Managers : le plus important n’est pas que votre équipe s’entende bien

20 sept. 2022

4min

Managers : le plus important n’est pas que votre équipe s’entende bien
auteur.e
Laure Girardot

Rédactrice indépendante.

« Cohérence et cohésion sont les maîtres mots de la création de valeur et de la pérennisation de toute organisation », selon les travaux de Jean-Michel Huet et Sylvie Lensen-Gillette. Aujourd’hui, l’accent semble être mis sur la cohésion, promettant bonne ambiance et convivialité. Or la survaloriser pour répondre aux injonctions autour de la qualité de vie au travail (QVT) est un terrain fragile pour une équipe. L’enjeu des managers ? Replacer le curseur vers davantage de cohérence pour assurer une dynamique collective efficace et durable.

Dans un contexte organisationnel, la cohésion d’une équipe est la qualité du lien qui unit, qui soude ses participants. Quant à la cohérence, c’est la capacité à bien travailler ensemble : une complémentarité intelligente des compétences individuelles au service de la performance collective. « La cohérence, c’est savoir travailler ensemble et la cohésion, c’est s’apprécier et avoir envie de le faire », résume Marc Gauthier, directeur Leadership et Management chez Idoko et Executive Coach. Une équipe cohérente peut donc difficilement fonctionner à long terme sans cohésion. Et vice versa. Si ces deux notions semblent indissociables en management, pourquoi les opposer ? Un manager est-il forcément tiraillé entre les deux ? N’est-ce pas un écueil à éviter pour, justement, assurer un management fructueux ?

Cohésion et cohérence : la complémentarité plutôt que l’opposition ?

Dans les dynamiques organisationnelles à forte croissance, la cohérence et la cohésion ne s’opposent pas. Mieux, elles se complètent. Pour pleinement en tirer parti, encore faut-il cerner les mécanismes humains – voire l’alchimie – qui s’opèrent entre les deux. En premier lieu, la cohésion est un pilier pour l’équipe : « Le démarrage de toute collaboration nécessite une attention particulière aux conditions d’inclusion des nouveaux arrivants, et donc des actions qui favorisent la cohésion dans l’équipe. Tous les dispositifs d’intégration d’entreprise prévoient des temps pour faire connaissance, et en cela ils ont raison », explique Marc Gauthier. Mais c’est insuffisant.

Très rapidement, il faut basculer vers une logique de cohérence. « Si vous mettez deux amis d’enfance, qui s’entendent donc très bien, mais sans les compétences pour bien travailler ensemble, et s’ils échouent, leur amitié ne peut pas tenir ». La cohésion ne résiste pas à l’absence de cohérence. Pourquoi ? En privilégiant la cohésion, l’échec ou le manque de performance entraîne des mécanismes psychologiques connus, tels que la recherche d’un coupable ou la création d’un bouc émissaire. « À l’inverse, si l’on met l’accent sur la cohérence, celle-ci va générer rapidement de la cohésion. Deux personnes qui ne se connaissent pas, mais qui sont compétentes et savent travailler ensemble, vont développer des relations humaines plus fortes, fondées sur les expériences positives qu’elles créent par leur performance. Cette réussite va générer une reconnaissance mutuelle durable ». En termes de processus managérial, il est donc capital de construire, puis de gérer une équipe avec le prisme de la cohérence. La cohésion suivra naturellement : « Elle se nourrit de la performance générée par la cohérence entre les aptitudes individuelles », souligne Marc Gauthier.

Manager par la cohérence et assurer la cohésion : où placer le curseur ?

« Le rôle principal du manager est de savoir orchestrer les aptitudes, de les faire fonctionner ensemble pour qu’un projet se réalise, pour que le travail collectif atteigne les objectifs », rappelle Marc Gauthier. La cohésion d’équipe est une condition qui peut favoriser la performance mais elle reste difficile à maîtriser par le / la manager. En d’autres termes, ce n’est pas un objectif smart, à savoir mesurable ou atteignable : « Il est impossible de lui fixer un objectif sur l’atteinte de cohésion entre les membres de son équipe. Comment mesurer le fait que les personnes s’entendent bien ? Et en quoi peut-il en être responsable ? ». En revanche, il / elle doit créer les conditions permettant la mise en place d’un bon relationnel au sein de l’équipe. Sur quel axe le / la manager est-il / elle attendu·e et peut-il / elle être évalué·e ? « Il a vraiment la main sur la cohérence, à savoir l’identification des compétences complémentaires qui vont favoriser l’atteinte des objectifs. Ses actions sont mesurables », poursuit Marc Gauthier.

Manager : 4 idées pour devenir garant de la cohérence et vecteur de la cohésion

Recruter avec le prisme de la cohérence… et non celui du « fit »

Le processus de recrutement est un moment stratégique pour assurer la cohérence d’une équipe. « Pour bien recruter, le manager doit avant tout se poser la question des compétences et des complémentarités avec l’équipe », explique Marc Gauthier. En ce sens, opter pour une approche collaborative est un moyen pertinent de bien appréhender les besoins. Chez The Whole Food, par exemple, ce sont les collaborateur·rices qui décident de l’intégration des nouvelles recrues dans l’équipe après la période d’onboarding. « Il faut obtenir 2/3 des votes pour devenir un membre à part entière de l’entreprise. Responsabiliser de cette manière les collaborateurs dans le recrutement permet de les impliquer dans les décisions importantes de l’entreprise », écrit Faustine Duriez, créatrice de Cocoworker, sur une publication LinkedIn dédiée aux innovations managériales.

Miser sur une période d’intégration qui permet la cohésion

« Tout onboarding commence par le fait de faire connaissance. En fonction de la culture d’entreprise, cela peut prendre une forme plus ou moins formelle : suggérer au nouvel arrivant de proposer un déjeuner à chaque membre de l’équipe, ou organiser un temps collectif convivial, ou encore des rendez-vous plus formels… Les possibilités sont nombreuses », souligne Marc Gauthier. L’organisation doit donc favoriser les échanges et un bon relationnel.

Développer la cohérence et la cohésion lors des temps collectifs

« Chaque temps collectif animé par le manager est l’occasion de mettre en valeur les compétences des membres de l’équipe et de favoriser le lien entre les personnes », insiste Marc Gauthier. En complément, il ne faut pas hésiter à instaurer des temps qui donnent du sens commun et valorisent les compétences individuelles : des ateliers participatifs sur la raison d’être, la définition de la vision ou encore la stratégie d’entreprise.

Valoriser régulièrement les compétences

Les organisations qui promeuvent la cohérence doivent les mettre en lumière de manière récurrente. « Le manager a un rôle clé à jouer : individuellement ou collectivement, il doit régulièrement mettre en exergue les réussites et les compétences qui y ont contribué », souligne Marc Gauthier.

Quelques exemples de bonnes pratiques :

  • donner des feedbacks réguliers et précis en soulignant bien l’impact des comportements sur la performance ;
  • créer des rendez-vous où les personnes peuvent partager leurs compétences (soft ou mad skills) : lors de team learning, réunion d’équipe, lunch découverte… ;
  • encourager la rétrospective projet (utilisée en méthodologie agile) : elle s’inscrit dans le principe d’amélioration continue et génère des discussions sur le fonctionnement de l’équipe.

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Article édité par Ariane Picoche, photo : Thomas Decamps pour WTTJ

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