Offres d'emploi bidons, comment les repérer ?

16 févr. 2021

8min

Offres d'emploi bidons, comment les repérer ?
auteur.e
Gabrielle de Loynes

Rédacteur & Photographe

Vente de contrefaçons en ligne, annonces immobilières un peu trop belles pour être vraies, faux concours pour gagner le dernier Iphone : sur Internet, on ne compte plus les offres bidons. Mais voilà qu’elles font du marché de l’emploi, jusqu’ici épargné, leur nouveau terrain de jeu. Offres d’emploi fictives, hameçonnage, annonces trop alléchantes… ces pratiques ne sont pas très fair play, voire même franchement illicites. Résultat ? Le match est truqué et la personne en recherche d’emploi reste sur la touche. Au pire, elle se fera escroquer, au mieux, elle perdra son temps. Arbitre ! Il est temps de sanctionner ces pratiques illicites et de distribuer quelques cartons ! En attendant, voici comment reconnaître et éviter ces offres d’emploi qui ne la jouent pas franc jeu…

Offres d’emploi bidons : des pratiques hors-jeu

Manigances d’escrocs ou techniques douteuses d’agents immobilier, ces offres bidons avaient déjà le don de nous agacer. Mais voilà qu’elles s’attaquent à la recherche d’emploi. Alors ça, ça nous met en boule ! Petit tour de stade de ces pratiques hors-jeu…

Offres plus alléchantes que la réalité : carton vert…

Avant de créer son entreprise CVprofessionnel, Julien André a travaillé plusieurs années auprès de sites de petites annonces. « Il existe une grande variété d’offres d’emploi bidons sur Internet, observe-t-il. Elles sont parfois le fait d’escrocs, mais elles peuvent également résulter d’agissements un peu limites de la part de certaines entreprises. »

Parmi ces pratiques borderline, il y a l’annonce alléchante. « Offre CDI, horaires flexibles, grande autonomie, travail à domicile. » Attrayant non ? Sauf qu’en vous approchant pour la regarder plus en détail… Derrière le CDI se cache en fait une proposition de travail en freelance et une rémunération misérable. « On appelle cela les faux CDI, précise Julien André, l’objectif de l’entreprise est de s’adjoindre vos services à moindre frais. » Alors, bidon ? En effet, il n’y a pas d’emploi à la clé. Juste une mission en freelance mal rémunérée. Allez hop, un petit carton !

Offres d’emploi fictif : carton orange…

Ce sont les plus difficiles à détecter. L’offre d’emploi fictif ressemble en tout point à une annonce sérieuse, mais elle ne correspond à aucun projet de recrutement réel. C’est une façade trompeuse, une vitrine devant le néant. Dans le doute, vous pouvez toujours envoyer votre CV, au mieux, ce sera un coup d’essai. « Il en existe de différentes natures. Il y a d’abord les offres pour des postes inexistants publiées par une entreprise, ou un cabinet de recrutement, dans le seul but de constituer un vivier de CV », explique Julien André. Il peut bien sûr s’agir d’une vieille annonce qui n’a pas été retirée alors qu’elle est pourvue. Un oubli de bonne foi ? Peut-être. Cette omission peut aussi dissimuler un acte délibéré dans le but d’attirer de nouveaux talents pour anticiper des besoins futurs sur des postes à fort turnover…

« On observe également dans l’univers start-up la publication de fausses annonces, ou d’annonces pour des postes déjà pourvus, simplement pour donner l’image d’une entreprise en bonne santé, qui a levé des fonds et qui recrute », poursuit l’expert. Une pratique qui n’est pas l’apanage des startups, puisque nombreux sont les grands groupes qui publient des offres d’emploi déjà pourvus en interne. Le but recherché - régulariser un processus de recrutement officieux - n’est pas le même, mais le résultat l’est tout autant : c’est un coup dans le vent pour le demandeur d’emploi !

« On observe également dans l’univers start-up, la publication de fausses annonces, ou d’annonces pour des postes déjà pourvus, simplement pour donner l’image d’une entreprise en bonne santé » Julien André, fondateur de CVprofessionnel

Enfin, la plus mesquine des offres bidons reste “l’annonce test” : « Des entreprises publient de fausses annonces qui leur permettent en fait de tester la fidélité de leurs employés, reprend-il. C’est-à-dire une veille active pour déterminer si leurs propres employés postulent également dans des entreprises concurrentes. » Si le nom du recruteur est gardé secret sur l’annonce, méfiez-vous. Il pourrait s’agir d’une manœuvre de votre employeur pour savoir si vous voulez quitter l’entreprise… Aïe, cela mérite bien un carton orange !

Fausses offres et arnaques à l’emploi : carton rouge !

On le voit venir de loin. Ce coup-là ne fait pas dans la subtilité. Et, si par malheur, on ne l’évite pas, il peut faire mal, très mal. « Offre CDI, salaire élevé, avantages multiples, travail à domicile, aucune expérience requise », le combo gagnant. Et quand c’est “un peu trop beau pour être vrai”, c’est que ça ne l’est pas ! Cela ne vous rappelle pas quelque chose ? Cette annonce immobilière aperçue la semaine dernière « atelier d’artiste 70m2, Paris centre, dernier étage, terrasse, vue Seine, 950 €/mois… » Une aubaine ! Voilà un mauvais coup bien connu, mais qui en fauche encore plus d’un. Que vous soyez à la recherche d’un job ou d’un appartement, l’annonceur vous demandera tôt ou tard de lui communiquer en urgence vos informations bancaires, vos données personnelles (papier d’identité, numéro de sécurité sociale…), ou de lui envoyer une coquette somme d’argent. « Ces annonces sont plus faciles à détecter, témoigne Julien André. Elles sont moins fréquentes puisque les sites de petites annonces travaillent activement à les évincer. » Outre leur caractère alléchant, elles ont la particularité de privilégier le seul contact écrit - le fraudeur évite le téléphone - et présentent parfois des tournures de phrases alambiquées ou de nombreuses fautes d’orthographe. Pour ces offres là, pas de quartier : carton rouge !

Maintenant que vous en savez plus sur les pratiques douteuses de votre adversaire, il va falloir s’entraîner à les éviter. Échauffez-vous, le coach Julien André vous a prévu une petite check-list de réflexes à adopter…

Parcours d’obstacle : entraînez-vous à éviter les mauvais coups…

Quelle que soit l’annonce qui se présente à vous, faites le test. En deux temps, trois mouvements, apprenez à reconnaître et éviter les offres bidon. Vérifications Google, appel téléphonique, check de l’email source… Top chrono !

1. Méfiez-vous de l’offre parfaite…

Déjà évoquée, l’offre parfaite a tout pour vous faire rêver. Une belle arnaque ! Dites-vous bien qu’un travail reste un travail et, même s’il s’agit du job de vos rêves, en réalité il coche rarement toutes les cases. « C’est une question de bon sens, explique le coach. Si on vous promet un salaire mirobolant, une forte autonomie et de belles responsabilités tout en acceptant les profils sans expérience, c’est forcément louche. » La perle rare existe peut-être, mais si vous décidez de postuler, restez sur vos gardes !

2. Faites attention à la forme…

Plus elle est bidon, plus elle est reconnaissable. La fausse offre d’emploi laisse des traces sur son passage… Fautes d’orthographe, tournures de phrases tarabiscotées, logo de l’entreprise périmé, gardez l’œil ouvert. Parfois, le diable se loge dans de petits détails. Celui qui souhaite vous piéger n’a qu’à utiliser une adresse mail un peu crédible, à usurper un nom et hop ! « Il faut être très vigilant, le nom d’une belle entreprise ou la publication de l’annonce sur un site sérieux ne peuvent malheureusement pas garantir à 100% la fiabilité de l’offre », insiste Julien André. Par exemple, un coup d’œil à l’adresse mail du recruteur peut en dire long. Elle paraît officielle ? Pour en avoir le cœur net, vous pouvez vous rendre sur le site de l’entreprise et comparer le format de l’adresse mail avec celui mentionné dans l’annonce.

3. Remontez l’offre à la source…

Vous avez un doute ? Avant de foncer tête baissée, enquêtez. « Une bonne astuce est de faire une recherche Internet sur l’entreprise, reprend le coach. D’abord, regardez si elle est bien inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés. Ensuite, copiez-collez l’annonce – ou a minima le titre de poste et le nom de l’entreprise – dans votre moteur de recherche et regardez ce qui en ressort. Avec un peu de chance, un forum l’aura déjà signalée comme étant frauduleuse. » Vous pouvez aussi regarder de quand date l’offre. Si elle est ancienne, qu’elle est republiée tous les mois ou que le descriptif de poste est trop générique, c’est mauvais signe ! Ne vous fiez pas toujours aux apparences. En cas de doute, vous pouvez directement contacter l’entreprise concernée pour savoir si l’offre est toujours d’actualité.

4. Infos : ne lâchez-rien !

Lorsque vous répondez à une offre d’emploi, vous n’avez aucune raison d’envoyer votre RIB, la copie de votre CNI, celle de votre carte vitale, vos identifiants bancaires ou tout autre papier ou numéro à caractère personnel. « D’une manière générale, au stade du recrutement, avant la promesse d’embauche, on ne doit pas vous demander d’informations sensibles, informe Julien André. C’est valable pour vous même, mais aussi à propos de votre employeur ou de l’entreprise dans laquelle vous travaillez si vous êtes en poste. » Attention, terrain glissant ! Soyez prudent.e si le recruteur essaie de vous soutirer des informations sensibles.

5. On réclame de l’argent : courrez !

Là, il n’y a plus aucun doute à avoir. C’est une des raisons qui nous pousse à trouver un emploi : gagner de l’argent. Alors qu’on nous en réclame, c’est une telle aberration qu’elle devrait vous mettre sur la piste. Il s’agit d’une arnaque à coup sûr. Ne versez donc aucune somme d’argent et n’acceptez (à ce stade) aucune rétribution. « Si vous avez affaire à un arnaqueur, ne poursuivez pas la communication, coupez court », affirme l’expert. Protégez-vous et courrez !

Flagging : signalez-les toutes !

Pôle emploi et les sites de petites annonces en ont fait leur combat. Le « flagging » - littéralement « signalement » - consiste à dénoncer les offres frauduleuses qui pullulent sur le Net. Vous êtes victime d’une offre bidon ? À défaut d’avoir atteint votre but, préparez une solide défense…

Signalez l’offre bidon à Pôle emploi

Cela consiste ni plus, ni moins à agiter le drapeau rouge. Le flagging, c’est un peu comme signaler à l’arbitre que le joueur ne respecte pas les règles. Il est possible de signaler une offre d’emploi bidon directement sur les plateformes de petites annonces. Mais le plus utile reste de doubler le signalement en contactant Pôle emploi qui a une plus grande marge de manœuvre.

Selon la Direction générale de Pôle emploi interrogée à ce sujet : « Nous ne disposons pas des moyens de contrôle sur les pratiques de recrutement des entreprises, mais nous offrons une possibilité de signalement aux candidats. Nous les traitons et recontactons par la suite les entreprises pour clarifier la situation. » Grâce à de nombreuses actions mises en place, Pôle emploi a pu ainsi diminuer significativement le nombre d’offres d’emploi et de contacts suspects. « À titre d’exemple, poursuit la Direction générale de Pôle emploi, le site cybermalveillance.gouv.fr a créé avec Pôle emploi une rubrique dédiée aux risques liés à l’emploi et au recrutement tant pour les candidats que les recruteurs. » Vous l’avez compris, tout est fait pour signaler les abus.

Dénoncez les faits à Pharos

Vous avez repéré une offre trop alléchante pour être vraie ? Le premier réflexe à avoir est de contacter le site qui héberge l’annonce pour émettre un doute sur sa véracité. Vous pouvez également contacter l’entreprise à l’origine de la publication pour s’assurer qu’elle en est bien l’auteur. Si vous soupçonnez que l’annonce soit frauduleuse, alors rendez-vous sur la plateforme gouvernementale de signalement de comportement illicite nommée Pharos. C’est un peu l’arbitre en chef ! Il a l’avantage de distribuer plus que des petits cartons et, lorsqu’il met un annonceur hors-jeu, ça a le mérite d’être radical…

Escroqué ? Déposez plainte !

Un annonceur a tenté de vous soutirer des informations à caractère personnel, voire de vous réclamer de l’argent ? Ou, pire, a obtenu gain de cause ? Là, c’est au commissariat qu’il faut courir ! Si vous êtes victime d’une tentative ou d’une escroquerie avérée, n’hésitez pas à déposer plainte, car c’est ainsi que l’on luttera définitivement contre les offres frauduleuses. Et si vous avez le moindre doute, contactez votre banque et votre organisme de sécurité sociale sans tarder…

Ça y est, vous savez comment repérer et éviter les mauvais joueurs… Adieu offres bidons et pratiques malhonnêtes, vous n’êtes plus dupe ! Parce qu’au fond, même si au travail il faut savoir s’amuser et prendre du plaisir, le marché de l’emploi n’a rien d’un terrain de jeu. Pour beaucoup, c’est l’enjeu de nos vies qui se joue. Alors mobilisons-nous, jouons-la collectif ! Il est grand temps de renvoyer ces annonceurs abusifs dans leurs buts !

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Photo d’illustration by WTTJ

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