Boost | Comment réussir son entretien annuel ?

Publié dans Boost

27 janv. 2020

auteur.e
Sherina Berreby

Journaliste

Ah, la fin de l’année… Les repas gargantuesques en famille, le grand froid et les après-midis au coin du feu avec votre chocolat chaud, emmitouflé dans votre plaid en poils de chameau. Qu’est-ce qui pourrait bien rompre la féérie de cette période hivernale ? Pas grand chose, si ce n’est : ce fameux et tant redouté entretien annuel, moment fatidique où vous faites le point sur votre travail. Tremblant, vous imaginez déjà la tête de votre boss Jean Claude, sourcils froncés derrière son bureau, ou Claudette, la RH, et son odieux rictus vous annonçant que vous êtes “clairement en dessous des attentes”. C’est sûr, cette année encore vous ne serez pas augmenté. De toute façon, vous êtes obsolète dans la boîte, Alea jacta est.

Pour éviter de laisser cet événement ruiner votre moral, Pauline Farina et Jordan Defas, experts en Ressources Humaines, ont accepté de livrer leurs bottes secrètes pour en tirer le meilleur et envisager ce bilan avec sérénité. Soufflez un grand coup, tout n’est pas perdu.

Pauline Farina est HR Business Partner chez Deezer, la plateforme française dédiée à l’écoute de musique en streaming. Elle y travaille depuis plus de 4 ans et a expérimenté plusieurs postes en recrutement et Ressources Humaines.

Jordan Defas est DRH chez Le Slip Français, une entreprise de vêtements made in France. ll a rejoint l’aventure il y a 6 mois. Auparavant, il était HR Manager dans une grande entreprise : Bel France.

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Définition et objectifs de l’entretien annuel

L’entretien annuel, plus si annuel que ça ?

Au cours de l’année, la rencontre annuelle tend à ne plus être l’unique. Le bilan trimestriel en est le bon exemple, l’occasion pour vous de faire le point plus fréquemment. L’avantage c’est qu’il s’adapte davantage à la réalité de vos objectifs, revêt un aspect moins formel et donc plus humain. Néanmoins, ces rencontres, plus rapprochées, ne se substituent pas au fameux bilan annuel, visant à établir une conclusion générale des douze derniers mois.

Un entretien pluri-objectifs

Les objectifs de l’entretien annuel sont nombreux :

  • Faire le bilan de l’année écoulée : bilan des performances, des réalisations et projection sur l’année suivante.
  • Continuer à se projeter au sein de l’entreprise, formuler des demandes d’évolution (formations ou accompagnement d’un manager.) Il ne s’agit pas seulement de défendre son bilan pour réclamer une augmentation.

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Bilan et performance : présentation de vos réalisations

L’art de démontrer sa performance

Pour prouver que l’on a performé, le mot d’ordre est “préparation”. De par son importance, l’entretien annuel est souvent vu comme un combat de boxe, à tort pour Jordan :
« On prépare tous ses arguments et on se dit qu’il va falloir démontrer à son manager qu’on a raison de demander une augmentation à la fin. Il faut sortir de la relation frontale manager-managé : il y a plein de choses à construire dans cette relation et dans cet échange. »

Savoir faire le bilan, c’est être capable de démontrer et souligner ses forces par des réalisations et des éléments très concrets. « Des chiffres si vous êtes sales ou si vous travaillez sur la fonction achats — des aspects qualitatifs si vous avez réalisé des événements ou produit des livrables sur lesquels vous avez pu avoir des feedbacks utilisateurs. C’est très important de nourrir ce que vous avez réalisé de retours clients, mais aussi de pairs ou de collaborateurs. » détaille le DRH. L’idée est de révéler l’impact que vous avez pu avoir et ce que vous avez porté durant la période écoulée.

Pallier les objectifs absents ou vagues

  • « Au secours, je n’ai pas d’objectifs ! »
    Reprendre les objectifs fixés sur la période est idéal. Toutefois, lorsqu’on ne dispose pas d’objectifs, à vous d’aller voir votre manager, d’en discuter et de trouver des solutions avant l’entretien annuel. Un rappel que Pauline souligne : « Plus vous allez monter en séniorité, plus votre proactivité et votre aide dans la définition d’une stratégie seront attendues de la part du manager. »

  • « C’est trop vague, je ne sais pas où aller… »
    Quand on dispose d’un objectif mais qu’il est flou, Pauline recommande d’utiliser la méthode des objectifs SMART pour mieux cadrer et définir son plan d’action. « ll s’agit de fixer des objectifs simples, mesurables, atteignables et délimités dans le temps. » Concrètement, réaliser seulement tel projet n’est pas suffisant. Il faut que l’on sache ce qu’est un livrable de qualité, dans combien de temps on l’attend, mais aussi comment on va le définir, et si l’on dispose d’assez de moyens pour le réaliser.

Prouver sa surperformance : comment faire ?

La superformance c’est toujours délicat car subjectif. « Les lunettes que vont avoir mon manager et celles que je peux avoir sur mes réalisations peuvent être un peu différentes », précise Jordan. Néanmoins, il existe des critères objectifs : si vous avez fait 120% d’une performance commerciale ou que vous avez dépassé les attentes placées lors d’un événement, cela permet de dire «Je ne me suis pas juste mis au niveau attendu, je suis allé bien plus loin. » Rien de tel pour espérer obtenir l’augmentation tant désirée.

Dans les méthodes d’évaluation modernes, il est conseillé d’impliquer d’autres personnes dans le processus d’évaluation. Cela peut venir de ses pairs, de membres de son équipe ou de gens avec lesquels on travaille en externe. Que les managers aient conscience ou non de ce que l’on réalise au quotidien, il est toujours bon de recueillir un feedback 360°.

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L’autoévaluation : oser admettre ses faiblesses

Après avoir démontré ses performances, savoir relever ses défauts est important. « Si l’on pense souvent à se mettre en avant, il est d’autant plus apprécié quand un vrai travail d’introspection est effectué. » En identifiant les points d’amélioration, vous pourrez travailler dessus et les dépasser. Il suffit de regarder ses réalisations et de se demander ce qui s’est factuellement passé. « Demandez-vous ce qui a fait que vous n’y êtes pas arrivé sur tel projet, explique Pauline, sans ce travail d’identification, il sera plus compliqué de s’améliorer par la suite. »

La re-négociation salariale : petit manuel pratique

Un moment opportun pour parler salaire ?

Si l’entretien annuel est un moment très attendu par le collaborateur pour renégocier son salaire, prudence ! Beaucoup d’entreprises préfèrent décorréler les conversations salariales du bilan de performance. En effet, la question du développement du salarié risque de passer à la trappe au profit d’une discussion sur la rétribution — le collaborateur aura tendance à se survendre, se montrant ainsi moins transparent sur ses points de difficultés.

Toutefois, si l’on est bien renseigné sur les pratiques de l’entreprise et qu’il est commun d’aborder le sujet de la rémunération lors de l’entretien annuel, on peut mettre le sujet sur la table. « Le tout est de travailler la forme et de justifier pourquoi on a ces attentes salariales », explique Pauline. À vous d’expliquer pourquoi vous méritez cette augmentation.

Rémunération : que peut-on demander ?

Pour déterminer vos prétentions, les études de positionnement salarial en fonction de votre secteur et par rapport à votre fonction sont de bons indicateurs. Lebenchmark donne une fourchette pour savoir si je suis plutôt à un niveau junior, intermédiaire ou senior. Ainsi, on peut savoir s’il est légitime de négocier ou non.

De grands cabinets d’expertise en recrutement comme Korn Ferry ou Hays fournissent chaque année des études solides et bien documentées. Cela donne une moyenne basse et haute pour savoir si vous êtes complètement dépositionné ou au contraire dans la moyenne.

En fonction du secteur, les pourcentages d’augmentation varient. Globalement, on est mieux rémunéré dans les secteurs de l’audit, de la finance, de la banque et dans les secteurs d’expertise où il existe une rareté du métier. En start-up, puisqu’on démarre à un salaire souvent un peu plus faible, les pourcentages d’augmentation sont plus forts que dans les grands groupes.

Bien réagir à un refus d’augmentation

Si l’on obtient pas ce que l’on veut, l’idée est d’en comprendre les raisons. Pauline souligne l’importance de cette démarche : « L’idéal est de récolter un feedback de son manager dans l’optique de se développer. » La compréhension va permettre d’agir sur ces leviers et de viser cette augmentation en se projetant vers la suite.

D’après Jordan, se voir refuser une augmentation nous ramène à notre propre relation à l’argent et à la gestion de notre frustration. Selon le DRH, il est bon de prendre du recul et de dépasser le coup de l’émotion. La relation à l’argent est souvent liée à une comparaison faite par rapport aux autres, plus que par rapport à ce dont on a besoin. « Il n’est pas question de savoir qui a gagné la négociation, mais plutôt de rendre la question la plus objective possible. »

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Développement personnel et de formation : saisir les opportunités

Formuler ses désirs d’évolution

« La partie développement personnel est celle où l’on va se projeter pour avancer dans sa carrière. On sort du cadre du quotidien où on est sur ses objectifs pour vraiment travailler son projet », argue Pauline.

Demandez-vous où vous souhaitez aller pour la suite de votre carrière. Vous pourriez envisager une formation, demander des missions supplémentaires ou faire des présentations. *« Si vous n’en parlez pas, ne faites pas ce travail d’introspection, votre manager ne pourra pas deviner ; cela doit avant tout venir de vous. […] Ce n’est pas intrusif que de dire à son manager qu’on s’est renseigné sur les possibilités de formations, au contraire, cela montre que l’on attend pas que cela nous tombe tout cuit dans la bouche »*, affirme Pauline.

Définir une formation adaptée : un atout carrière

Envisager une formation permet de capitaliser sur ses forces ou d’augmenter ses compétences. C’est d’abord un projet à construire avec votre entreprise et non pas juste se dire « Je vais faire ma petite formation dans mon coin et c’est un dû ». « Il s’agit de mobiliser des compétences critiques pour les missions et pour un plan de carrière, mais pas n’importe lequel ! Il faut d’abord qu’il y ait une cohérence dans l’entreprise », explique Jordan.

*« La formation, c’est votre alliée dans la négociation salariale. Peut-être que vous n’allez pas obtenir les +10% que vous vouliez, mais si vous obtenez +5% et qu’à coté vous obtenez la formation qui vous va bien pour développer votre expertise, alors vous avez tout gagné ! »* souligne Jordan. Les carrières sont longues, investir sur soi-même est très important. Cela permet de vous réinventer, de continuer à avancer — une carrière se construit, à vous d’en être le pilote.

Faire un feedback bienveillant à son manager

Si vous êtes l’objet de toutes les discussions pendant l’entretien annuel, ce bilan est aussi l’occasion d’effectuer quelques judicieux retours auprès de votre N+1.

  • Rester dans le factuel
    Pas facile de faire un feedback à son manager. Pour se prêter à cet exercice ardu, Pauline a une méthodologie aussi simple qu’efficace : « Keep doing, start doing, stop doing » ou en français « Continue de faire telle chose, commence à faire telle chose et arrête telle chose ». *« Il faut s’éloigner du sentiment, pour essayer de se replacer dans l’opérationnel. Cela peut être impressionnant de faire l’exercice “à l’envers”, mais cette méthodologie va permettre de se rattacher à des choses concrètes et de véhiculer votre message avec des exemples. »*.

  • Formuler ses attentes
    Tout le monde a des attentes vis-à-vis de son manager, n’hésitez pas à lui en faire part. Avez-vous le sentiment que votre manager vous fait grandir ? Vous accompagne-t-il suffisamment au quotidien ? Cadre-t-il bien votre travail, ou a contrario, vous laisse-t-il assez de liberté ? En lui donnant des clés pour mieux vous manager, la collaboration n’en sera que améliorée. Pour autant, n’attendez pas l’entretien trimestriel ou annuel pour échanger. Ces instances sont des bilans, pas des surprises !

  • Eviter d’être dans l’offensive
    « N’arrivez pas avec un sac de feedbacks débordant de frustrations annuelles en oubliant ce qui s’est bien passé », met en garde Jordan. Si vous procédez ainsi, vous rentrerez dans ce fameux combat de boxe tant redouté. Les feedbacks doivent avoir lieu toute l’année et dans les deux sens. Il est avant tout question d’une relation humaine.

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Finalement, l’objectif est de désacraliser cet entretien d’évaluation. À coup sûr, si vous lui faites regrouper trop d’enjeux, vous allez le louper lamentablement. Vous connaissez le dicton : “courir après plusieurs lièvres en même temps est la promesse de rentrer les mains vides”. Faites des feedbacks tout au long de l’année, demandez-en en retour. En faisant le point régulièrement sur ce qui pourrait être amélioré, vous pourrez corriger le tir et éviter la mauvaise surprise de la fin d’année. Bien préparé, vous pourriez même attendre la rencontre avec impatience. Allez, retournez à vos raclettes, vacances de ski et autres plaisirs hivernaux, vous n’avez plus rien à craindre.

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Photo d’illustration by WTTJ

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