Pollution numérique : « Allumé H24, un ordinateur coûte 100 € d'électricité par an »

26 août 2020 - mis à jour le 28 nov. 2023

4min

Pollution numérique : « Allumé H24, un ordinateur coûte 100 € d'électricité par an »
auteur.e
Solenne Faure

Rédactrice

contributeur.e.s

La prise de conscience est là : nos usages digitaux impactent l’environnement. Coup d’œil sur les questions que doit se poser le monde de l’entreprise sur la pollution numérique et sur les bonnes pratiques à adopter pour la limiter.

Les sondages parlent d’eux-mêmes : 74 % des Français sont conscients de l’impact écologique de leurs activités numériques professionnelles, mais 51 % persistent dans des habitudes peu vertueuses pour l’environnement afin de gagner en efficacité, selon un sondage Opinionway. Même s’il est intéressant de noter que ces chiffres sont en progrès, la nécessité de sensibiliser le plus grand nombre reste à l’ordre du jour. Et pour ce faire, les entreprises ont bien évidemment un rôle à jouer.

Pollution numérique : l’heure est à la pédagogie

Mais de quelle pollution parlons-nous, au juste ? Il s’agit de l’impact environnemental engendré par le numérique au sens large. Trois niveaux sont à prendre en compte :

  • La fabrication des appareils technologiques
  • L’utilisation du digital au quotidien, dont la mobilisation de serveurs et la question de la consommation énergétique
  • La destruction des équipements avec les enjeux autour du traitement des déchets

Pour Digital for the planet qui conseille les entreprises sur la réduction de leur pollution numérique, inutile de faire de la prospection. « Nous avons en fait beaucoup d’appels entrants », nous confirme Anthony Alfont, COO. « Les entreprises veulent s’emparer du changement dans le cadre de leur transformation digitale. Pour éviter d’avoir à tout détruire dans quelques années, en raison de process qui ne seraient pas adaptés ou trop polluants. Il y a donc une volonté réelle d’être plus durable et responsable. »

Les organisations les plus actives sur le sujet semblent être celles qui sont en lien direct avec la dématérialisation, les secteurs de la banque, des assurances et de l’énergie en tête. Pourquoi ? « Car elles sont déjà familières du sujet, avec des salariés qui commencent à être formés à ces problématiques, qui initient le mouvement et prônent le changement », renchérit Anthony Alfont. « Les mains et les cerveaux de demain veulent se positionner et être formés. Ils auront en tête cet impact. Les entreprises vont donc devoir s’adapter. »

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Comment sensibiliser ses collaborateurs à l’impact écologique de leur consommation numérique ?

La question économique

Dès que l’on fait le lien entre pollution numérique et coût en entreprise, les comportements changent. Le plus souvent, la direction lance le mouvement. Ce sont autant de petits gestes qui, mis bout à bout, peuvent compter. Par exemple, trop nombreux sont les collaborateurs qui laissent leurs écrans allumés H24. Pourtant, le mettre en veille de 20 h à 8 h du matin est un gain énergétique énorme, surtout à l’échelle de l’entreprise. L’ADEME estime en effet « qu’allumé 24 h/24, un seul ordinateur peut coûter jusqu’à 100 euros d’électricité par an ».

Il ne s’agit pas seulement d’économies. Ces changements d’usages vont également nourrir la politique RSE. Au-delà des discours prônant la responsabilité, il est donc essentiel d’agir concrètement pour aller dans le bon sens. Les prestataires sont ainsi de plus en plus nombreux à vouloir être labellisés pour faire connaître leurs engagements et marquer des points lors des appels d’offres. Il existe notamment le label ENR (Entreprise Numérique Responsable), qui valorise les bonnes pratiques de nombreuses organisations du secteur numérique. Ces dernières peuvent ainsi se distinguer pour travailler ensuite avec des entreprises engagées sur les sujets environnementaux.

Faire de la pédagogie

« Personne n’est capable de dire concrètement ce que représente 10 g de CO2 dans son quotidien. Il faut donc donner des points de repère via des équivalences. Jusqu’à ce que les collaborateurs se disent “Ah oui, quand même” », détaille Anthony Alfont. Parce que le sujet est immatériel, les collaborateurs et collaboratrices ont besoin de parallèles pour prendre conscience de ce que cela représente. Il s’agit aussi de démontrer l’effet exponentiel que cela peut avoir pour l’entreprise. Traduire par une image concrète l’impact collectif, en somme. Un exemple ? Envoyer 20 mails tous les jours pendant un an a la même émission de CO2 que parcourir 1000 km en voiture.

Moteurs de recherche, archives, objets connectés, équipements… Les leviers pour limiter la pollution numérique sont nombreux. Beaucoup sont détaillés dans ce guide pratique édité par l’ADEME), qui traite des actions efficaces à mettre en place au bureau pour réduire son impact environnemental. Ou l’on apprend entre autres que « multiplier par 10 le nombre des destinataires d’un mail multiplie par 4 son impact » !

Alors, on commence par quoi ?

Adopter des gestes simples qui font la différence

Au-delà de l’équipement, les usages en entreprise (même en télétravail) affectent clairement la pollution numérique. Et il est possible de limiter son impact à plusieurs niveaux.

  • Rationaliser le stockage des données : il s’agit de voir le cloud non pas comme un espace de stockage illimité, mais au contraire comme le moyen de ne conserver que le plus important à l’activité de l’entreprise. Les mails tout d’abord. En implantant une politique de réduction de ces derniers, avec des destinataires choisis et des pièces jointes limitées. Mais aussi dans sa façon d’utiliser Internet. Moins d’onglets ouverts, des vidéos en qualité réduite, une lecture automatique désactivée, des requêtes plus courtes voire la mise en favori pour éviter d’interroger les serveurs à chaque nouvelle connexion.

  • Limiter les impressions papiers : un levier essentiel pour réduire la consommation de ressources forestières, contribuant ainsi à la préservation des écosystèmes. De plus, on diminue dans le même temps la production de déchets et on limite l’utilisation énergivore des imprimantes numériques.

  • Allonger la durée de vie des équipements informatiques : favoriser le recyclage des équipements obsolètes, promouvoir la durée de vie des appareils ou encore sensibiliser les employés à l’économie d’énergie contribue également à réduire la pollution numérique.

Sonder les besoins de l’entreprise

Anthony Alfont est formel. Il s’agit déjà dans un premier temps de questionner les besoins et les usages de son entreprise. Y a-t-il une réelle utilité, un véritable bénéfice à regarder une vidéo en HD ? A-t-on à tout prix besoin du smartphone dernier cri pour les téléphones de fonction ? Loin de dire non pour dire non, il suffirait en fait d’interroger les habitudes de consommation – dans la sphère professionnelle comme dans sa vie privée – et de pousser à un ralentissement des usages du numérique pour revenir à plus de bon sens, de sobriété et de sens de la responsabilité collective.

Miser sur les équipes de terrain

Le plus souvent, les personnes en dehors du top management sont initiatrices de ces prises de conscience, car sensibilisées à ces enjeux de par leur métier. Chef de projet digital, développeur, data analyst… Ils vont pouvoir être force de proposition pour les dirigeants, permettant ainsi de générer un changement à plus grande échelle.

Bref, la question de la pollution numérique se propage sans aucun doute dans le monde de l’entreprise. À l’échelle individuelle comme à l’échelle collective, il s’agit désormais de générer un véritable élan pour prôner une évolution de fond. Sociétés, acteurs de la technologie, collaborateurs mais aussi citoyens… Pour promouvoir de nouvelles façons de consommer le numérique et se projeter dans un avenir plus positif et plus durable, le changement, c’est maintenant !


Photo : Thomas Decamps pour WTTJ

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