La crise permet aussi de se révéler et d'acquérir des compétences. Témoignages

25 nov. 2020

6min

La crise permet aussi de se révéler et d'acquérir des compétences. Témoignages
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Que l’on soit en télétravail, au chômage partiel, ou que l’on continue à se rendre sur notre lieu de travail, les règles du jeu de nos vies professionnelles sont profondément chamboulées depuis le début de la crise et ses confinements. Face à ces nouvelles donnes, nos méthodes de travail changent, nous poussant, parfois inconsciemment, à développer des nouvelles compétences, ou à révéler des qualités jusque-là peu exploitées.

Welcome to the Jungle vous propose de revenir sur les compétences et soft skills que vous n’aviez pas forcément eu l’occasion de développer jusqu’ici, et que cette crise, ainsi que les conditions de travail qu’elle implique, met paradoxalement en lumière. Qu’en disent les concernés ? Témoignages.

1. Travailler à distance, l’occasion de booster ses compétences en communication

Lorsqu’il n’est plus possible de “passer une tête” au bureau du collègue pour poser une question, de demander un avis au détour d’une pause café, ou de héler son boss qui traverse l’open space, les compétences liées à la communication se révèlent fondamentales. « Pour moi, travailler à distance est assez difficile, car dans mon boulot j’ai l’habitude d’être en interaction permanente avec les gens. Je bouge beaucoup dans la boîte, je ne reste pas assis derrière mon bureau. Cette expérience m’oblige à développer des qualités de coordination et de communication moins sollicitées habituellement » raconte Martin, coordinateur marketing dans un groupe médias, qui télétravaille désormais à temps plein.

Développer son esprit de synthèse

En télétravail, les échanges par téléphone, visio et mails sont les uniques moyens de communiquer avec les collègues, ce qui peut parfoir ralentir un peu l’avancée des projets. C’est ce que déplore Clémence, commissaire priseur en télétravail au chômage partiel : « La communication à distance est beaucoup moins fluide ! Lorsque l’on échange de vive-voix, beaucoup d’informations complémentaires se transmettent, sans même que l’on s’en rende compte. »

Pour Martin, apprendre à être clair et concis, notamment par écrit, se révèle donc être une compétence clé dans ce contexte, pour compenser la distance et ne pas perdre trop de temps : « Je suis obligé de développer mon esprit de synthèse, d’organiser ma pensée, pour bien me faire comprendre et obtenir les renseignements rapidement sans démultiplier les échanges. »

« Je suis obligé de développer mon esprit de synthèse, d’organiser ma pensée, pour bien me faire comprendre et obtenir les renseignements rapidement sans démultiplier les échanges. » - Martin

Défendre son travail

Pour Louis, directeur artistique dans une agence de pub, le challenge du télétravail réside surtout dans sa capacité à présenter ses projets à travers un écran, pendant les visio-conférences avec de nombreux interlocuteurs : « En ce moment j’apprends surtout à organiser mon discours pour parler de mon travail sans être en face-à-face. De grosses campagnes publicitaires sont sur le point de sortir et je dois présenter mes propositions face à mon écran. C’est très différent de développer un argumentaire à distance sans les échanges de regards, la gestuelle, la possibilité de faire un petit croquis etc. C’est assez déstabilisant au départ, cela m’oblige à préparer davantage mon discours et à hiérarchiser ma pensée pour faire passer mes idées à l’oral et convaincre. Avec le télétravail qui s’inscrit dans la durée, c’est primordial de maîtriser ces présentations à distance. »

Devenir diplomate

Distance oblige, les échanges écrits se multiplient et nécessitent un certain sens de la diplomatie pour éviter les incompréhensions. Un défi pour certains, comme Louis, plutôt habitué aux débriefs à l’oral : « Je suis d’un tempérament plutôt sanguin et je peux parfois m’emporter, réagir à chaud. À l’écrit les choses peuvent vite être mal interprétées, il faut faire attention, mettre les formes. Désormais, je suis obligé de prendre du recul, de réfléchir et d’argumenter intelligemment pour faire avancer les choses. Je suis moins dans l’immédiateté et me concernant, c’est très bénéfique. »

2. Le développement de l’autonomie, un incontournable en home office

Prise d’initiative et confiance en soi

Se retrouver face à soi-même en télétravail peut se révéler une véritable épreuve lorsque l’on manque de confiance en soi. En effet, pas toujours simple d’avancer dans son boulot quand on a tendance à ressentir le besoin d’être rassuré dans chacune de nos décisions. De ce point de vue, la situation actuelle est finalement assez libératrice pour Martin, coordinateur marketing : « Je prends beaucoup plus d’initiatives, j’attends moins que l’on me demande les choses, tout simplement parce que je n’ai pas le choix. Dès que j’ai du temps, je me lance en me disant que je ferai valider ensuite. Maintenant, je fais valider le résultat, pas l’initiative elle-même. »

« Je prends beaucoup plus d’initiatives, j’attends moins que l’on me demande les choses, tout simplement parce que je n’ai pas le choix » - Martin

L’auto-discipline

Pour Clémence, l’expérience est plus difficile que ce qu’elle avait imaginé : « je fantasmais beaucoup le télétravail et finalement, ce n’est pas si simple de trouver la motivation en restant chez soi. Je dois m’imposer une discipline, et ce n’est pas évident à mettre en place. Certains jours je déborde d’énergie, je suis alors hyper efficace et contente de moi. Parfois néanmoins, j’ai du mal à m’y mettre et c’est très frustrant. Je suis très dynamique, et c’est habituellement l’émulation du groupe et le fait d’être dans l’action en permanence qui me portent. C’est un vrai défi. »

Martin, lui, a appliqué ses méthodes d’étudiant pour rester motivé : « Ça me rappelle les semaines de révision pendant les études où tu es seul chez toi et il faut te motiver. Ça te formate un peu pour la suite. Donc ça n’a pas été trop compliqué de m’adapter à la situation. »

La gestion du temps

Lorsque la frontière entre la vie privée et la vie professionnelle s’amenuise, la capacité à organiser son emploi du temps devient une priorité pour faire preuve d’efficacité. D’autant plus lorsque l’on est au chômage partiel, comme Clémence, et que l’on ne travaille qu’une partie de la journée : « Je ne travaille que le matin, donc d’un seul coup ma vie professionnelle prend beaucoup moins de temps qu’avant. Mais elle ne disparaît pas pour autant, c’est très étrange. C’est très court quatres heures de travail : le temps de s’y mettre, de répondre aux mails… On a l’impression d’effleurer les sujets et la sensation d’avancer très lentement. »

À temps plein en télétravail, le rythme des journées se trouve lui aussi bouleversé, nécessitant une certaine adaptation pour jongler entre les projets, comme le souligne Martin : « Il y a des inégalités en terme de charge de travail en fonction des jours. Parfois, c’est difficile de rester devant son ordinateur, tu attends des retours pour pouvoir avancer sur tes sujets ; ce n’est pas évident. Il faut profiter de ces moments pour mettre en oeuvre en parallèle les projets de fond que l’on n’ a pas le temps de lancer d’habitude en temps normal. La capacité à s’organiser est très importante pour tenir la distance. »

3. Le relationnel à l’épreuve de la crise

La situation actuelle qui nous tient à bonne distance les uns des autres, génère, paradoxalement, une proximité nouvelle, qui permet, dans certaines situations, de mettre en lumière nos aptitudes relationnelles.

L’empathie

Lucie, conseillère en gestion de patrimoine, continue à se rendre tous les jours au travail, mais la baisse d’activité qui accompagne la crise a eu un impact positif sur son quotidien : « Je n’ai pas la sensation de développer de nouvelles compétences mais plutôt de mettre en avant certaines d’entre elles. L’empathie est extrêmement importante dans mon métier et la relation de confiance avec mes clients est démultipliée en ce moment avec la période difficile que nous traversons tous. En temps normal on doit répondre de façon plus rapide, plus technique à nos clients. Là, on a plus le temps, on sent les clients très contents de nous avoir au téléphone, on parle beaucoup de la vie personnelle de chacun, on se permet d’aller plus au fond des choses. On travaille de façon beaucoup plus qualitative et j’espère que nous continuerons dans cette voie lors du retour à la normale. »

« L’empathie est extrêmement importante dans mon métier et la relation de confiance avec mes clients est démultipliée en ce moment avec la période difficile que nous traversons tous » - Lucie

L’esprit d’équipe

Conséquence de la situation de crise, les liens se resserrent également au sein même des équipes comme l’explique Martin : « J’ai l’impression que ce contexte exceptionnel nous soude, que l’esprit d’équipe est plus présent que d’habitude. On essaie de garder un contact visuel avec nos collègues tous les jours, même sur un temps de pause. C’est important de sentir la présence des autres. On a une relation plus intime, on prend des nouvelles des autres plus régulièrement. Je passe du temps au téléphone avec des gens côtoyais presque pas au bureau avant. C’est une sorte de team building à distance ! »

La situation exceptionnelle que nous traversons, bien que contraignante, peut donc par certains aspects, être perçue comme une belle opportunité de mettre en lumière des soft skills peu exploités avant. Il faudra sans doute du temps pour en prendre pleinement conscience et les mettre à profit comme le prédit Martin : « je crois que l’on ne prend pas encore la mesure des qualités que l’on développe en ce moment, à commencer par la capacité d’adaptation extraordinaire dont nous devons faire preuve. Nous sortirons sans doute plus forts de cette épreuve, riches de nouvelles compétences. » Affaire à suivre, donc.

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Photo d’illustration by WTTJ

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