Entretien : que répondre à la question "qu'attendez-vous de votre manager" ?

07 juin 2022

5min

Entretien : que répondre à la question "qu'attendez-vous de votre manager" ?
auteur.e
Charlotte Bordatto

Rédactrice freelance

Yeux écarquillés. Montée de chaleur. Une minute de silence. Et… page blanche. Parmi le maquis de questions à préparer pour votre entretien d’embauche, ce n’est de prime abord pas celle qui vous viendrait forcément à l’esprit en premier. Moins traditionnelle et surtout plus personnelle, elle s’avère pourtant tout aussi importante, voire déterminante pour votre intégration dans l’entreprise, l’équipe et dans votre relation avec votre potentiel futur manager. « Qu’attendez-vous de votre futur manager ? » Comment bien répondre lorsque l’on ne sait même pas à qui on aura affaire ? Faut-il se lancer dans la présentation d’un profil idéal ? Ou plutôt alimenter sa réponse avec ses expériences professionnelles passées ? Alexia Careno, Responsable RH & Culture Manager chez Mon Petit Placement, et Younes El Garti, directeur chez Avizio, une solution RH pour start-ups et entreprises, nous expliquent l’envers du décor de cette simple question qui nécessite un petit tour d’adresse et d’équilibre pour jongler entre ses propres attentes et celles du recruteur.

Question piège ou histoire de fit ?

Pour Alexia, c’est clair « Ce n’est absolument pas une question piège. » Au contraire, pour elle, la question « qu’attendez-vous de votre futur manager ? » a un double intérêt pour le recruteur qui la pose : d’un côté, cela permet de bien entrevoir la manière dont le candidat envisage les rapports hiérarchiques et de l’autre, de s’assurer d’une vision commune entre ce que le candidat attend et ce que l’entreprise propose.

On peut donc aisément observer que la question « Qu’attendez-vous de votre manager ? » joue dans la même catégorie que « Citez vos qualités et vos défauts » ou « D’après-vous, comment vos collègues vous définirez ? » ou encore « Si vous aviez un super pouvoir, lequel se serait-il ? » En résumé, la catégorie des soft skills et de la personnalité. Pour le recruteur, l’objectif est simple, il cherche à bien cerner qui vous êtes, à appréhender votre comportement avec vos supérieurs, à comprendre votre fonctionnement dans une équipe et à identifier la potentielle adéquation avec l’esprit de l’entreprise et le manager déjà en place. « Au fond, ce ne sont pas vraiment les attentes managériales qui nous intéressent ici, même si elles sont évidemment essentielles, mais plutôt une quête du “fit” devenue incontournable aujourd’hui. On veut savoir si la personne en face de nous partage les mêmes codes et les mêmes valeurs que l’entreprise. », explique Alexia.

Et n’allez pas vous imaginer que s’assurer d’un match parfait ne profite qu’à l’employeur. Si vous évoquez par exemple une recherche de transversalité, de liberté et d’autonomie là où l’entreprise est davantage conservatrice, traditionnelle, au management paternaliste et descendant, c’est certainement que cette aventure n’est pas faite pour vous et vice-versa.

Oui, parce qu’il ne faut pas oublier que l’objet de votre entretien est de trouver le job qui vous plaît et correspond à vos attentes. Il ne s’agit pas ici de faire passer au second plan ce qui est pour vous vecteur de motivation et d’adhésion dans votre travail, au profit d’un poste certes alléchant, mais dont l’aspect l’humain atteindra rapidement ses limites. C’est d’ailleurs là toute la difficulté de cette question pour laquelle il faut prendre du temps à la réflexion sans lésiner sur une bonne préparation.

Bien préparer sa réponse : entre introspective et liste de vos envies

À l’énoncé de la question, on pourrait très vite être tenté de répondre par une liste à la Prévert de qualités managériales plus idéalistes et classiques les unes que les autres. Alors oui, sur le papier, et comme le relève l’étude de PageGroup, nous attendons tous un manager inspirant, respectueux, à l’écoute, leader et engagé. Dans les faits, nous sommes tous en quête de bienveillance, c’est important et tout le monde en a besoin.

Pour Younes, il faut éviter d’être trop vague ou généraliste et préférer être le plus précis possible en illustrant chaque attente d’un exemple pertinent. Cela nécessite donc de se poser et de prendre le temps nécessaire à l’introspection. « Il faut vraiment être le plus honnête possible et surtout sortir des évidences en allant chercher des éléments concrets de ce qu’on a aimé chez nos précédents managers mais aussi les axes de progression qu’on a pu évoquer avec eux. » explique Younes. Cette prise de recul sur vous et vos expériences passées montrera au recruteur votre capacité d’analyse, de prise de hauteur et de maturité.

Des soft skills qui font mouche

Afin de ne pas tomber dans l’écueil des banalités, Alexia recommande de se poser la question différemment. Plutôt que de vous demander quelles sont vos futures attentes managériales, questionnez-vous plutôt sur ce qu’est pour vous un bon manager et à quelles occasions dans votre parcours vous avez eu l’occasion de dire “ Ça, c’est vraiment un bon manager”.

D’un angle plus pratico-pratique, repartez sur les traces de vos expériences passées, mais aussi celle où vous êtes actuellement et reprenez point par point ce qui vous a plu, fait grandir, aidé, accompagné professionnellement. De la même sorte, énumérez les conflits, les tensions, les frustrations, ce qui vous à moins plu et dont vous ne voulez plus. « Attention toutefois à ne pas rejeter la faute sur un manager et ne pas s’appesantir sur des moments conflictuels. Cela pourrait être mal perçu. Pour aborder des instants plus compliqués avec votre ancien manager, n’oubliez pas d’y apporter un bilan, une progression et d’expliquer comment le problème s’est résolu» , complète Younes.

Que doit-on répondre concrètement ?

1. Ne pas s’oublier

Être préparé, c’est une chose, mais apporter la réponse attendue au recruteur, en est une autre. Sauf que dans les faits, vous n’êtes pas là pour travestir vos attentes. D’ailleurs, comme nous l’explique Alexia, « L’entretien, c’est la base et ça pose les fondements d’une relation solide. Ce sont les prémices de ce que vous allez construire. Il ne faut donc jamais renier ses envies sinon, c’est que vous êtes au mauvais endroit. »

Le recruteur vous laisse une porte ouverte pour vous exprimer alors n’ayez pas d’appréhension à être franc du collier et dévoilez avec conviction le manager auprès duquel vous aimeriez évoluer. « C’est ainsi que vous allez vous démarquer des autres candidats et marquer des points, mais aussi pour alimenter votre discussion à la fin de l’entretien. Vos questions seront d’autant plus pertinentes », complète Younes.

Aussi, gardez bien à l’esprit que si vous opérez un gap professionnel, les attentes peuvent être différentes. Là où en tant que chargée de communication vous souhaitiez un cadre et un ordonnancement de vos tâches, en devenant responsable, vous attendrez peut-être de votre N+1 le partage d’une vision par exemple.

2. Se renseigner sur la politique RH

Pour ne pas vous retrouver dans une mauvaise posture, pensez à bien vous renseigner sur les valeurs de l’entreprise avant l’entretien et, quand c’est possible et sur ses méthodes managériales. Il serait délicat de justifier et dresser le portrait du manager souhaité en vain. « Je me suis déjà retrouvée à présenter pendant 5 bonnes minutes tout ce que j’estimais être important pour moi chez un manager comme donner un cadre, apporter de l’aide à la priorisation des missions, etc. Alors qu’au final, je candidatais dans une entreprise connue pour sa politique sans manager. La tuile… », raconte une candidate.

D’après Alexia, lorsque l’on s’est bien rencardé sur l’employeur, il est peu probable d’avoir des mauvaises surprises, on sait globalement où on met les pieds.

3. Toujours poser des questions

Pas besoin d’attendre la fin de l’entretien pour poser des questions au recruteur ! Au contraire, il ne s’agit pas d’un interrogatoire mais d’un échange où chacun doit apprendre de l’autre. Si vous ressortez de votre entrevue l’esprit empli d’interrogations, c’est que vous avez loupé une étape.

Alors rebondissez à la question « Maintenant que je vous ai dit ça, quelle est la culture chez vous ? Quels sont vos rituels managériaux, vos outils, quel genre de manager la boite poussent à être ? » Vous pouvez aussi questionner le recruteur sur le fonctionnement au quotidien, l’organigramme et les rapports hiérarchiques ou encore qu’elle est une semaine typique chez un manager ? Bref, usez de curiosité, c’est particulièrement apprécié par les recruteurs.

Retenez que quoi qu’il arrive, ce n’est pas une question dont la réponse est rédhibitoire, au contraire. Et comme dirait Younes, « Aujourd’hui, on ne quitte plus une boite, mais un manager. Se faire recaler sur la réponse à “Qu’attendez-vous d’un manager ?” est plutôt une bonne nouvelle. Car si vous vous forcez à rejoindre une aventure en trafiquant vos attentes, vous vous retrouverez avec un manager qui ne vous conviendra pas. »

Photo par Thomas Decamps
Article édité par Manuel Avenel

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