Entretien : 9 questions qui changent du « 3 qualités / 3 défauts »

20 avr. 2022

6min

Entretien : 9 questions qui changent du « 3 qualités / 3 défauts »
auteur.e
Mylène Bertaux

Journaliste

Et si, pour trouver la perle rare en entretien, il fallait oser poser des questions audacieuses et oublier la soporifique batterie habituelle ? Exit les « 3 qualités / 3 défauts » qui conditionnent des réponses bateau. D’autant qu’aujourd’hui, les candidats connaissent les pièges à déjouer pour se faire passer pour le « super-perfectionniste-mais-c’est-aussi-une-qualité » (bah voyons). Alors, afin de tester la capacité d’adaptation du candidat, son humour et son sens de l’à-propos, on mise sur des questions décalées et utiles. Petit florilège.

La plus Jeff Bezos (et la plus Google)

  • La question : « Estimez le nombre de vitres de la ville de Seattle. » Pour la petite histoire, cette question a fait le tour du monde quand, en 2002 elle a été posée à Ann Hiatt, une américaine qui postulait pour un job d’assistante junior pour l’homme le plus riche du monde, Jeff Bezos.
  • Pourquoi la réponse va vous intéresser : plus que la réponse mathématique en elle-même, c’est le raisonnement du / de la candidat·e qui sera riche en infos. Il vous donne de bons indicateurs sur son cheminement intellectuel. Par exemple, vous demande-t-il / elle d’emblée s’il faut inclure la banlieue de Seattle ou l’exclure ? Est-ce que les vitres des voitures comptent ? Chaque étape décrite vous indique un type de raisonnement : logique, créatif ou même poétique.
  • Et si le / la candidat·e panique ? Le but n’est évidemment pas de terroriser Kevin·a. Mettez-le / la à l’aise s’il / elle bafouille et aidez-le / la. Et si vraiment, le / la candidat·e est trop déstabilisé·e, passez à la question suivante avec une blague. Car après tout, qui a besoin de savoir combien de vitres comporte un immeuble pour faire du community management ?
  • Variante : les questions Google ont déjà fait leur preuve. « Quel est l’angle formé par l’aiguille des minutes et celle des heures lorsqu’il est 3h15 ? » ou « Combien de balles de tennis peut contenir un bus scolaire ? » La firme est en effet connue pour ses questions saugrenues à l’entretien. Toutefois, rapporte BFM, ce temps est révolu, selon Gayle Laakmann McDowell, consultante spécialisée dans le recrutement qui a un temps travaillé pour Google. En effet, la firme préfère aujourd’hui ne « plus poser de questions stupides ». À bon entendeur.
  • Aparté : et au fait, Ann s’en est-elle sortie ? Oui, haut la main. La jeune femme a suggeré de faire une moyenne des vitres, en fonction du nombre de bâtiments dans la ville, et en excluant les exceptions et anomalies. Jeff Bezos l’a embauchée après lui avoir posé une deuxième question…

La plus Jeff Bezos bis

  • La question : « Quels sont vos objectifs de carrière ? »
  • Pourquoi la réponse va vous intéresser : cette question est un faux-ami. En apparence, elle ressemble à la fameuse : « Où vous voyez-vous dans 5 ans ? » [Réponse : « Dans votre entreprise X bien sûr, avec un costume et une cravate (oh oui !), des tickets restau (oh ouiiii !) et des RTT (ouiiiii AhhhrrAAAAhhhrrrgghhh !) »]. Il s’agit en fait de jauger les vraies envies du / de la candidat·e. Est-ce qu’il / elle veut une expérience pratique de deux ou trois ans avant de changer de boîte, ou mise au contraire sur la sécurité ? Bref, un bon basique.
  • Et si le / la candidat·e panique ? C’est peut-être le signe qu’il / elle traverse une crise existentielle. Creusez un peu, histoire de voir si ses doutes trahissent une forme d’humilité, ou s’ils révèlent qu’il / elle n’est pas prêt·e à rejoindre votre entreprise… Voire, pire, à y rester.
  • Variante : « Quand vous vous êtes dirigé·e vers ce métier, quelles étaient vos raisons ? Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans votre travail ? Et le moins ? »

La plus « cui-cui »

  • La question : « Présentez-vous en 140 caractères. »
  • Pourquoi la réponse va vous intéresser : qu’est-ce que le / la candidat·e décide de mettre en avant ? Essaye-t-il / elle de tout résumer en aussi peu de lettres et se prête-il / elle à l’exercice, ou laisse-t-il / elle tomber ? Autant que la réponse, l’effort et le soin apportés vous donnent une indication sur sa personnalité. Et s’il / elle y arrive, bingo, vous avez trouvé votre maître de la synthèse.
  • Et si le / la candidat·e panique ? Rassurez-le / la, vous aussi vous préférez Proust et ses phrases interminables. Et passez à la suite.
  • Variante : « C’est quoi votre hashtag préféré ? Quelle est la tendance que vous préférez sur les réseaux ? Et celle que vous détestez ? Pourquoi ? »

La plus attachante

  • La question : « Que disait votre maman de vous lorsque vous étiez enfant ? »
  • Pourquoi la réponse va vous intéresser : c’est un moyen d’analyser le rapport que la personne entretient avec ses émotions. Et si elle a une bonne distance avec ce que les gens pensent d’elle versus ce qu’elle pense d’elle-même. C’est aussi le moment de noter si elle a, depuis l’enfance, un petit problème avec l’autorité (et si elle l’a réglé !) ou si, au contraire, elle accepte volontiers le regard de la direction sur son travail.
  • Et si le / la candidat·e panique ? Il se peut qu’il / elle soit gêné·e par une question qu’il / elle considère comme trop personnelle. Optez dans ce cas pour les variantes.
  • Variante : « Que dirait votre prof de maths de 4e s’il vous voyait aujourd’hui ? Et votre prof d’arts plastiques ? »

La plus « kikoulol »

  • La question : « Kevin·a, faites-moi rire, racontez-moi une blague ! »
  • Pourquoi la réponse va vous intéresser : capacité à rebondir, à se mettre en scène ou à ne pas se prendre au sérieux… Voilà autant de soft skills à observer pendant les cinq prochaines minutes.
  • Et si le / la candidat·e panique ? Deux cas de figure. Le premier : il / elle ne se démonte pas et vous raconte une blague mais, gros bide, elle est nulle. Lâchez un « haha » poli. Le second : un ange passe, Kevin·a, mal à l’aise, reste coit·e. Dites-lui que cette question était une plaisanterie et passez à la suivante.
  • Variante : « Quand avez-vous ri pour la dernière fois ? Et fait rire ? Quel·les sont vos humoristes préféré·es ? Et ceux / celles que vous détestez ? »

La plus extrême

  • La question : « Quelle est la chose la plus folle que vous ayez faite dans votre vie ? »
  • Pourquoi la réponse va vous intéresser : quel est le degré à partir duquel le / la candidat·e considère qu’une chose est risquée ? En a-t-il / elle fait plusieurs ? Est-il / elle carrément kamikaze ou plutôt fifou du dimanche ? Le but pour vous est de transposer son attitude dans le quotidien pro : appartient-il / elle davantage à la team « gros·se malade qui va faire craquer tou·tes ses collègues » ou « boute-en-train sur qui on peut compter pour resserrer les liens dans l’équipe » ?
  • Et si le / la candidat·e panique ? Il n’a rien fait de fou d’après lui / elle ? Super, la stabilité est aussi une qualité très appréciée au sein d’une équipe.
  • Variante : « Demain on part ensemble dans les Gorges du Verdon faire du canyoning, vous en êtes ? »

La plus sportive

  • La question : « Vous êtes plutôt Philippe Candeloro triple boucle piqué ou MBappé droit au but ? »
  • Pourquoi la réponse va vous intéresser : quelle que soit la réponse, elle indique que le / la candidat·e aime jouer en équipe ou au contraire, briller en solo. Le tout de manière subtile et détournée. Si au final il / elle vous dit qu’il / elle est fan de ping pong, c’est sûr, c’est plus difficile à décrypter…
  • Et si le / la candidat·e panique ? Vous le rassurez illico : inutile de chausser les crampons ou d’enfiler un justaucorps à paillettes pour obtenir le job.
  • Variante : « Dans un équipe de rugby, quelle place aimeriez-vous avoir ? Quelle est la personnalité sportive que vous admirez le plus et pourquoi ? »

La plus cours de récré

  • La question : « Comment présenteriez-vous votre métier (community manager / expert en supply chain / dev full stack) à votre petit neveu ? »
  • Pourquoi la réponse va vous intéresser : il n’y a pas meilleur moyen de mesurer l’esprit de synthèse de quelqu’un qu’en lui demandant de résumer un concept qu’il connaît. Il / elle vous étonnera peut-être par une analogie, un parallèle avec quelque chose auquel vous n’auriez pas pensé. Si c’est le cas, banco !
  • Et si le / la candidat·e panique ? Ça peut arriver. On n’a pas tou·tes la chance d’avoir des petits neveux.
  • Variante : « Comment expliqueriez-vous la géopolitique à mon fils de 8 ans ? Et le féminisme intersectionnel à sa sœur cadette ? »

La plus #vanlife

  • La question : « Et si vous n’aviez pas à vous soucier de l’argent, que feriez-vous dans la vie ? »
  • Pourquoi la réponse va vous intéresser : alors qu’il / elle cherche un travail, le / la candidat·e est challengé·e dans sa manière de mener son existence. Mais s’est-il / elle déjà posé la question ? Si oui, quels sont ses rêves ? Faire le tour du monde en van, élever des lamas au Pérou ? C’est peut-être le moment de placer certains avantages de la boîte, du type semaine de 4 jours ou possibilité de congés illimités. Ok, ce n’est pas le Kilimandjaro, mais c’est un bon début.
  • Et si le / la candidat·e panique ? Dites-lui que ce n’est pas une question piège. Avoir une maison avec un jardin pour faire des barbecues le week-end est une ambition tout à fait valable. #SaucisseMerguez
  • Variante : « Vivre sur une île paradisiaque entouré·e de palmiers, ça vous branche ? Quel est votre personnage préféré dans Koh Lanta ? Et sinon, le risotto de sauterelles, vous avez déjà tenté ? »

La plus universelle

  • La question : « Quelle est votre vision du monde ? »
  • Pourquoi la réponse va vous intéresser : oui, cette question est difficile, voire intimidante, mais elle est aussi belle et nécessaire. Le / la candidat·e a-t-il / elle voyagé ? A-t-il / elle des points de comparaison entre son expérience de vie et celles d’autres personnes, lui permettant de dézoomer et d’avoir l’esprit ouvert ? Est-il / elle engagé·e dans un combat ou une association ? C’est l’occasion d’en savoir plus sur ses valeurs et de vérifier qu’elles sont compatibles avec celles de la boîte.
  • Et si le / la candidat·e panique ? On n’est pas obligé d’être Nelson Mandela pour vivre en accord avec ses idéaux ! Vous, par exemple, vous recyclez vos ampoules et c’est déjà pas mal.
  • Variante : « Aimez-vous le monde dans lequel nous vivons ? Qu’est-ce que vous voudriez changer et comment le feriez-vous ? »

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Article édité par Ariane Picoche, photo par Thomas Decamps

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