« Dois-je accepter un job en dessous de mes prétentions salariales ? »

11 avr. 2023

7min

« Dois-je accepter un job en dessous de mes prétentions salariales ? »
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La recherche d’emploi n’est pas une mince affaire : envoi de CVs, relances de mail, entretiens… Il faut parfois mettre son égo de côté. Jusqu’où peut-on aller pour décrocher le job parfait ? Seriez-vous prêt à revoir vos prétentions salariales à la baisse ?

Jusqu’ici, vous ne vous étiez pas posé de question. Tous les jours, machinalement, vous avez emprunté l’ascenseur social. « 3ème étage », annonce la voix métallique. C’est le vôtre, celui des 60K€. Et c’est à ce niveau que vous avez entamé votre recherche d’emploi. Pas question de redescendre d’un palier pour votre prochain poste. « J’y suis, j’y reste. »

« Vous prenez l’ascenseur ? » Tiens, c’est étrange. Cette question banale qu’on entend dans quantité de halls d’immeubles, vous ne vous l’étiez jamais posée. Et si, pour changer, aujourd’hui, vous preniez l’escalier ? Ralentir, risquer de prendre une autre voie et accepter, au prix de coûteux efforts, d’emprunter courageusement l’escalier qui mène au toit… Baisse de rémunération et concessions : quand est-il acceptable de descendre ses prétentions salariales quand on recherche un emploi ? Si on vous conseille évidemment de ne pas céder, la question peut parfois se poser. On fait le point avec Pauline Mignot de Valence, consultante RH et psychologue pour le cabinet TS TINGARI.

Les 5 (seules) raisons d’accepter une baisse de salaire

Qui accepterait de revoir à la baisse ses prétentions salariales ? À première vue personne. Et pour cause, une baisse de rémunération est majoritairement vécue comme une régression. Pourtant, dans certaines circonstances particulières, il peut être acceptable de faire quelques concessions, comme celle de rogner sa rémunération, pour s’autoriser à gagner sur d’autres tableaux. Petit tour d’horizon des raisons à considérer si vous hésitez à baisser vos exigences salariales pour faire un pas de côté et décrocher le job parfait.

1. Pour changer de métier ou de secteur

Vous êtes particulièrement compétent et expérimenté pour le poste que vous occupez ? Bingo, ce sont deux critères qui vous permettent de prétendre à un salaire élevé. Évidemment, ces paramètres sont les premiers à changer si vous décidez d’aborder un tournant dans votre carrière. Que vous changiez de poste ou de secteur d’activité, cette mutation entraîne nécessairement quelques sacrifices, notamment salariaux. Car, d’expert, vous redevenez apprenti. Un apprentissage dont vous allez bénéficier en compensation d’une baisse de rémunération.

Après un bilan de carrière on peut décider de se réorienter. Cela nécessite parfois de reprendre une formation et donc de redevenir junior. Pour autant, cela ne signifie pas que cette baisse de rémunération sera pour toujours. « Vous pouvez, dès le premier entretien, mettre en avant votre première partie de carrière et appuyer sur la transférabilité de vos compétences , observe Pauline Mignot de Valence. Cela permet de mettre en avant un autre axe de compétences innovant dans ce nouveau secteur et, ainsi, de ne pas repartir complètement de zéro. Il est par ailleurs tout à fait possible de négocier d’avoir de la visibilité sur les possibilités d’évolution et les délais pour gravir ces échelons. »

2. Pour créer son entreprise

Vivre sur l’ACRE (l’aide à la création ou à la reprise d’une entreprise, ndlr), ou sur un reliquat d’économies… Les entrepreneurs et les travailleurs indépendants le savent bien, la liberté a un coût. Se mettre à son compte s’accompagne inévitablement d’une baisse salariale, même temporaire. Si le chômage permet à certains ex-salariés de maintenir, un temps, leur niveau de vie, c’est généralement de courte durée. Créer son entreprise, c’est donc accepter d’entreprendre une éprouvante « traversée du désert » avant d’espérer percevoir le fruit de son activité. Un sacrifice qui peut permettre, à terme, d’atteindre des sommets inaccessibles aux salariés qu’ils étaient.

« La création d’entreprise suppose une diminution de son rythme de vie, affirme Pauline Mignot de Valence. Plus celle-ci sera préparée, plus elle se déroulera dans les meilleures conditions. » C’est pourquoi il est fondamental de s’assurer en amont de la faisabilité de son projet. Ai-je le profil d’un entrepreneur ? Mon projet est-il réaliste et réalisable ? « Je recommande toujours de ne pas foncer tête baissée, conseille la psychologue, mais au contraire, d’étudier attentivement son environnement (concurrence, bassin géographique, statut juridique, etc). Plus le projet est réfléchi, plus vous serez motivé, malgré une baisse de rémunération. Cette diminution aura tout simplement un autre but : le challenge de réussir plutôt que l’appât du gain, du moins temporairement. »

3. Pour travailler moins

Accepter de gagner moins pour vivre mieux. C’est le pari que font de nombreux salariés (le plus souvent des salariées) qui décident de travailler aux 4/5ème. Un morceau de salaire rogné pour s’autoriser à profiter de ses enfants, et – accessoirement – se mettre à jour dans ses lessives, courses, et autres tâches ménagères… Un confort qui, pour certain(es) n’a pas de prix. Vous pourriez donc accepter un nouveau poste moins bien payé, mais à un rythme plus adapté. D’autres, plus audacieux encore, visent le graal de la semaine de 4 jours. Un concept qui permet de conserver son salaire tout en travaillant un jour de moins, mais plus efficacement.

C’est l’ambition que poursuivent 43% des salariés en 2023. Autant de candidats que l’on pourrait imaginer prêts à baisser leurs prétentions salariales pour décrocher un poste dans une boîte qui accepter le 4/5ème. « Être épanouis dans son poste n’a pas de prix, confirme la psychologue. Le fait d’avoir plus de temps pour soi est un indicateur suffisant qui devient plus important que le salaire. Ainsi, plus vous vous sentirez épanoui au travail, moins vous aurez besoin de compenser un manque par la consommation. Il vous sera donc plus facile de vous adapter à cette baisse de salaire. Tout simplement parce que vos intérêts se trouvent ailleurs. »

4. Pour déménager ou s’expatrier

De combien seriez-vous prêt à baisser votre salaire pour travailler à l’emplacement de votre choix ? Travailler à quelques pas de son domicile, décrocher un job en bord de mer ou à la montagne, partir bosser à l’étranger, rejoindre une entreprise “full remote” … Pour 49% des jeunes actifs, la localisation du poste de travail a son importance. Un critère qui vient progressivement concurrencer le montant de la rémunération au point, parfois, de le sacrifier. « La flexibilité et le télétravail sont devenus de réels critères de choix d’entreprise pour les salariés, reconnaît Pauline Mignot de Valence. Les salariés ont de plus en plus d’exigences à cet égard. Après tout, pourquoi ne pas baisser son salaire pour obtenir ce qui nous tient le plus à cœur : choisir où habiter, choisir d’où travailler ? »

5. Pour saisir une occasion de…

Travailler auprès de telle « star » de votre secteur, de bosser sur LE projet qui va propulser votre carrière, d’apprendre une nouvelle langue, d’acquérir de nouvelles compétences, de vivre une expérience exceptionnelle ou de trouver un job qui matche davantage avec vos valeurs… Il y a, au cours de toute vie professionnelle, des occasions à ne pas manquer, au prix parfois d’une baisse de rémunération. Ces défis que l’on rencontre quelquefois dans une carrière peuvent être de véritables tremplins.

« Baisser sa rémunération peut être un investissement pour l’avenir, garantit Pauline Mignot de Valence. C’est accepter de voir plus bas, pour aller plus loin. » Peut-être avez-vous débuté votre carrière dans une grosse entreprise où la rémunération est connue pour être supérieure à la moyenne du marché ? « À partir de ce constat, reprend la consultante RH, soit vous décidez de faire toute votre carrière dans la même structure ou dans une structure de même nature, soit vous choisissez d’être maître de votre parcours en acceptant une baisse de salaire pour vous permettre de rejoindre une entreprise, certes de plus petite taille, mais qui vous conviendra mieux et qui vous permettra d’évoluer à votre rythme, en prenant en compte vos désirs profonds. »

Un pas de côté, mais pas trois pas en arrière…

Envisager de rejoindre un nouveau poste exaltant à un salaire un peu moins élevé est une chose. Mais accepter de baisser son salaire pour un poste identique, sans aucune valeur ajoutée en est une autre. D’un côté elle est choisie, de l’autre elle est subie.

« Il ne faut surtout pas entrer dans une situation où la baisse de salaire est subie, avertit Pauline Mignot de Valence. C’est le cas notamment lorsqu’elle est imposée par le recruteur sans aucune contrepartie. » Manque de budget, politique salariale moins audacieuse, réduction budgétaire, contexte de crise… Quelle que soit la raison évoquée par le recruteur, vous n’êtes pas obligé de l’accepter. Pire, si vous manifestez clairement votre refus et que votre interlocuteur tente de faire du forcing : fuyez. Dès lors que vous avez l’impression de faire un choix par défaut, vous risquez de ressentir de la frustration. « Cette frustration va vous mener dans un cercle vicieux qui impactera la qualité de votre travail », met en garde la psychologue. Alors, ce n’est plus seulement la peine d’une petite baisse de rémunération que vous encourez, mais également celle de perdre votre poste et votre confiance en vous.

Création de poste, rachat d’entreprise, situation de crise temporaire… Il y a certes des circonstances particulières qui méritent d’être étudiées. Toutefois, si le recruteur vous fait miroiter une promotion future, une augmentation de salaire selon un échéancier, ou si une part de votre salaire est variable et promet un gain mirobolant à l’avenir : restez prudent. « Si échéancier il y a, n’hésitez pas à le prévoir minutieusement avec votre manager pour que celui-ci soit bien respecté et de courte durée, conseille la spécialiste. Enfin, ne vous laissez pas promettre une promotion qui, peut-être, n’arrivera jamais. » N’oubliez pas, les belles paroles ne suffisent pas, mieux vaut assurer ses arrières par écrit.

Reculer pour mieux sauter : revoir ses prétentions, mais exiger des compensations

Il y a des offres d’emploi où, d’emblée, le coup de cœur n’est pas là, mais le job propose de belles perspectives. À bien y réfléchir, s’il n’y avait pas ce salaire en “hic”, ce poste, vous le prendriez… Avant de claquer la porte au nez de votre recruteur pour un salaire, gardez en tête qu’une petite concession peut parfois vous permettre de prendre du galon, mais seulement à certaines conditions.

Tout d’abord, une baisse de salaire ne revient pas à accepter de vous brader ou, pire, de travailler gratuitement. En effet, pour être acceptable ce sacrifice doit vous permettre de gagner sur d’autres tableaux : sens au travail, compétences, qualité de vie…

Par ailleurs, n’oubliez pas qu’une baisse de rémunération peut parfaitement être contrebalancée par certaines compensations. Ne négligez donc pas les à-côtés que peut vous procurer ce nouveau job : télétravail, voiture de fonction, bureau, montant de notes de frais, tickets restaurant… Quelques avantages en nature peuvent vous aider à accepter pleinement cette baisse de salaire volontaire.

« Vous n’êtes pas à la merci du recruteur, rappelle Pauline Mignot de Valence. Le but est de trouver un équilibre gagnant - gagnant. Or, qui ne demande rien, n’obtient rien. À vous de savoir ce qui vous tient à cœur et ce que vous voulez. N’hésitez pas à driver votre direction. L’argent ne tombe pas du ciel mais bien d’autres éléments peuvent entrer dans la balance d’une négociation réussie. A vous de connaître vos priorités pour un épanouissement garanti ! »

Article édité par Aurélie Cerffond ; Photographie de Thomas Decamps

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