet d’ici la fin du trimestre », asséné à un collaborateur expert, dont les 12 années d’expérience sur le sujet lui permettent d’être certain qu’il vaudrait mieux utiliser la méthode Y.
  • Pourquoi ça dérange ? : « À chaque fois que le manager se met en avant en disant “Je vais vous expliquer” alors qu’il est entouré d’experts, il prend un risque », alerte Louis Vareille. À la clé : au mieux, il passe pour un idiot, au pire, il perd la confiance de ses équipes.
  • La reco de l’expert : toujours être le dernier à parler. « Dans une situation donnée, le manager doit laisser s’exprimer chaque personne pertinente sur le sujet et présente dans la réunion, conseille Louis Vareille. Ce n’est qu’ensuite qu’il peut éventuellement reformuler pour s’assurer d’avoir bien compris, puis trancher lorsqu’une décision doit être prise. » Le bon manager n’est donc pas celui qui sait tout, mais celui qui écoute, facilite la prise de décision et en endosse complètement la responsabilité ensuite.

Faux pas n°4 - L’absence ou le défaut de préparation

  • Le profil de manager : le roi de l’impro
  • Sa phrase préférée : « Nous nous voyons aujourd’hui pour parler de… euh… où est mon bloc-notes déjà ? Ah oui ! Le reporting de fin d’année ! Non ? Ah pardon, bien sûr, c’est la fameuse réunion sur le projet X, n’est-ce pas ? », face à une équipe médusée de voir son manager si désorganisé dès le lundi matin.
  • Pourquoi ça dérange ? : car le manager fait preuve d’irrespect envers ses équipes et leur travail. « Il laisse supposer qu’en tant que manager, il peut se comporter de façon légère », alerte Louis Vareille. Volontairement ou non, il utilise sa position pour abaisser les membres de son équipe.
  • La reco de l’expert : se préparer, évidemment. « Car à l’inverse, arriver en réunion préparé - notamment quand c’est important, comme pour un entretien annuel - fait gagner des points. Beaucoup de points », illustre notre expert. Et c’est l’un des concepts clés de la réuniologie : moins de réunions, mais des réunions de qualité car bien préparées.

Faux pas n°5 - La monopolisation du temps de parole

  • Le profil de manager : le boulanger du quartier (la délicieuse odeur de pain en moins)
  • Sa phrase préférée : « Comme je le racontais à votre collègue Henri la semaine dernière, il est temps de […] Et c’est d’ailleurs ce qu’il s’est passé lors d’un projet similaire en 2004, quand Mireille a voulu […] Où en était-on déjà ? Ah oui, je tenais aussi à vous partager un point d’attention sur […] Quoi ? La réunion est déjà terminée ? Ah. Nous reprendrons le sujet la semaine prochaine alors », déroulé dans un long monologue face à ses trois stagiaires, les yeux vides, un filet de bave au coin de la bouche.
  • Pourquoi ça dérange ? : une étude citée par le professeur Steven Rogelberg indique que l’un des éléments clés d’évaluation de la qualité d’une réunion pour un participant est le temps de parole dont il a pu bénéficier. « En tant que manager, il est donc tentant de juger une réunion efficace, parce que l’on a passé 80 % du temps à exprimer son propre point de vue et ses recommandations. Or, le leader qui domine le temps de parole à tout faux, et fait vivre une mauvaise expérience à toute son équipe », observe Louis Vareille.
  • La reco de l’expert : oser se mettre en risque, et faire évaluer ses réunions. Être prêt à faire face à ses travers est, là aussi, une preuve de courage managérial. « Toute réunion devrait se terminer par une évaluation, explique Louis Vareille. Parce qu’on a tous besoin de progresser, et pour cela il faut obtenir des feedbacks. Et surtout, il faut garder en tête que l’on a toujours un biais de perception sur ses propres réunions. » Aïe, et si vos réunions n’étaient finalement pas aussi pertinentes que vous l’imaginez ?

« L’obsession d’un manager doit être de maintenir la cohésion de l’équipe. »

Faux pas n°6 - Le favoritisme assumé

  • Le profil de manager : le despote et sa cour
  • Sa phrase préférée : « Merci pour cette recommandation Jean-Claude. Maintenant, voyons voir ce qu’en pense Ingrid, je pense qu’elle aura un point de vue éclairé sur le sujet », en réponse au fameux Jean-Claude, qui a passé des jours à travailler sur son projet et sa recommandation.
  • Pourquoi ça dérange ? : Louis Vareille distingue deux types de favoritisme. Le favoritisme justifié, qui est le résultat d’un collaborateur objectivement plus performant que les autres, et qui crée malgré lui des jalousies et des questionnements. Et le favoritisme injustifié, généralement fondé sur des éléments extra-professionnels (amitié, attirance…) qui est rapidement insupportable pour le reste de l’équipe et peut allumer des incendies difficiles à éteindre.
  • La reco de l’expert : « L’obsession d’un manager doit être de maintenir la cohésion de l’équipe, rappelle Louis Vareille. Si quelqu’un sur-performe, c’est peut-être qu’il est temps de le faire évoluer. Et si, à l’inverse, il y a des personnes qui ne sont pas au niveau, il faut se questionner s’ils se trouvent à l’endroit où leurs talents sont les mieux utilisés. » Et lorsque ce favoritisme n’est pas fondé sur la performance, il est important pour le manager d’assurer la sécurité psychologique de toute son équipe en s’assurant de l’équité du temps de parole en réunion. « On ne peut pas complètement renier une proximité ou une intimité avec un collaborateur. En revanche, il est important que celle-ci n’apparaisse pas. Il faut se contraindre à remettre tout le monde au même niveau, notamment en réunion », ajoute-t-il.

Faux pas n°7 - L’entretien du flou

  • Le profil de manager : le beau parleur
  • Sa phrase préférée : « Vous savez Christophe, il n’y a pas de bonne ou de mauvaise décision. Ce sont avant tout des rencontres qui… comment dire… vous guideront vers le chemin à prendre », soumis à un collaborateur cherchant à savoir s’il doit coder son nouveau projet en HTML ou en Python.
  • Pourquoi ça dérange ? : un manager flou est le plus souvent une personne qui a des difficultés à trancher. « Et il n’en est pas forcément conscient, a pu remarquer Louis Vareille lors de ses coachings. Certaines personnes ne sont simplement pas à l’aise avec “blanc ou noir”. Et donc, ils vont avoir une manière un peu fumeuse de communiquer, de dire les choses sans les dire réellement*. »
  • La reco de l’expert : remettre en question sa position de manager. « Ce travers-ci est difficile à travailler et à corriger. Quand on est dans un inconfort profond face à la nécessité de décider, c’est difficile d’aller contre sa nature… », répond Louis Vareille. Et s’il fallait simplement se défaire de l’idée que la voie royale est celle du manager ? « Moi, c’était un peu mon cas, reconnaît l’expert. Alors avec le temps, j’ai joué un rôle différent, sans management direct. Je suis parvenu à me positionner comme une sorte de catalyseur de succès collectif, en aidant différentes équipes à travailler entre elles, par exemple. En laissant à d’autres la prise de décision. »

Pour un manager, il est parfois difficile d’identifier ses propres faux pas. « Or, il est au centre du système, observé par plusieurs personnes sans avoir la possibilité de retourner ce niveau d’attention à chaque individu », observe Louis Vareille. Alors, en tant qu’expert de la réunion, il recommande de travailler ses capacités d’écoute et d’observation, jusqu’à atteindre ce qu’il appelle « l’hyper-présence ». « Un manager peut et doit apprendre à capter ce qui se dit et ce qui ne se dit pas, ressentir et décoder les micro signaux, activer toutes les sources d’information qui lui permettront d’améliorer ses réunions. » Un travail de longue haleine, mais qui paie, sans aucun doute.

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Article édité par Mélissa Darré, photo : Thomas Decamps pour WTTJ

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