Pauline Laigneau : « Je ne suis pas née bonne manageuse »

07 janv. 2022

5min

Pauline Laigneau : « Je ne suis pas née bonne manageuse »
auteur.e
Paulina Jonquères d'Oriola

Journalist & Content Manager

Vous l’avez certainement déjà entendue tendre le micro aux plus grands dirigeants français dans son podcast « Le Gratin ». Pauline Laigneau brille comme peu d’autres entrepreneures dans l’Hexagone ! Il y a 10 ans, elle fondait Gemmyo, une bijouterie 100% en ligne dont elle a minutieusement poli chaque strate jusqu’à parvenir au succès. Un travail d’orfèvre que la jeune femme n’a pas mené en solitaire, puisque son associé n’est autre que son conjoint. Une réussite qui inspire, comme le témoignent les quelque 80 000 followers qui scrutent sa page Instagram. Installée entre Paris et un coin de nature en Suisse, elle nous explique comment elle parvient à maintenir son équilibre tout en accompagnant l’hypercroissance de son entreprise.

Votre double identité

Pour être honnête, quand j’ai démarré sur les réseaux sociaux, je ne m’attendais pas à ce succès. En dehors de l’engouement actuel pour l’entrepreneuriat, c’est notamment la diffusion de mon podcast « Le gratin » qui a permis cette flambée de followers. Dans cette série, j’invite des entrepreneurs à parler de leur business mais aussi de leur équilibre vie pro-perso. Des sujets qui m’intéressent à titre individuel. En revanche, je fais attention à ne pas être seulement un objet médiatique. En réalité, cet aspect ne me prend qu’une demie-journée par semaine. Si j’étais simplement une influenceuse-entrepreneuse, cela tournerait en rond ! Mon podcast se nourrit avant tout de mon expérience en tant que cheffe d’entreprise.

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Votre rapport au stress

Pour moi, la santé mentale des dirigeants n’est pas tabou, mais ça l’est encore pour beaucoup de personnes. Je suis passée par des périodes de haut mais aussi de très bas, et c’est d’ailleurs à ce moment-là que j’ai lancé mes podcasts qui sont une forme de psychothérapie pour moi ! Quand on est entrepreneur, on est tellement engagé que l’on a du mal à prendre du recul. Avec le stress, les dirigeants ont en réalité souvent des problèmes de santé mentale. Cela va de paire aussi avec les questionnements multiples de notre génération en quête de sens et d’impact.

Quand on est entrepreneur, on est tellement engagé que l’on a du mal à prendre du recul.

Le rythme de travail idéal ?

Je pense qu’il n’y a que des cas particuliers et que ce qui vaut pour les uns ne fonctionne pas forcément pour les autres. Certains s’épanouiront en bossant 30 heures par semaine et en s’impliquant dans des projets associatifs par exemple. De mon côté, je travaille 75 heures par semaine, non pas car c’est la condition sine qua none du succès, mais dans mon secteur où la compétition internationale est permanente, c’est ce qui permet aussi à Gemmyo de se différencier. Bien sûr, ce n’est pas une fin en soi si l’on n’aime pas ce que l’on fait. Pour ma part, je suis totalement passionnée et je pense arriver à conserver une certaine forme d’équilibre. Mon équilibre. Le meilleur indicateur, c’est de savoir si l’on est heureux d’aller travailler chaque matin. Et c’est mon cas. Sinon, il faut trouver de nouvelles manières de s’organiser, voire de changer de boulot. Le maître mot, c’est de savoir s’écouter et de ne pas trop se juger ni juger les autres.

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Votre style de leadership

Il faudrait plutôt demander à mes équipes. Je crois que mon trait de personnalité le plus fort, c’est que je suis très directe. Je suis assez « pushy » et je n’hésite pas à faire très rapidement des feedbacks et à tenter de trouver des solutions rapidement quand cela ne va pas. Je pense être aussi à l’écoute et laisser à chacun sa chance. Chaque talent va briller différemment, et il faut parfois opérer des réajustements en interne pour que chacun trouve sa juste place. C’est important pour un leader d’avoir une vision, mais il ne faut pas juste l’imposer.

Votre définition du management au féminin

Je n’aime pas les poncifs mais ce que j’observe, c’est que les femmes ont souvent une écoute plus développée, et qu’elles se mettent au service des autres. Le problème, c’est qu’elles sont par la même plus sensibles au regard des autres. Et dans la prise de décision, cela peut les desservir. Cela est clairement lié à notre passif de « petite fille ». Les hommes ont souvent moins d’états d’âme, même si au sein de mon couple, cela ne se vérifie pas !

Votre plus grande réussite

Je me suis mariée avec mon associé et cela fait 10 ans que nous travaillons ensemble. Ce n’était pas gagné ! Je pense que le succès du duo tient au fait que nous ne nous sommes jamais octroyé de passe-droit et que l’on s’est toujours dit les choses clairement, sans non plus tomber dans l’excès inverse en étant trop durs l’un envers l’autre. Cela a beaucoup marqué la culture d’entreprise. Et c’est sans doute la raison pour laquelle nous avons maintenant trois couples mariés qui se sont formés chez Gemmyo. Sur un effectif de 60, c’est une fierté !

Votre plus gros « fail »

Je ne suis pas née bonne manageuse, je suis meilleure aujourd’hui. Pendant longtemps, j’ai fait des erreurs, à commencer par des recrutements ratés. Au fond de moi, je savais que ce n’était pas la bonne personne mais je l’embauchais car c’était plus facile, moins chronophage. Mon autre défaut, c’est que je n’étais pas non plus assez directe, de peur de froisser les gens. Du coup, je finissais pas exploser au bout d’un moment, ce qui était idiot car au final la personne ne pouvait pas s’améliorer puisque je ne lui faisais pas assez de feedbacks. Maintenant, je suis peut-être tombée dans l’extrême inverse. Comme je le disais, je suis devenue très directe, je suis parfois impatiente et dis trop vite ce que je pense. Le juste milieu n’est pas toujours facile à trouver.

Au fond de moi, je savais que ce n’était pas la bonne personne mais je l’embauchais car c’était plus facile, moins chronophage.

Votre vision du télétravail

Comme beaucoup d’autres entreprises, chez Gemmyo, nous avons mis en place le télétravail de manière très régulière dès l’arrivée de la pandémie. Malgré l’assouplissement des restrictions, cela est apprécié des salariés qui souhaitent se mettre en mode deep work. J’en profite moi aussi pour faire mes business plan sans être dérangée. Mais nous avons également beaucoup de personnes qui avaient vraiment besoin de revenir au bureau. Finalement, ce qui importe une fois de plus, c’est d’adopter le bon dosage. Je crois qu’il est difficile de maintenir la culture d’entreprise si on est à 100% en télétravail. La crise sanitaire m’a donc appris à ne pas adopter de posture rigide et à m’adapter aux aspirations des salariés.

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Plutôt France ou Suisse ?

Je me suis installée en Suisse alors que le siège de mon entreprise est à Paris. C’était un projet que nous mûrissions avec mon mari depuis 2018, et qui a été long à mettre en place car ce n’est pas évident pour un dirigeant de s’éloigner de son siège social. À Paris, j’étais super épanouie dans ma vie de cheffe d’entreprise mais je ne supportais plus de vivre loin de la nature. Cela fait maintenant 6 mois que nous avons déménagé, et le bilan est positif. C’est sûr que les AR sont épuisants et coûteux, mais je ne regrette rien. Quand je suis à Paris, je suis à fond avec mes équipes. Tout ce qui touche au management est profondément humain et je préfère le faire en direct. J’ai trouvé mon équilibre dans cette alternance entre une existence plus lente et une vie à 100 à l’heure. Et le fait de m’éloigner moi-même de Paris a ouvert la voie à d’autres salariés au sein de l’entreprise. Je suis heureuse de montrer que c’est possible !

Photos par Thomas Decamps
Article édité par Ariane Picoche

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