Rivalité au boulot : comment réagir quand un collègue nous a dans le viseur ?

11 janv. 2022

5min

Rivalité au boulot : comment réagir quand un collègue nous a dans le viseur ?
auteur.e
Pauline Allione

Journaliste independante.

L’un de vos collègues lorgne particulièrement sur vos résultats ? Il essaie toujours de faire mieux que vous et s’en vante quand c’est le cas ? Il vous tend même de petits pièges pour vous pousser à l’erreur ? Il semblerait que vous soyez l’objet de ses jalousies, et que celui-ci convoite votre poste, vos relations pros ou les avantages dont vous disposez. À ceux qui n’ont pas l’âme compétitive, certains diront que l’ignorance est la meilleure des réponses. Mais si vous encaissez mal ces comportements et que vous sentez la colère monter en vous, il est aussi possible de sortir de la passivité pour se positionner dans cette relation conflictuelle qui ne se nomme pas.

On a tous connu, à l’école, un camarade un peu insistant qui voulait connaître nos notes après chaque contrôle. S’il avait fait mieux, il ne cachait pas sa fierté, mais s’il avait une note inférieure, il tournait les talons sans dire un mot. Les guerres de cour d’école ne disparaissent pas à l’âge adulte, elles prennent seulement d’autres formes : on ne parle plus de l’exam de maths ou d’anglais mais de bilans, de clients, de salaire. Selon Mila Elhamdi, coach professionnelle, la compétitivité en entreprise peut avoir ses mauvais comme ses bons côtés. Avant qu’elle ne devienne nocive, elle peut même être vertueuse, remotiver les troupes et booster la productivité individuelle. Pour savoir à quel genre de compétiteur vous devez faire face, prêtez attention aux signaux que votre collègue vous renvoie.

Identifier les red flags

Responsable de service dans une société de prêts, Florence vit au quotidien sous les regards pressants de sa collègue Marie (prénom modifié), de 30 ans sa cadette, qui occupe le même bureau et un poste égal. « Elle regarde ce que je fais, demande mes résultats à notre cheffe, et se met toujours en avant. Par exemple, elle rappelle constamment à notre N+1 qu’elle quitte le boulot à 20h ». Avec son comportement de “lèche-cul”, Marie est parvenue à ses fins en devenant très copine avec la Big Boss, et Florence n’a aucune confiance en elle. « Il y a sans doute un peu d’hypocrisie mais on s’entend bien malgré tout, et puis le télétravail nous a éloignées. Ma carrière est derrière moi, je n’ai pas envie de faire plus d’heures alors je laisse courir, ça ne m’empêche pas de dormir. »

Marie semble cocher toutes les cases de la compétitrice nocive, que l’on peut identifier à travers plusieurs signaux : être sans cesse dans la comparaison, chercher à s’informer sur les résultats d’autrui sans donner d’informations sur les siens, se mettre en avant devant des témoins… « Ces personnes ne sont pas dans un mode collaboratif, elles récupèrent des informations pour servir leur propre intérêt et se situer par rapport aux autres. Celles et ceux qui sont indifférents à la compétition, comme Florence, se détachent des désaccords et regards critiques pour éviter le conflit. Mais si cela atteint la confiance en soi, il est préférable de ne pas rester passif et d’engager le dialogue », détaille Mila Elhamdi.

S’éloigner des jalousies

Lorsqu’elle travaillait en hôtellerie-restauration de luxe pour les saisons estivales Laura, 23 ans, a été la cible des jalousies de ses collègues : dans un milieu de chargé de sexisme et de machisme, tous les coups étaient permis. « D’autres serveurs s’occupaient de mes tables sans me prévenir, exprès pour que je sois paumée dans mes commandes et que mes clients se retrouvent avec leur plat mais sans couverts pour manger. Et quand mon travail était apprécié, ma cheffe, qui était une femme, me filait tout le sale boulot le lendemain : nettoyer les couverts au vinaigre pendant plus longtemps que les autres, récurer les toilettes à la javel… » Pas particulièrement intéressée par le secteur de la restauration dans lequel elle ne voyait qu’un job d’été, l’étudiante n’a jamais souhaité se confronter ni à ses collègues, ni à sa boss.

Mais pour ceux qui ne parviennent pas à se détacher des regards critiques voire malveillants, il est parfois nécessaire de mettre les pieds dans le plat. « Il faut tenter de dialoguer avec les personnes qui commencent à être provocantes et bien marquer son tempérament et sa personnalité, en expliquant que l’on ne compte pas entrer dans ce jeu », conseille la pro de la gestion de carrière. Et si les tensions persistent malgré la mise au point, le N+1 peut également être un référent pour tempérer la situation. Cet esprit de compet’ est d’ailleurs parfois insufflé par la boîte elle-même, qui peut pousser ses employés à se dépasser à travers une récompense ou reconnaissance au plus performant. Dans ce cas, pourquoi ne pas exposer à votre manager que la compétitivité, si elle est un excellent moyen de stimuler les équipes, peut parfois devenir nuisible à la productivité et à l’esprit d’équipe. « Si les échanges sont ralentis voire bloqués, que l’on est passif dans cette compétition et que l’énergie positive a disparu, ce sont autant de signaux qui montrent que la compétition est contre-productive », pose Mila Elhamdi.

Vers une rivalité vertueuse

Contrairement à ce que l’on peut penser quand on n’a pas l’esprit de compétition, le challenge entre les collaborateurs n’est pas toujours subi, ni vecteur de tensions au boulot. S’il n’est pas tenu en laisse par la forte-tête de la boîte et que l’on se prend gentiment au jeu, il peut en résulter des idées innovantes et originales. « La compétition demande de faire preuve de créativité pour déployer une stratégie et performer dans ses missions. Une personne compétitive va éviter de se disperser dans son travail et toujours garder ses objectifs en tête pour les atteindre », dépeint la coach professionnelle. Même si on n’a aucun pouvoir sur la forme de compétitivité à laquelle on fait face de la part de ses collègues - celle-ci dépend d’abord de leur personnalité -, lorsque cette rivalité est saine et source de dépassement, il est plus aisé de rentrer dans un jeu vertueux pour en tirer des bénéfices individuels, sans nourrir de mauvais sentiments. Rentrer dans le challenge peut également être un moyen de briser la routine au travail en boostant sa motivation, et de rompre l’ennui de tâches parfois un peu répétitives. À condition, bien sûr, de rester bon perdant et d’accepter que l’on ne peut pas gagner à tous les coups. « Quand on est compétitif, on a autant envie de se stimuler que de stimuler ses collaborateurs. La compétition se transforme alors en jeu collectif », détaille Mila Elhamdi.

S’inspirer des compétiteurs dans l’âme

Certains prennent les jeux trop à coeur et envoient le plateau valser quand ils perdent, tandis que d’autres ne jouent que pour se divertir, et acceptent autant la victoire que la défaite. Au bureau comme ailleurs, faire face à une personne compétitive quand on ne l’est pas soi-même peut être déroutant, voire agaçant. Selon Mila Elhamdi, chaque tempérament peut pourtant apporter à l’autre : « Si dans un binôme, une personne fait preuve d’un esprit de compétition et réussit ce qu’elle entreprend, il ne faut pas hésiter à échanger avec elle, à essayer de comprendre la genèse de ses motivations. » On peut l’interroger sur son souci de performance, ses frustrations, ses points de vigilance, ce qui la stimule… « À partir de là, on va essayer d’être empathique et d’apprendre de ces échanges, en faisant évoluer notre propre manière de travailler… pour peut-être allumer la petite flamme de la compétitivité. »

De la rivalité la plus sournoise à l’émulation positive et créatrice, l’important est de rester en adéquation avec vos valeurs et d’éviter de tomber dans un jeu dans lequel vous ne vous reconnaîtriez pas. Cela peut consister à rester indifférent si cela n’atteint pas votre confiance en vous, à instaurer une discussion lorsque c’est nécessaire, voire à se prendre au jeu si cela peut huiler les rouages de votre motivation. « Il faut prendre ce qui est bon chez nos collègues et l’exploiter à bon escient, tout en mettant de côté ce qui nous semble nuire à notre productivité… un peu comme avec les commérages », rappelle Mila Elhamdi. Un peu rassuré à l’idée de retrouver ce collègue qui pose des punaises sur votre siège pour vous écarter de la compet’ ?

Article édité par Romane Ganneval
Photo par Thomas Decamps

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