6 conseils d'un ex-membre du GIGN pour reprendre goût à l'engagement au travail

27 mai 2021

6min

6 conseils d'un ex-membre du GIGN pour reprendre goût à l'engagement au travail
auteur.e
Manuel Avenel

Journaliste chez Welcome to the Jungle

Après avoir été membre du groupe d’intervention de la Gendarmerie nationale (GIGN) pendant treize ans, Franck Pierrot est frappé par la mauvaise presse du terme « engagement », souvent synonyme d’ambition et de « dents qui rayent le parquet » en entreprise. Il s’interroge sur ce décalage : pourquoi est-il si valorisé de s’engager corps et âme dans la sphère militaire et impopulaire dans la société civile ? De cette réflexion paraît son premier ouvrage, Le pouvoir de l’engagement, La méthode qui va faire de vous le leader de votre vie (2020, Éd Alisio). Aujourd’hui conférencier, l’ancien militaire souhaite aider les salariés à trouver leur chemin professionnel. Pour lui, l’engagement c’est avant tout « un état d’esprit, une manière spécifique de voir le monde qui s’apprend et se cultive, se rapprochant de l’épanouissement humain et de la réalisation professionnelle. Un moteur d’action. » Il a accepté de nous livrer clefs en mains, 6 conseils pour s’épanouir dans sa vie pro.

1. Faire preuve de rigueur sans rigidité

Le premier précepte de Franck Pierrot consiste à suivre un ensemble de règles que l’on souhaite nous-même appliquer ou que nous acceptons de suivre dans un cadre professionnel : la rigueur. Si la discipline militaire est un impératif, dans le GIGN, « faire preuve de négligence, manquer de professionnalisme, pouvait me rendre un jour responsable d’un accident », explique-t-il, celle-ci pourrait également nous faciliter la vie en entreprise. « Quand on est salarié, on a toujours plein de choses auxquelles on doit penser, c’est une charge mentale qui nous prend de la bande passante. Cela finit par nous priver du plaisir d’être conscient que ce qu’on est en train de faire nous plaît. » En étant rigoureux, on évite d’avoir un train de retard et on se décharge mentalement. « Le but n’est pas d’arrêter d’être spontané, mais de se simplifier la vie », poursuit l’auteur. Pour ce faire, il préconise de mettre en place des routines quotidiennes, d’utiliser des check list qui finiront par devenir des automatismes, sans devenir monomaniaque pour autant.

2. Mettre ses objectifs à distance

Ce deuxième point touche à l’ambition, aux mobilités professionnelles et au développement de nouvelles compétences. Lors des exercices de tir sur cible, Franck Pierrot découvre une chose très simple : selon le « principe d’accommodation » on ne peut pas regarder deux objets distants de manière nette. « Au tir, il faut regarder les organes de visée de l’arme “le cran de mire et le guidon” et accepter que la cible reste floue. Pour nos objectifs c’est la même chose. » On a tous des ambitions professionnelles, des objectifs qui peuvent sembler lointains ou inatteignables. Ce qui nous manque la plupart du temps, c’est le bon chemin pour y arriver. « Un objectif n’est pas seulement une chose que l’on désire et qu’on atteint par la toute puissance de notre volonté. Il faut donc faire de ses objectifs une conséquence et porter son attention sur chacune des étapes à franchir pour passer de la conception d’un projet à sa réalisation. » Par ailleurs, avancer étape par étape, sans afficher ses ambitions au grand jour permet également d’éviter les oiseaux de mauvais augure. Lors de l’entretien préalable à son intégration dans la gendarmerie, Franck Pierrot se souvient avoir exprimé au recruteur son souhait de rejoindre un jour les rangs du GIGN, une institution réservée à une élite triée sur le volet. Son interlocuteur n’avait pas manqué de rire. Pour éviter les déconvenues, l’ex-membre du GIGN conseille donc de « ne pas regarder le haut de l’édifice, pour ne pas trébucher ».

3. Faire de la peur son alliée

Nul ne peut échapper à ses peurs. Il a beau être du GIGN, être intervenu lors de prises d’otages et lors de situations périlleuses, cela n’empêche pas l’auteur à ses débuts, d’être tétanisé à l’idée de prononcer un discours en public. « L’enseignement que je souhaite donner à chacun est le suivant : à partir du moment où on a identifié une peur, sachez qu’elle reviendra toute votre vie. En entreprise, cela peut être une peur de demander une négociation de salaire à son patron, de penser qu’on “ne peut pas dire non à son manager”, de ne pas être à la hauteur. Elles nous pourrissent la vie et on finit par les traîner pendant des années. »

Selon lui, il y a deux types de peur : celles très profondes qui nécessitent une thérapie et celles plus superficielles sur lesquelles nous avons prise. La peur se manifeste généralement par un déclenchement physiologique : « Avant de demander une augmentation à son patron ou de rendre un dossier important, on peut avoir des problèmes de sommeil, le cerveau mouline. La peur n’est pas là pour nous déstabiliser et nous empêcher d’agir. Bien au contraire, elle nous précise qu’un danger est imminent, qu’une situation est importante et nécessite de rester alerte pour nous préparer. »

Pour y faire face, pas question de se précipiter dans le bureau de son patron pour lui demander immédiatement cette augmentation (méritée), cela reviendrait à ignorer la préparation requise. Mais, il ne faut pas non plus renoncer. L’ancien militaire recommande dans ce cas « de préparer un bon argumentaire et d’aller voir son patron pour lui dire “Voilà, je voudrais une augmentation et je vais vous expliquer pourquoi”. Ensuite, il faut intégrer la possibilité d’un échec. C’est d’ailleurs un outil de négociation appris au GIGN. En réalité le “non” est le début de la discussion : si le patron répond par la négative, vous allez vraiment pouvoir commencer à discuter. »

4. Ne pas laisser le doute s’installer

Si la peur « ne peut pas s’évacuer par la programmation neurolinguistique en se disant qu’on va la faire partir, c’est le contraire avec le doute. Celui-ci survient généralement pendant l’action : « Suis-je capable de rendre ce dossier de veille concurrentielle de 40 pages dans les délais ? » Il nous remet en question, « dévalorise nos compétences, et diminue notre confiance. Mais, il interroge aussi la pertinence de notre engagement, souligne l’ex-militaire. « Pour toutes ces raisons, il est fondamental de douter et plus encore, car cela nous aide à nous poser les bonnes questions. Par exemple, certains se fichent de travailler dans une entreprise bienveillante, pour d’autres, c’est impossible. » Vérifier que nos actions sont bien conformes à nos souhaits est la première étape vers l’évacuation du doute. Soit on sort renforcé de ce questionnement, soit on décide de revoir notre rôle, en essayant d’améliorer la situation et dans le pire des cas, en quittant l’entreprise.

Une fois la question du “pourquoi” résolue, vient celle-ci: “Suis-je en mesure de finaliser mes actions ?” Ici, le doute devient un vecteur de dépassement de soi. Les difficultés peuvent ainsi être perçues comme un “point de départ” et non un “point d’arrêt” de notre action.

5. Seul on va vite, ensemble on va loin

« Quand on entre au GIGN, on nous demande de surperformer physiquement et psychologiquement, on attend de nous un vrai engagement individuel, une implication totale, une capacité à nous dépasser individuellement. La deuxième attente, c’est de nous inscrire dans un collectif. » Selon Franck Pierrot, de la même manière qu’on ne peut pas réaliser une intervention seul, il n’est pas possible de faire tourner une entreprise en solo, et ce, même si l’on en est le meilleur salarié. « Jouer collectif est bien plus puissant. En étant confronté aux autres, en échangeant, partageant, en aidant les autres à grandir, cela nous permet de nous inscrire dans quelque chose de plus grand que nous. C’est pour cela que l’on travaille en entreprise, sinon on resterait tous dans notre coin. »

Les fondements d’un collectif qui fonctionne résultent généralement d’un triptyque gagnant :

  • La confiance en soi : « Beaucoup de personnes en entreprises souffrent d’un déficit de confiance ou de légitimité (cf. syndrome de l’imposteur). Ce que je recommande aux jeunes et aux collaborateurs qui en manquent, c’est de développer des compétences », souligne Franck Pierrot. Par exemple, vous souhaitez développer votre anglais à un niveau professionnel et vient le moment où votre manager vous fixe un rendez-vous dans cette langue ? Tenez-vous prêt ! « Se rendre compte pendant l’échange qu’on n’a pas assez développé de compétences risque de nous mettre une claque, de nous rendre compte qu’on était en sur-ego et on peut encore plus prendre confiance en soi si ça fonctionne bien ! »

  • La confiance en l’autre ensuite, se rapproche de la notion de fiabilité : pour faire confiance à l’autre, on doit savoir qu’il est fiable.

  • Enfin, il faut avoir confiance en l’entreprise. Cela renvoie à la quête de sens. Avoir confiance dans son entreprise, c’est souvent ce qui nous fait rester. « Mais ce qu’on appelle la “marque employeur”, doit être suivie d’actions concrètes. Au GIGN, la marque employeur est forte, on est très fier d’y travailler et on fait confiance aux décisions qui y sont prises. »

6. Qui ose gagne

Dernier précepte, penser en dehors des modèles existants, de manière à anticiper et appréhender les événements à venir. Rester dans l’héritage qu’on a reçu « notre éducation, ce qu’on garde de nos passages dans précédentes entreprises participent à notre construction, mais se dire que ça ne bougera pas, c’est oublier de faire preuve d’intelligence situationnelle. À terme, je pense qu’on s’enferme et on s’éloigne de la réalité qui est elle changeante. »

Finalement, oser c’est aussi accepter l’idée que l’on puisse remettre en question un certain nombre de choses auxquelles on est accrochés. Cela garantit une prise de hauteur nécessaire sur ce qui nous entoure. Ce que Franck Pierrot appelle aussi “changer son regard”. « Pour le faire, il faut être capable d’arriver chez soi ou à son travail comme un étranger. Aujourd’hui, les entreprises aspirent davantage à un management collaboratif qu’autoritaire, ou directif, explique-t-il. Ça ne veut pas dire que chacun fait ce qu’il veut et que le manager ne prend aucune décision, ça veut juste dire que si un collaborateur considère qu’il peut apporter quelque chose d’extrêmement important pour l’intérêt collectif, il va le faire et cela va améliorer un processus… »

Nous l’avons vu, « l’engagement, c’est la conséquence d’une manière précise de nous fixer des objectifs alignés avec qui nous sommes, d’exprimer notre courage pour affronter nos blocages et déployer notre énergie pour réussir ». On peut tout ou presque réaliser à partir du moment où nous nous impliquons pleinement dans ce que nous entreprenons.

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Photo by WTTJ
Édité par Romane Ganneval

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