Êtes-vous fait pour travailler dans une start-up ?

03 oct. 2023

11min

Êtes-vous fait pour travailler dans une start-up ?
auteur.e
Sylvain Guillet

Journaliste web

contributeur.e

Si le terme de « licorne » évoque dans votre esprit autre chose qu’un animal imaginaire et que vous avez participé au championnat mondial de baby-foot, il se peut que vous soyez tenté de postuler dans une start-up. Travailler au sein d’une jeune pousse attire de nombreux candidats fascinés par ce monde qui affiche ouvertement sa « disruption » avec l’entreprise traditionnelle. Pour le meilleur, et parfois pour le pire. Derrière les paillettes et la coolitude affichée, l’univers de la start-up ne convient pas à tous les profils. Laetitia Sauvage, fondatrice du cabinet de recrutement About ü, a non seulement eu l’occasion de recruter plus de 150 talents, mais elle a aussi travaillé comme DRH dans une start-up. Elle nous partage son expérience.

De quoi est composé l’ADN d’une start-up ?

De nos jours, on utilise le terme de start-up à toutes les sauces pour désigner n’importe quelle jeune entreprise qui se lance dans la Tech et qui autorise ses employés à venir travailler en jean et en baskets. Mais la réalité est plus compliquée que ça.

Pour Bpifrance, une start-up désigne une « entreprise nouvelle et innovante à fort potentiel de croissance et de spéculation sur sa valeur future ». Mmhhh, d’accord, mais encore ? Paul Graham, programmeur, investisseur en capital risque et essayiste britannique, nous donne une autre définition à l’humour bien British : « Une start-up est une entreprise faite pour avoir une croissance de 5 à 7% par semaine. »

Force est de constater que les éléments qui constituent l’ADN d’une start-up ne se résument pas en une seule phrase, aussi punchy soit-elle. Voici les cinq caractéristiques qui permettent de différencier une jeune pousse d’une entreprise classique :

  • Innovation : une start-up propose un produit ou un service nouveau et disruptif, souvent à l’aide d’une technologie nouvelle ;
  • Fort potentiel de croissance : grâce à son caractère innovant, une start-up pénètre un marché de niche, ce qui offre des perspectives de croissance importantes ;
  • Scalabilité : la start-up propose un modèle reproductible à des échelles plus grandes. Un business dit « scalable » permet d’améliorer ses marges à mesure qu’on augmente son volume de clientèle ;
  • À la recherche d’un Business Model : le défi d’une start-up, c’est de faire survivre l’entreprise en trouvant un Business Model viable. Pas toujours facile lorsqu’on est innovant ! Par exemple, Netflix tente toujours de trouver un modèle économique pérenne malgré son succès mondial ;
  • Besoins importants en financement : une start-up a des idées ambitieuses, mais manque cruellement de capital. La course à la levée de fonds n’est pas une simple chasse au trésor pour une jeune pousse, car sa survie dépend de ces financements.

Si votre rêve est de travailler pour une jeune pousse toute votre vie, sachez ceci : une start-up est vouée à évoluer ou à disparaître. C’est une phase temporaire qu’elle cherche à dépasser. C’est même le grand manitou des start-ups - Steve Blank - qui le dit : «Le but d’une start-up n’est pas d’être une start-up. Une start-up est une organisation temporaire conçue pour la recherche d’un business model adapté et reproductible. »

La culture start-up, entre mythes et réalité

Bravo, vous avez atteint le niveau expert dans la catégorie « C’est quoi une start-up ? » Vous pouvez désormais rembarrer votre pote-qui-n’est-pas-vraiment-votre-pote lorsqu’il affirme que Doctolib est encore une start-up, alors que l’entreprise est valorisée à 5,8 milliards d’euros, qu’elle compte 2500 employés et possède près de quarante bureaux en France. Vous n’êtes plus aussi naïf.

Au-delà du modèle économique qui caractérise une start-up, on ne peut pas passer à côté de ce qui a fait la célébrité de ce type de structure : sa culture organisationnelle. Nous avons tous l’image de ces start-ups de la Silicon Valley gravée dans notre esprit. Celle où les salariés inventent le monde de demain au sein de leurs Open Space clinquants, avachis dans un pouf rose fluo, sirotant un matcha latte entre deux parties de ping-pong. Certes, cet environnement de travail tape-à-l’œil a alimenté tous les clichés qu’on se fait sur les start-ups. Mais cet arrangement de façade, qui aujourd’hui relève davantage du mythe, ne doit pas éclipser l’idée originelle qui se cache derrière le décor.

La mentalité d’une jeune pousse tourne autour du management positif. Cette approche repose sur la valorisation du potentiel de chaque individu, la motivation par l’encouragement et la création d’un environnement de travail favorable. Le management positif met l’accent sur la communication ouverte, le développement des compétences, la reconnaissance des réalisations et la promotion d’une culture de collaboration. L’objectif est de favoriser l’engagement des employés, d’améliorer leur bien-être et de stimuler la performance globale de l’organisation en mettant en avant le potentiel de chaque membre de l’équipe.

Pour le journaliste économique Michel Turin, auteur livre Start-up mania : la French Tech à l’épreuve des faits (Ed. Calmann Levy, 2020), « les startuppeurs constituent une communauté homogène ayant adopté des comportements rompant délibérément avec ceux auxquels le monde de l’entreprise nous avait habitués ».

Mais attention à ne pas mettre toutes les start-ups dans le même panier, comme en témoigne l’expérience de Laetitia Sauvage à ce sujet : « Pour être honnête, par rapport aux start-ups que j’accompagne, je ne suis pas sûr qu’on puisse tirer des généralités. Par exemple, concernant le télétravail, je connais des fondateurs qui laissent beaucoup de flexibilité à leurs collaborateurs et qui en font un atout pour communiquer sur leur marque employeur. Tandis que d’autres considèrent que pour lancer une start-up il faut créer une émulation d’équipe au quotidien, déjeuner ensemble, réseauter ensemble… et le remote doit rester exceptionnel. » Malgré des points communs, il y a donc une diversité de culture entre chaque start-up, tout comme la culture française n’aura pas le même visage en Bretagne ou en Alsace.

La start-up, une pièce à double face

Pour certains, l’image de la start-up est indissociable de ses bureaux aux airs de cours de récréation, où on se pointe à l’heure qu’on veut pour venir blaguer avec les copains/collègues. Mais la réalité est à nuancer : « Il y a souvent une mauvaise perception de la coolitude. J’ai été DRH en start-up et oui, l’état d’esprit est effectivement détendu : oui on connaît tout le monde, oui on se marre et on peut venir habillé comme on veut. En revanche, travailler en start-up est souvent plus exigeant que dans une entreprise classique. Tous les centres de coûts sont minimisés, donc chacun doit apporter sa contribution, et ça se voit », affirme Laetitia Sauvage.

Bref, en start-up, vous pouvez faire tomber la chemise-cravate mais attendez-vous à suer le t-shirt. L’ambiance souvent décontractée s’accompagne d’un rythme de travail parfois soutenu, car les ressources financières d’une jeune pousse sont maximisées et ne laissent pas de place à l’oisiveté des collaborateurs : « C’est décontracté et on peut travailler dans une bonne ambiance car on a aussi besoin de décompresser tous ensemble. À force de travailler sur des projets, on se serre les coudes et on apprécie de plus en plus de se voir. Et d’un point de vue plus pragmatique, il faut qu’on crée des liens, car de cette manière on est plus efficace dans le travail. C’est donc à la fois plus agréable et plus rentable ! », ajoute Laetitia.

Start-up vs entreprise : où postuler ?

C’est un choix presque aussi important que de trancher entre le Seigneur des Anneaux ou Star Wars, la viande ou le poisson.. Si vous optez entre un poste en start-up ou dans une entreprise corporate plus classique, le goût sera forcément différent.

L’entreprise classique, entre stabilité et structure

Travailler dans une entreprise classique n’est pas dénué d’atouts. Outre la stabilité financière, elle offre souvent un meilleur salaire de départ, auquel il faut ajouter de nombreux avantages : RTT, Tickets Restaurant, Comité d’Entreprise… « Vous aurez une fiche de poste, des objectifs clairs. Une entreprise classique a déjà ses process, une organisation qui a fait ses preuves. Et puis elle propose des parcours de carrière, d’évolution, des programmes et des budgets de formation, ainsi qu’un vrai accompagnement managérial » , explique Laetitia Sauvage.

La start-up, une aventure humaine et professionnelle

Dans une start-up, on participe à la création et au démarrage d’un projet, d’un outil ou d’une équipe. On est fier de faire partie d’une aventure collective. Comme le précise Laetitia, on a également « plus de responsabilités et un périmètre qui n’est pas limité, ce qui, en fonction des attentes de chacun, peut représenter une contrainte ou bien un terrain de jeu divertissant ». Lorsqu’on intègre une start-up, on peut en outre s’attendre à des perspectives d’évolution importantes, bien que ces dernières restent difficiles à anticiper (personne ne peut prévoir la vitesse de croissance de l’entreprise).

De plus, pour les personnes curieuses et audacieuses, la start-up représente un terrain propice à l’apprentissage et au développement de soi. Vous disposez d’une certaine liberté pour tester de nouveaux outils, mettre en pratique vos soft skills et vous former à de nouvelles compétences.

Travailler dans une start-up : à quoi ça ressemble ? Avantages et inconvénients

Dans la vie, rien n’est blanc ou noir, et travailler dans une start-up possède forcément ses avantages et ses inconvénients. Reste à peser le pour et le contre avant de décider où envoyer son CV.

Beaucoup de responsabilités au d’autonomie

Laura Belcour, Growth Strategy Analyst chez Olybet, a volontairement choisi de commencer sa carrière dans une start-up : « Vu que l’entreprise est encore jeune et que les process ne sont pas encore créés, tu as directement plus de responsabilités et tu te sens plus engagé car ton travail a beaucoup plus de visibilité. Dans une grosse entreprise, les tâches sont souvent plus divisées alors on ne voit pas forcément la finalité de ce que l’on fait. Il est plus difficile de voir en quoi la pièce que tu as apportée au puzzle contribue au succès de la boîte. Dans une start-up, tu contribues généralement à un projet de A à Z, tu ne commences pas à l’étape B », explique-t-elle. Lorsqu’elle fait ses débuts en tant que stagiaire chez iii-Financements, une start-up qui venait alors de lancer un département spécialisé dans l’international, elle n’attend qu’une semaine avant qu’on ne lui confie des projets clients : « J’ai appris énormément en l’espace de six mois », se réjouit-elle.

Bien entendu, ce niveau de responsabilités acquis très tôt au sein d’une start-up demande un certain niveau d’autonomie et d’esprit d’initiative. Laura rappelle que dans une start-up, « on développe de nouveaux produits et de nouveaux process, donc il y a plein de choses qui n’existent pas et que personne n’a jamais faites. C’est donc à toi de chercher, d’avoir du bon sens et de trouver un moyen d’atteindre ton objectif, même si ce n’est pas toujours la manière la plus efficace ».

Un terrain parfois propice aux pratiques toxiques

Sur le papier, travailler pour une start-up semble donc idyllique : une bonne ambiance, de l’autonomie, une croissance à deux chiffres, un environnement tourné vers la créativité et l’innovation… tout cela fait rêver. Mais le problème avec les rêves, c’est qu’ils tournent parfois au cauchemar. Malgré une excellente expérience chez iii-Financements, Laura Belcour ne peut pas en dire autant de sa seconde expérience dans une autre start-up à Barcelone : « Il y avait énormément de micromanagement. Le problème des start-ups, c’est que certains salariés qui sont là depuis le début ont du mal à déléguer leurs tâches lorsque la boîte grandit et qu’il y a besoin de se spécialiser. Certains ont du mal à s’adapter au changement d’échelle. Vu que les responsabilités évoluent rapidement dans une start-up, les rôles ne sont pas très bien définis et on se perd à savoir qui fait quoi », souligne-t-elle.

Autre problème récurrent en start-up : la fine barrière entre la vie professionnelle et personnelle. Demander aux collaborateurs un grand investissement et favoriser les ambiances informelles n’a pas que des vertus et il arrive malheureusement que la hiérarchie en demande (beaucoup) trop aux salariés et peine à leur garantir un vrai droit à la déconnexion. « J’ai vécu 1 an de harcèlement moral : sms et appels le week-end, travail durant mes congés, horaires indécents, micromanagement, pression constante sur la messagerie de la boîte… », peut-on lire sur Balance Ta Startup, un compte Instagram « dédié à la libération de la parole dans l’écosystème start-up ». Ce serait donc ça, l’envers du décor ? Certaines structures - pas toutes heureusement ! - profiteraient de cet « esprit famille » qu’on retrouve dans les start-ups pour piétiner le code du travail. On entendrait presque le prototype du manager toxique nous souffler à l’oreille : « Tu comprends, ce projet est une aventure collective… on ne forme qu’un, on est tous unis. Si tu commences à compter tes heures et que tu n’es pas capable de faire des sacrifices, ce monde n’est pas fait pour toi ». Merci, mais non merci !

Toutefois, Laura Belcour tempère : « C’est comme partout : tout dépend du manager sur lequel vous tombez ». Surtout, les choses sont en train de bouger. C’est ce que confirme Laetitia Sauvage : « Pour les nouvelles start-ups qui se lancent et pour celles qui étaient déjà dans une bonne démarche de management, les mentalités sont clairement sensibilisées. Il y a énormément d’efforts qui sont faits. » Ne tournez donc pas le dos à une start-up par peur de vous retrouver dans un environnement toxique. Même si les situations du type Balance ta start-up se sont retrouvées sous les feux des projecteurs médiatiques, ce n’est pas le cas dans toutes les entreprises. Comme dans chaque démarche de recherche d’emploi, c’est aussi à vous de sonder l’entreprise lors des entretiens d’embauche pour vous faire une idée des conditions de travail.

Êtes-vous fait pour le travail en start-up ? 7 soft skills à posséder

Le travail en start-up, ce n’est pas adapté à tout le monde. À part porter des t-shirts rigolos, qu’est-ce qui caractérise le parfait startuppeur ? En tant que recruteuse et ex-responsable RH dans une start-up, Laetitia Sauvage est bien placée pour nous donner une idée des compétences comportementales attendues dans ce type d’entreprise :

Agilité

Réussir à travailler avec des process qui ne sont pas encore 100 % huilés est très important quand on postule en start-up. Ce type d’environnement n’est pas compatible avec des profils qui supportent mal de devoir s’adapter en permanence aux changements : « Je vais donc chercher des candidats qui ont déjà vécu des phases d’entreprises instables. Cela peut être des levées de fonds, des rachats… Le but, c’est de trouver des personnes qui ne vont pas se décourager et qui vont rester sereines », nous dit Laetitia.

Esprit d’initiative et autonomie

« Je cherche des candidats qui ont l’habitude de se relever les manches pour aller chercher eux-mêmes des solutions », explique Laetitia. C’est le fameux « solution finder » qu’on voit dans les annonces. Cet esprit d’initiative est d’autant plus important que le salarié en start-up bénéficie souvent d’une grande autonomie et doit donc être capable d’organiser son travail tout seul.

Polyvalence

Mr. Startupper n’a pas peur d’être sur tous les fronts, passant d’un projet à un autre tel un Samouraï… quitte à apprendre sur le tas, souvent en faisant des heures supplémentaires. Social Media Manager un jour, Traffic Manager le lendemain : il faut savoir rebondir avec dextérité ! « Pour une start-up, je cherche des candidats qui ont envie d’intervenir sur des périmètres d’action transversales. Par exemple, un·e commercial·e qui participe à un salon ne doit pas rechigner à aider un·e responsable marketing à concevoir des actions de communication », ajoute Laetitia Sauvage.

Esprit d’équipe

Mr. Startupper n’est pas un simple salarié : il est ambassadeur de son entreprise et croit à sa réussite aussi sûrement qu’un explorateur croit à la terre promise : « Le but est d’être investi sur un projet d’entreprise et pas juste sur ses petits objectifs personnels. On cherche des personnes qui veulent avoir un réel impact au niveau macro sur l’entreprise », estime la recruteuse.

Optimisme

Une start-up, c’est les montagnes russes, un constant up and down qui nécessite d’être non seulement résilient, mais aussi de voir dans chaque couac une opportunité. Il faut réussir à constamment voir le verre à moitié plein, surtout dans les moments difficiles.

Curiosité

Nous l’avons vu plus haut, le rôle d’un salarié en start-up n’est pas aussi compartimenté que dans une entreprise classique. La curiosité pousse à s’auto-former, à chercher de nouveaux process, à expérimenter, etc. Elle est donc hautement compatible avec l’autonomie dont on jouit dans ce type d’entreprise.

Passion

Il n’agit pas forcément d’être passionné par le produit, mais d’avoir une personnalité enjouée, impliquée et capable de faire sien d’un projet. La passion est un carburant source d’énergie et de détermination, deux traits essentiels pour relever les défis d’une start-up.

Lors d’un entretien, Laetitia Sauvage tente de détecter ces compétences clés chez les candidats : « L’idée est de leur demander des exemples concrets de la mise en pratique [de ces soft skills], à l’aide de la méthode STAR. Si un candidat me dit simplement qu’il est autonome, ça n’a pas de valeur, alors que s’il me donne plusieurs exemples pour attester de cette autonomie, ça devient plus pertinent. » Ne cherchez donc pas à faire semblant : si ça matche, tant mieux ! Et sinon, il y a un tas d’entreprises qui attendent de recevoir votre CV.

Article édité par Gabrielle Predko, photographie par Thomas Decamps