Ces entreprises japonaises qui travaillent 4 jours pour lutter contre le burnout

16 juil. 2020

3min

Ces entreprises japonaises qui travaillent 4 jours pour lutter contre le burnout
auteur.e
Laetitia VitaudExpert du Lab

Autrice, consultante et conférencière sur le futur du travail, spécialiste de la productivité, de l’âge et du travail des femmes

Au Japon, on travaille dur. Si dur que, parfois, on en meurt. Depuis les années 1980, les Japonais.es parlent de karōshi (littéralement « mort par excès de travail ») pour désigner la mort subite des cadres ou employé.e.s de bureau qui font un arrêt cardiaque ou se suicident à cause d’une surcharge de travail et d’un stress excessif. Au moins 1 000 personnes par an seraient victimes de karōshi. Souvent, celles-ci ont travaillé plus de 80 heures dans la semaine précédant leur décès. Près d’un quart des employé.e.s japonais.es travaillent 49 heures ou plus par semaine en moyenne, contre 16,4% aux Etats-Unis, et 10,4% en France.

Face au fléau du burnout et une culture dominante qui valorise un investissement excessif dans son travail, le gouvernement japonais et de nombreuses entreprises tentent depuis des années d’encourager les travailleurs / travailleuses japonais.es à trouver un meilleur équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie privée. D’après une étude du ministère du travail japonais, en 2018, 6,9% des entreprises comptant plus de 30 salarié.e.s ont introduit la semaine de 4 jours sous une forme ou une autre. L’idée que l’on travaille mieux quand on est plus reposé fait son chemin au Japon. C’est également pour cela que certaines entreprises encouragent leurs employé.e.s à faire la sieste au bureau.

En 2018, c’est une entreprise néo-zélandaise, Perpetual Guardian, qui a attiré l’attention du monde entier sur la semaine de 4 jours. En annonçant en début d’année sa décision de faire travailler ses quelques 250 salarié.e.s 32 heures hebdomadaires au lieu de 40 pour le même salaire, l’entreprise a fait couler beaucoup d’encre et fait des adeptes, notamment au Japon. Le premier ministre japonais, Shinzo Abe, fait lui aussi tout son possible pour changer une culture du travail toxique et encourager les Japonais.es vieillissant.e.s à prendre davantage soin d’eux-mêmes et de leurs proches. La semaine de 4 jours est donc une piste à explorer.

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Parmi les entreprises japonaises ayant franchi le pas, on compte Fast Retailing Co., le groupe de grande distribution qui possède les chaînes Uniqlo (ainsi que Theory, J Brand, Comptoir des Cotonniers, ou encore Princess Tam-Tam). Depuis octobre 2015, les employé.e.s japonais.es du groupe peuvent prendre trois jours complets de repos chaque semaine. Ils / elles travaillent le même nombre d’heures qu’avant, mais ces heures sont concentrées sur quatre jours (soit 10 heures par jour). L’entreprise de traitement des eaux usées Metawater lui a emboîté le pas en lançant à partir de l’été 2018 un programme d’essai ciblant 1 000 employé.e.s.

D’autres entreprises ont réduit la durée hebdomadaire totale de travail (en conservant le même nombre d’heures de travail par jour) et baissé les salaires en proportion. Yahoo Japon, par exemple, a introduit ce système à partir d’avril 2017, en ciblant tout particulièrement les employé.e.s ayant des enfants en bas âge ou des parents âgés à leur charge. Le jour non travaillé reste alors à la charge des employé.e.s. De même, l’entreprise technologique NEC Corp encourage ses employé.e.s à prendre une journée pour s’occuper d’un enfant ou, le plus souvent, d’un parent âgé.

Pour les entreprises japonaises, offrir plus de souplesse aux salarié.e.s, c’est aussi un moyen d’attirer et de mieux retenir les talents. Cela est particulièrement critique dans un pays dont la population active est en forte baisse. De 127 millions en 2015, on projette que le nombre d’actifs / actives passera à 88 millions d’ici 2065. En 2065, la catégorie des plus de 65 ans représentera largement plus d’un tiers de la population (contre 26,6% aujourd’hui).

Pour Hiroaki Nagai, le président d’une entreprise d’intérim qui privilégie les postes de 4 jours de travail hebdomadaire, « avec le changement démographique, il est de plus en plus important pour les entreprises de conserver la vitalité et l’énergie de leurs employé.e.s. C’est comme cela qu’elles pourront prévenir les démissions, les accidents graves et certains comportements délétères. »

Dans le contexte japonais, cependant, la semaine de 4 jours n’est pas sans danger. Dans un pays où il est « normal » de s’investir totalement dans son travail, celles / ceux qui font le choix de ne travailler que 4 jours par semaine courent le risque de voir promotions et récompenses leur passer sous le nez. Il est donc essentiel que les syndicats de travailleurs et les entreprises qui mettent en place la semaine de 4 jours œuvrent à empêcher que les employé.e.s concerné.e.s ne soient stigmatisé.e.s et victimes de mauvais traitements de la part de leurs manager et collègues.

Les entreprises offrant le même salaire pour quatre jours de travail étant encore plutôt rares au Japon, la semaine de 4 jours risque de ne concerner que les femmes. Or celles-ci ont un taux d’activité qui reste relativement bas au Japon par rapport aux autres pays de l’OCDE, bien qu’il soit en hausse ces dernières années. Face au changement démographique, le Japon aura tout particulièrement besoin des femmes actives pour soutenir son économie. Il faudra alors mettre en place la semaine de quatre jours pour tout le monde !

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