Envie de télétravail ? Voici comment bien le négocier en entretien d'embauche

17 juin 2021 - mis à jour le 15 févr. 2023

5min

Envie de télétravail ? Voici comment bien le négocier en entretien d'embauche
auteur.e
Pauline Allione

Journaliste independante.

Pouvoir appuyer sur le bouton snooze du réveil, s’épargner le métro bondé de 7h30, caler un footing entre midi et deux, éviter le brouhaha de l’open space… Depuis la généralisation du télétravail, certains ne s’imaginent plus faire une croix sur cette flexibilité, devenue indispensable à leur équilibre et/ou à leur productivité. Mais comment dire à son futur recruteur que l’on préfère travailler de chez soi ? Exprimer son envie de télétravailler alors que l’on n’a pas encore mis un pied dans l’entreprise, est-ce une bonne ou une mauvaise idée ?

« La crise a permis aux entreprises de réaliser qu’il n’y avait pas qu’une seule façon de travailler, et qu’une plus grande flexibilité des collaborateurs n’altérait ni la qualité du travail, ni celle des relations », affirme Céline Machain à l’autre bout du fil. Directrice des ressources humaines chez Platform.sh, une société avant-gardiste en matière de télétravail puisqu’elle propose cette option à ses employés depuis plus de dix ans, la recruteuse a vu le vent tourner depuis la pandémie du covid-19 qui aura démocratisé ce mode de travail. Au point que désormais, de nombreuses offres d’emploi évoquent la possibilité ou non du télétravail directement dans l’annonce. Mais lorsque cela n’est pas précisé, rien ne vous empêche d’amener le sujet dans la discussion.

Parler télétravail : dès le premier date ?

Selon Céline Méchain, il est tout à fait légitime de poser la question du télétravail en entretien d’embauche. Pour cela, inutile d’attendre le troisième rendez-vous : la première rencontre se prête déjà au sujet. « Lorsque l’on évoque les conditions de travail, le télétravail a toute sa place dans la discussion », affirme-t-elle. Mais pour autant, évitez de vous précipiter. « Il ne faut pas que ce soit la première question non plus, sinon cela donnera beaucoup trop d’importance au sujet. » Réservez cette question pour la fin de l’échange, une fois que vous en saurez plus sur les missions et la structure avant de vous intéresser à la culture de l’entreprise en matière de télétravail. Vos potentiels futurs employeurs en ont-ils déjà fait l’expérience ? Celle-ci leur a-t-elle été bénéfique ou au contraire, en gardent-ils un souvenir frileux ? « Certaines sociétés sont pro télétravail et d’autres moins. Dans ce cas, il faut s’intéresser à leurs raisons : est-ce historique ? Est-ce parce que sa mise en place pendant la pandémie n’a pas été efficace ? L’idée étant ensuite de voir si votre proposition de télétravail est alignée à la politique et la stratégie de l’entreprise. Si tel n’est pas le cas, à vous de voir si le recruteur est ouvert à la discussion. »

Définir les conditions du télétravail

Avant d’avancer vos arguments, encore faut-il savoir définir précisément le télétravail que vous souhaitez mettre en place. Il existe en effet différentes manières de télétravailler : depuis chez soi, dans un café, avec d’autres personnes qui ne sont pas des collègues dans un espace de coworking… Mais aussi à temps plein, à temps partiel, avec des jours fixes dans la semaine ou à contrario avec un roulement.

« Le fait de savoir précisément ce que l’on attend quand on parle de télétravail permet de présenter au recruteur ou à son futur employeur la formule qui nous convient le mieux. Il faut démontrer pourquoi cette formule fait sens, tant par rapport aux missions attendues du candidat, que pour un bon équilibre vie pro-vie perso », détaille Céline Méchain.

Toujours dans le cadre de votre définition du télétravail, n’hésitez pas à donner autant de détails possibles sur votre organisation et votre productivité à la maison. Le recruteur pourra se faire une idée concrète de votre fonctionnement, et constater que dans votre cas, cette façon de travailler semble pertinente. Rassurez-le au maximum quant à votre capacité à télétravailler et montrez-lui également que vous estimez l’importance de l’ambiance de travail et de l’esprit d’équipe.

Quels arguments valoriser ?

Le télétravail recouvrant diverses réalités et expériences, il est préférable de partir de votre propre relation au télétravail pour en parler au mieux. « Si vous pratiquez le télétravail depuis un an et que vous postulez dans une entreprise qui n’a pas cette politique, il est nécessaire d’expliquer en quoi cette façon de travailler vous est favorable », poursuit la spécialiste des ressources humaines.

Côté arguments, ceux-ci dépendent autant du poste auquel on postule que de nos conditions de travail à domicile, ou encore de notre équilibre personnel. « Les conditions de travail peuvent être meilleures qu’en entreprise, je pense notamment aux personnes qui ont chez elles un bureau leur permettant de travailler debout, ce qui est rare en entreprise. Il y a également celles et ceux qui travaillent sur des sujets de fond et ont besoin de calme pour pouvoir pleinement se concentrer. Tout ceci à un impact sur la productivité, mais également sur le bien-être », détaille Céline Méchain.

Les éléments positifs liés au télétravail, comme le fait d’éviter la nuisance intellectuelle et le temps passé dans les transports en commun, de profiter d’un espace calme ou d’aménager ses journées de manière flexible pour être plus efficace, constituent autant de potentiels atouts à souligner. Si vous disposez d’éléments prouvant les bénéfices du télétravail dans votre ancienne entreprise, n’hésitez pas à argumenter à l’aide de données concrètes et factuelles. Cela aura d’autant plus de poids lors de la négociation.

Les faux-pas à éviter

Certains arguments, sans se retourner contre vous pour autant, pourraient ne pas vous être d’une grande aide lors de la négociation. Ainsi, l’idée selon laquelle le télétravail permet à une société de réaliser des économies n’est pas forcément vraie. D’abord, parce que si l’entreprise possède des bureaux, ces bureaux seront toujours là, que vous travailliez depuis chez vous ou non. Ensuite, parce que si elle économise sur les loyers, la société dépense davantage pour que ses équipes communiquent et se rencontrent ponctuellement. Toujours dans les potentiels faux-pas, on préférera évidemment garder certains avantages du télétravail pour soi (comme faire ses visio en pyj’ depuis son lit ou avancer sur sa série du moment entre midi et deux).

Si le télétravail est prisé pour sa flexibilité, Céline Méchain conseille d’adopter une position similaire au moment de négocier. L’idée étant justement de considérer différentes options et d’en discuter, et non pas d’imposer sa vision des choses coûte que coûte. « Il faut montrer que l’on est ouvert à la forme d’organisation la plus efficace pour les deux partis », résume-t-elle.

Conclure avec une période d’essai

Pour finir de convaincre le recruteur, il est fortement recommandé de proposer une période d’essai. Cela peut être bénéfique pour l’entreprise, qui pourra observer concrètement les effets de ce télétravail, mais aussi pour vous, qui pourrez constater par vous-même votre capacité à réaliser vos nouvelles missions à distance. Un essai, par exemple un jour par semaine, sera d’autant plus intéressant si la société n’a encore jamais expérimenté le télétravail à haute dose. Et surtout, proposez à votre manager de faire des points réguliers à ce sujet pour adapter votre mode de fonctionnement si besoin et identifier les potentiels blocages.

Et si c’est non ?

Si l’entreprise est fermée à l’idée du télétravail après discussion, à vous d’évaluer votre marge de négociation et l’importance que vous accordez respectivement au télétravail et au poste auquel vous postulez. « Si vous êtes en position dite de force, c’est-à-dire qu’il sera facile pour vous de trouver une entreprise qui saura répondre à vos attentes en matière de télétravail, alors vous avez tout intérêt à vous montrer ferme sur le sujet, même si cela signifie ne pas se voir offrir le poste », avance la spécialiste.

En revanche, si vous souhaitez vraiment intégrer l’entreprise, il est préférable de ne pas trop insister, quitte à faire une croix sur le travail à domicile. « Il est essentiel de comprendre que la marge de manœuvre de la société est limitée, car il ne s’agit pas pour celle-ci de répondre à une demande individuelle et isolée, rappelle Céline Méchain. Un employeur doit s’assurer de traiter tous ses collaborateurs de façon équitable, donc répondre à vos attentes revient à accepter un modèle de télétravail différent pour l’ensemble des équipes. Toutes les entreprises n’ont pas forcément (encore) cette agilité ».

Aucune raison d’angoisser à l’idée de parler télétravail lors d’un entretien : il est normal que la question se pose ! Mais avant de se lancer dans les négociations, préparez le terrain. Soyez ouvert·e à la formule qui conviendrait le mieux tant pour vous que pour l’entreprise, et proposez une mise à l’essai pour prouver l’efficacité de ce mode d’organisation. Ça fait toujours son petit effet.

Article édité par Gabrielle Predko, photographie par Thomas Decamps

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