Plans sociaux : 4 clés pour gérer (au mieux) ces moments critiques

04 avr. 2023

4min

Plans sociaux : 4 clés pour gérer (au mieux) ces moments critiques
auteur.e
Laure Girardot

Rédactrice indépendante.

Depuis 2022, les plans sociaux déferlent, notamment sur l’univers tech. Ces épisodes, humainement très délicats, sont cruciaux dans la vie – et la survie – d’une entreprise. Quelles sont les clés pour gérer, au mieux, les réorganisations ?

68 000 salariés de la tech ont perdu leur emploi depuis le 1er janvier 2023. Les grands acteurs du secteur réduisent la voilure de leurs effectifs, et c’est un euphémisme. Les plus connus, Amazon, Microsoft et Google, ont déjà annoncé, respectivement, le licenciement de 8 000, 10 000 et 12 000 employés. La vague se propage sur l’ensemble du secteur : Meta, Salesforce, IBM, Payfit… et touche aussi les startups et licornes : Payfit, Paddle et WeFox en tête. Dans de tels moments critiques, à l’heure de la viralité, tout faux-pas peut coûter très cher, à la fois humainement et financièrement. Comment éviter les mauvaises communications ? Quels sont les écueils à éviter et les leviers pour assurer un plan social responsable ? Hélène Daher, fondatrice du cabinet d’avocat Daher Avocats, experte en réorganisation d’envergure depuis plus de 15 ans, nous confie les clés pour éviter les impairs et agir en tant qu’employeur, avec loyauté.

Plans sociaux : prendre le temps de la préparation

« L’une des pires configurations est d’accompagner une entreprise sur un projet de restructuration mal emmanché, ou de rattraper des erreurs. En termes de relation avec les représentants du personnel et les salariés, c’est catastrophique car ils ont l’impression de ne pas être pris au sérieux », explique Hélène Daher. Son conseil ? Une préparation en bonne et due forme : « Les plans sociaux (aujourd’hui désignés « Plan de Sauvegarde de l’Emploi », ndlr) obéissent à des procédures très encadrées. Il n’y pas de place pour l’improvisation ou l’à-peu-près. Ce qui exige un temps de préparation d’environ un à deux mois ». Une période pendant laquelle il faut identifier les règles juridiques applicables et adresser un certain nombre de questions structurantes : pourquoi mener ce projet de réorganisation ? Quel est le motif de licenciement ? Combien de postes faut-il supprimer et lesquels, dans quels départements ? Un autre point de vigilance souligné par Hélène Daher : « Le vocabulaire est très important pour définir le motif. D’un point de vue juridique, il doit être économique : difficultés économiques, sauvegarde de la compétitivité… et non une recherche de rentabilité. »

Une fois ce cadrage établi, le temps de rédaction des documents légaux n’est pas négligeable : « Il y a d’abord ce que l’on appelle le “Livre II” à rédiger, comprenant la note d’information sur le motif et les raisons économiques du projet, les catégories professionnelles concernées ainsi que les critères d’ordre. Puis, le “Livre I” qui concerne le Plan de Sauvegarde de l’Emploi. On y trouve les mesures sociales d’accompagnement ciblées et adaptées aux populations concernées, et le budget, entre autres », explique Hélène Daher. L’entreprise est maintenant prête à saisir le CSE et l’administration du travail « avec un projet qui est cohérent, avec des moyens suffisants ».

Être loyal envers tous les acteurs de l’entreprise

Une ligne conductrice empreinte de loyauté doit être triplement incarnée tout au long du plan social.

  • Dans la définition même du projet : « Un plan social ne doit pas être l’opportunité de licencier des personnes que l’entreprise n’estime pas au niveau. Il faut rester cantonné au motif économique : même si les qualités professionnelles sont bien sûr prises en compte dans les critères d’ordre, il ne s’agit, en aucun cas, d’un outil de licenciement pour motif personnel, car par définition, le motif économique est non inhérent à la personne du salarié », alerte Hélène Daher.

  • Au cœur des relations avec les représentants du personnel : « Il faut faire preuve de transparence et de respect. Ce sont des partenaires : l’employeur et les IRP (instance unique des représentants du personnel, ndlr) doivent donc co-construire ce projet ensemble ».

  • Dans les mesures d’accompagnement proposées : « Il faut budgéter son projet afin de trouver les meilleures solutions pour les salariés impactés, soit en évitant les licenciements ou en limitant leurs impacts. Cela peut être du reclassement, de “l’outplacement”, une indemnité de licenciement plus généreuse ou encore le différentiel de salaire. À savoir, si le nouveau job du salarié rémunère un peu moins, l’entreprise pourra compenser financièrement la différence pendant un temps donné », poursuit Hélène Daher.

Savoir communiquer, entre transparence et bon timing

Le risque d’une communication non maîtrisée ? Une perte de confiance, souvent irrévocable. Trois temps forts sont pointés par Hélène Daher.

  • Avant le lancement du plan social : c’est un moment charnière car il faut s’assurer de la confidentialité des acteurs. « Il faut éviter les fuites : pour cela, je recommande la rédaction d’accords de confidentialité renforcés avec les personnes qui vont travailler sur le projet (RH, communication, DG…) ».

  • La saisine des représentants du personnel : à ce stade, le CSE a la primeur de l’information. Mais dans la foulée, l’employeur et les IRP s’accordent pour que la Direction procède à une annonce officielle à diffuser auprès de l’ensemble des salariés.

  • Lors de l’annonce : « À ce moment précis, il est important de faire passer le message que ce n’est qu’un projet dont les contours seront amenés à évoluer en tenant compte des différentes consultations prévues avec le CSE », souligne Hélène Daher.

En parallèle de l’annonce, un panel de mesures d’aide et d’accompagnement est vivement recommandé. D’abord auprès des managers qui ont un rôle cardinal auprès des équipes : « Il faut les former pour qu’ils transmettent le bon niveau d’informations et une grande précision. Le format ? Un questions-réponses évolutif est un bon outil ». En complément, l’entreprise peut ouvrir un « espace info conseil » à destination de l’ensemble des salariés. Le but étant qu’ils et elles disposent d’un maximum de données. « Ne pas oublier de faire appel à un cabinet spécialisé en Risques Psychosociaux (RPS) : je pense notamment à la mise à disposition d’un numéro vert auprès de toutes les personnes concernées et de celles qui restent », insiste Hélène Daher.

Préparer « l’après » : une phase propice à la résilience collective

Toute la procédure est encadrée dans un délai dépendant de la taille du plan social : « Cela peut prendre 2, 3 ou 4 mois de consultations avec le CSE », explique Hélène Daher. Or, cette période ne doit pas éluder la préparation d’un nouveau chapitre pour l’entreprise afin de recréer une dynamique collective. « Cette phase est encore trop peu appréhendée. Or, il faut penser à ceux et celles qui restent : reconstruire un collectif abimé par l’épreuve, aider les salariés à retrouver leurs marques et un cap », conclut Hélène Daher. L’écoute et le soutien psychologique demeurent indispensables, sans oublier le rôle du dirigeant pour impulser un nouvel élan.

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Article édité par Ariane Picoche, photo : Thomas Decamps pour WTTJ

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