Raconter le monde et ses enjeux, le métier de journaliste

14 nov. 2019

6min

Raconter le monde et ses enjeux, le métier de journaliste
auteur.e
Romain Mielcarek

Explorateur du monde militaire et des zones de guerres.

Après plusieurs années d’expérience comme journaliste politique, Ivan Valerio est devenu directeur adjoint du site Internet de BFM TV. Aujourd’hui à la tête d’une équipe d’une cinquantaine de personnes, il est à la fois journaliste et manageur.

En quoi consiste le métier de journaliste ?

Pour moi, un journaliste, c’est avant tout quelqu’un de curieux, qui va raconter ce qu’il voit, avec honnêteté, sans préjugés. Quelqu’un qui remet une situation ou un événement en perspective, qui permet d’en comprendre les enjeux.

Des études à BFM TV, quel a été votre parcours ?

Après mon BAC, j’ai fait un master d’histoire contemporaine, avant d’attaquer le marathon des concours d’écoles de journalisme. J’ai choisi le CELSA, à Paris où j’ai fait un master de journalisme avec spécialisation télévision. J’ai fait mon dernier stage et mon premier job à l’agence CAPA, où j’ai intégré un département naissant, dédié au numérique, dans lequel j’ai fait du webdocumentaire. J’ai ensuite passé un peu moins de trois ans au Lab d’Europe 1 où j’étais journaliste politique. Après un passage au Scan du Figaro, j’ai été contacté en janvier 2015, pour devenir rédacteur en chef du site de BFM TV et du site de RMC. En mai dernier, je suis devenu directeur adjoint de la rédaction.

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Comment se compose votre journée ?

Mes journées commencent avec la lecture de la presse et la radio au petit matin. J’arrive au bureau vers 9h, pour animer la conférence de rédaction. Je quitte le bureau autour de 20h. J’encadre la rédaction toute la journée, j’organise son bon fonctionnement, la coordination des différents services, je valide certains sujets et je participe aux développements futurs.

J’encadre la rédaction toute la journée, j’organise son bon fonctionnement, la coordination des différents services, je valide certains sujets et je participe aux développements futurs.

BFMTV.com est une rédaction numérique. Quelles sont les spécificités du métier de journaliste en ligne ?

Je ne pense pas qu’il y ait une seule manière de faire du journalisme en ligne. Il peut y avoir des pratiques très diverses : du long format, de l’information en continu, des contenus qui se rapprochent de la presse écrite et d’autres plus riches en multimédia. Nous, nous faisons de l’actualité en continu. C’est un journalisme dans lequel on doit réagir rapidement. Dans un premier temps, nous devons faire savoir et ensuite, nous devons faire comprendre. La majorité de nos journalistes viennent de l’écrit, contrairement à ce qui se fait de l’autre côté du couloir où l’on fait de la télévision.

Les pratiques de notre public sont également particulières : 80% de nos lecteurs nous lisent sur un smartphone. Cela implique qu’on puisse nous suivre aussi bien sur le grand écran d’un ordinateur que sur un téléphone avec une plus ou moins bonne connexion. Cela entraine des effets sur notre production : cela nous oblige à rendre l’information accessible, avec des textes relativement courts par exemple.

Nous faisons de l’actualité en continu (…) Dans un premier temps, nous devons faire savoir et ensuite, nous devons faire comprendre.

Quels types de métiers trouve-t-on dans une rédaction comme la vôtre ?

Nous avons des métiers plus variés que dans un média de presse écrite ou audiovisuelle classique. Nous avons des community managers, des rédacteurs, un data-journaliste. Nous avons également des profils qui ne sont pas journalistes mais qui travaillent avec les journalistes, au service de l’information, en faisant de la vidéo ou du motion design, par exemple.

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Lorsqu’on pense au journalisme, on pense assez spontanément au reportage, au terrain. Peut-on faire ce métier en restant derrière son bureau ?

Je continue clairement de penser que l’essence de notre métier, c’est d’aller sur le terrain voir comment se passent les choses. D’ailleurs c’est ce qu’on fait chez BFM TV : au sein de la maison, nous avons 300 journalistes qui vont au contact des gens et de l’actualité, pour raconter ce qui se passe. C’est difficile de trouver une actu où il n’y a pas déjà deux, voire trois caméras de BFM TV. Au web nous faisons essentiellement du « desk » (terme qualifiant le journalisme depuis un ordinateur, sans sortir à l’extérieur, ndlr). Pas uniquement, mais essentiellement. La question qu’on se pose régulièrement c’est « est-ce que si nous, nous envoyons quelqu’un sur le terrain en plus des reporters TV, il y aura quelque chose de plus à apporter ? ». Si c’est le cas, on peut y aller.

Je continue clairement de penser que l’essence de notre métier, c’est d’aller sur le terrain voir comment se passent les choses.

Et comment, dans ce cadre, apportez-vous votre contribution à l’information du public ?

En respectant les fondamentaux de notre métier : recouper une info, la mettre en contexte, hiérarchiser, vérifier. Et ça, nous pouvons le faire, y compris depuis un bureau : une info tombe, nous passons des coups de fil, nous contactons des sources ou un de nos journalistes sur place.

À quel moment pouvez-vous vous dire : là, face à l’actualité, j’ai fait mon devoir de journaliste ?

C’est difficile dans notre métier de se dire cela. De l’actualité, il y en a toujours. Ça ne se termine jamais. On peut avoir ce sentiment quand on a réussi à sortir une bonne info. Quand on a choisi un angle qui a touché les gens, qui a suscité des réactions et des échanges sur les réseaux sociaux. Quand on a le sentiment de s’être posé des questions que les autres ne se sont pas posées et que ça a éclairé le public. Mais il y a des jours où on est inspiré et d’autres moins.

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Les journalistes en général, et ceux de BFM TV en particulier, sont très critiqués en ce moment. Comment vivez-vous cette situation ?

Ce n’est pas un plaisir. J’ai intégré l’idée qu’être critiqué fait partie du job. Ça fait partie des défis que nous avons collectivement dans la presse. J’ai une formation de journaliste politique. Dès le départ, je ne le fais pas pour être aimé et apprécié. Evidemment, ça fait plaisir quand on reçoit un message pour dire qu’on a appris quelque chose en lisant votre papier. Mais on ne fait pas ce métier pour ça. La crise de confiance que nous vivons dans le métier nous fait réfléchir. Mais nous vivons avec et nous essayons de bien faire notre job pour faire en sorte que cette confiance revienne.

J’ai intégré l’idée qu’être critiqué fait partie du job. Ça fait partie des défis que nous avons collectivement dans la presse.

Aujourd’hui, vous êtes directeur adjoint du site de BFM TV. Vous encadrez donc une équipe. Est-ce que ça fait de vous un “super-journaliste” ou un manager ?

Un peu des deux je pense (rires) ! L’une des difficultés de notre métier c’est que, souvent, les encadrants ne sont pas formés pour ça. Ce sont en général des journalistes qui ont progressé dans la hiérarchie d’une entreprise. Un bon journaliste ne fait pas forcément un bon manager. J’ai l’impression d’être à la fois un encadrant et un journaliste. J’encadre une équipe de 50 journalistes, mais je suis présent tous les matins et tous les soirs en conférence de rédaction, où nous trouvons des idées de sujets, des angles. Il m’arrive encore d’écrire quelques papiers, même si ma journée est très prise par les tâches d’encadrement. Alors non, je n’ai pas l’impression d’être un “super journaliste”, mais j’ai l’impression d’être à la fois un journaliste et un encadrant.

Le secteur semble particulièrement bouché pour les candidats. Pensez-vous qu’il y ait de la place tout de même pour quelqu’un qui souhaiterait faire ce métier ?

C’est vrai que c’est un métier qui n’est pas simple. Il faut de la persévérance. Mais oui, il y a de la place, il y a toujours des opportunités. On ne commence pas toujours par un dream job. Il faut savoir mettre le pied dans la porte, être à la fois réaliste et un peu opportuniste, dans le sens positif du terme. Il ne faut pas avoir peur du travail : ce métier demande de beaucoup bosser. Rares sont ceux qui sont confortablement installés. Il ne faut pas avoir peur de ça. Et même si c’est un métier compliqué, ça reste un beau métier, dans lequel je m’éclate toujours autant. J’aime être là où ça se passe, raconter et transmettre des choses.

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Un conseil à donner à ceux qui souhaiteraient tenter l’aventure ?

Oui. C’est probablement un peu bateau, mais il faut être curieux avant tout. Ça ne veut pas dire qu’on va travailler sur tout et qu’on va être légitime sur tout. Mais tout de même, s’il y a plein de choses auxquelles on ne s’intéresse pas du tout, c’est un problème. Un autre conseil que je peux donner : cultivez vos obsessions. Souvent, dans les écoles de journalistes, nous avons tendance à former à beaucoup de polyvalence, pour ne pas se fermer de portes. Mais quand je reçois des candidats en entretien d’embauche, j’apprécie d’avoir des gens qui soient certes polyvalents, mais qui aient aussi leurs petites obsessions, pour apporter quelque chose en plus. Peu importe le sujet : que ce soit les têtes couronnées, le rap, les questions d’éducation, la crypto-monnaie… Ça apporte du relief et de la richesse au sein d’une rédaction.

Quand je reçois des candidats en entretien d’embauche, j’apprécie d’avoir des gens qui soient certes polyvalents, mais qui aient aussi leurs petites obsessions, pour apporter quelque chose en plus.

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Photo by WTTJ