Miser sur les start-up à fort potentiel, le métier d’analyste en Venture Capital

21 mars 2019

7min

Miser sur les start-up à fort potentiel, le métier d’analyste en Venture Capital
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Analyste dans un fonds d’investissement. L’intitulé crispe un peu. On pense quasi instantanément tableur Excel et business plan. Pourtant, le métier, aussi obscur que soit son titre, se joue d’abord et avant tout sur le terrain, dans la relation, à la rencontre de ceux et celles qui portent les projets de demain et recherchent du soutien pour les mettre en œuvre. La finance ? Il faut les notions fondamentales mais ce n’est pas le plus important. Entretien avec Manon Gazzotti, analyste en Venture Capital chez XAnge, spécialisé dans le financement et l’accompagnement de start-up du Digital, de la DeepTech et de l’Impact sociétal. Elle nous raconte avec engouement cette passion de l’entrepreneuriat et de l’innovation dont elle a fait son métier.

Quel est le périmètre d’un.e analyste dans un fonds d’investissement ?

Le principe de mon métier, c’est de rencontrer des entrepreneurs passionnés, identifier les start-up qui correspondent à notre thèse d’investissement, de les financer de les accompagner dans leur développement. Selon le fonds d’investissement, le périmètre du poste peut varier. Chez XAnge, c’est assez global. Il y a trois grands axes majeurs :

  • Le sourcing : l’inbound et l’outbound.
    On reçoit beaucoup de dossiers de personnes qui veulent lever des fonds et, dans ces cas-là, notre travail consiste à faire un premier filtre pour qualifier chaque société et voir si on va entrer, ou non, dans une phase d’analyse approfondie. C’est ce que l’on appelle l’inbound.
    Et puis il y a l’outbound. Là c’est à nous de faire du sourcing de start-up que l’on trouve intéressantes, sur des secteurs pertinents et que l’on a envie d’analyser. Donc, en résumé, toute la première partie du métier, c’est de trouver la bonne boite et la bonne équipe avec qui on va pouvoir travailler.
  • Ensuite, on rentre dans le détail et on établit des convictions d’équipe.
    La deuxième partie va consister à rentrer dans le détail de la start-up, faire des rendez-vous avec elle, analyser sa croissance, son business model, son marché, rencontrer l’équipe et établir une relation de confiance avec les fondateurs. On fait cela en binôme avec un Partner de l’équipe (un directeur d’investissement associé, ndlr.). C’est une deuxième partie plus analytique que la première. Suivant si on investit ou pas, il va falloir valider le montage financier, la documentation, les termes juridiques. Étudier une société c’est se plonger dans son univers : tester le produit, comprendre l’évolution du marché et des concurrents, interviewer des experts du secteur, les clients et utilisateurs. Cela suppose de nombreux points d’attention mais le critère principal reste l’équipe.
  • La troisième partie, c’est le suivi des participations une fois que l’on a investi.  Suivre les start-up, souvent en binôme, en participant au board, en faisant régulièrement des recherches sur des questions de fond des entrepreneurs ou encore en les aidant dans leurs prochaines levées de fonds.

Le principe de mon métier, c’est d’identifier les start-up qui ont un potentiel de marché,  de les financer de les accompagner dans leur développement.

Qu’est-ce qui t’a amené à ce métier ?

En école, j’étais passionnée d’entrepreneuriat et d’innovation. C’était assez instinctif et évident dans mes projets étudiants. J’ai fait un premier stage dans un incubateur, qui s’appelle Makesense et j’y ai accompagné les entrepreneurs sociaux. À la fin de cette expérience-là, je me suis rendue compte qu’il y avait une question que je trouvais particulièrement intéressante. J’ai donc regardé dans les fonds qui étaient hybrides et qui travaillaient sur des projets avec des enjeux d’impact social et environnemental. J’ai découvert XAnge qui est à la fois un fonds d’investissement pour les start-up du digital (Lydia, Evaneos, Bergamotte…) mais aussi pour les start-up ayant un impact sociétal (La ruche qui dit oui !, Microdon, Wandercraft…). Je suis arrivée dans une logique de découverte, avec l’envie de comprendre comment cela fonctionnait et finalement cela m’a beaucoup plu alors je suis restée.

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Y-a-t’il un schéma classique pour accéder à ce métier ?

J’ai fait une école de commerce, un master en stratégie et entrepreneuriat et j’ai voulu compléter par un master en finance d’entreprise en me disant que cela allait être un plus pour travailler dans cet environnement-là. C’était intéressant mais ce n’était finalement pas nécessaire. On finance avant tout des entrepreneurs plus que des business plans sur Excel.

Longtemps, on pensait qu’il fallait avoir une première expérience de conseil ou fait un stage en M&A ou en finance. Aujourd’hui, on valorise différents types de profils.

Longtemps, on pensait qu’il fallait avoir une première expérience de conseil ou fait un stage en M&A ou en finance. Aujourd’hui, on valorise différents types de profils. Des profils techniques ou d’ingénieurs, des anciens entrepreneurs, des gens qui ont de vraies compétences pratiques et opérationnelles. En revanche, s’il y a un lien entre tous ces profils-là, c’est bien l’appétence forte pour la Tech et l’écosystème start-up.

Concrètement, à quoi ressemble ton quotidien ?

Un des avantages, c’est qu’il n’y a pas de journée type même s’il y a des schémas. Dans les activités récurrentes, il y a :

  • Les réunions d’équipe : chacun pitch les sociétés sur lesquelles il travaille et on prend la décision, ensemble, d’investir ou pas;
  • Les rencontres avec les entrepreneurs qui viennent présenter leur boite;
  • L’accompagnement des boites que l’on a déjà dans notre portefeuille : cela peut être, par exemple, un travail sur le business plan d’une boite qui est en train de préparer une nouvelle levée de fonds.
    Au cours d’une journée, on peut vraiment jouer sur ces différents tableaux. Il y a un vrai équilibre entre du travail d’analyse derrière un ordinateur et des rendez-vous en physique avec des entrepreneurs ou des incubateurs.

Il y a un vrai équilibre entre du travail d’analyse derrière un ordinateur et des rendez-vous en physique avec des entrepreneurs ou des incubateurs.

Travailles-tu seule ou en équipe ? Qui sont tes interlocuteurs/partenaires s’il y en a ?

On travaille plutôt en équipe, on partage nos informations, on réfléchit tous ensemble. Les décisions se prennent avec l’ensemble de la team mais le travail d’analyse se fait souvent en binôme. Les binômes ne sont pas figés et changent en fonction des sujets. Parmi les interlocuteurs externes, on échange avec les entrepreneurs, les incubateurs, les investisseurs des autres fonds avec qui on co-investit régulièrement dans les sociétés et les apporteurs d’affaires ou leveurs de fonds comme Cambon, Clipperton.

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Tu es spécialiste de l’investissement dans les projets à impact social. Peux-tu nous expliquer de quoi il s’agit ?

XAnge n’est pas un fonds d’impact, mais l’impact est un de nos axes d’investissement à côté de la Deeptech et du Digital. Concernant l’impact on a fait le choix de financer des start-up qui ont, de par leur innovation, un impact social ou environnemental, l’impact est au cœur du produit. On est à la recherche d’un double bénéfice : à la fois financier et sociétal. Nous sommes convaincus qu’un marché d’avenir, c’est un marché qui va dans le sens de l’histoire et d’un impact positif.

Nous sommes convaincus qu’un marché d’avenir c’est un marché qui va dans le sens de l’histoire et d’un impact positif.

C’est quoi avoir un impact positif alors ?

C’est une vraie question que l’on essaie de se reposer tout le temps. Il y a évidemment plein de grilles de lectures. Je ne pense pas qu’il y ait une bonne réponse à cette question-là car chacun a son interprétation. Le terme “Impact Investing” est apparu seulement en 2007 et le concept reste en construction. Cependant depuis la publication des 17 Objectifs du Développement Durable de l’ONU en 2016 quelques grandes catégories s’instaurent : l’inclusion, l’environnement, la protection des données personnelles, l’éducation, l’apprentissage en continu, le logement et l’alimentation durable.

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Qu’est ce qui fonde la valeur d’un projet d’entreprise ?

L’équipe est l’élément clé et le premier facteur de succès. On investit dans des projets très jeunes qui s’apprêtent parfois à créer un marché. On a donc peu d’éléments auxquels se raccrocher. Les autres critères varient largement selon les sujets. Pour citer quelques points clés :

  • Le marché : est-ce un marché avec suffisamment de profondeur et quelles sont les tendances macro ?
  • La traction : est-ce une entreprise en croissance sur le plan de ses utilisateurs ou de ses clients ?
  • Le produit et la Tech : le service rendu est-il dix fois meilleur que l’existant et y a t-il des barrières à l’entrée ?

Mais, même si on essaie de se raccrocher à nos grilles d’analyse le plus possible, nous manquons souvent d’informations en particulier avec les start-up early stage. Il y a donc toujours une part d’intuition, de feeling, c’est justement ce qui rend ce métier super intéressant !

Il y a toujours une part d’intuition, de feeling, c’est justement ce qui rend ce métier super intéressant !

Qu’est-ce que tu aimes le plus dans ton métier ?

J’aime rencontrer des entrepreneurs passionnés par ce qu’ils sont en train de créer, des gens soucieux de développer des innovations qui ont du sens. C’est un métier où l’on découvre constamment une nouvelle industrie, un nouveau produit.

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Qu’est-ce que tu aimes le moins ?

Je vois deux choses qui peuvent être frustrantes parfois. On ne devient pas expert d’un secteur ou d’une industrie, il faut accepter d’être généraliste. L’autre point, c’est le fait de voir des gens qui sont à 100% dans l’exécution, qui sont en train de créer et d’avancer sur un produit alors que notre métier se situe plus dans l’analyse et l’observation.

Quelles qualités faut-il posséder/développer pour exercer le métier d’analyste en Venture Capital ?

C’est un métier à cheval entre deux compétences : un volet analytique, qui suppose un travail assez carré et rigoureux et un volet commercial dans le sens où il faut avoir des rendez-vous, échanger, comprendre les gens. On a besoin des deux pour bien conduire notre mission.

C’est un métier à cheval entre deux compétences : un volet analytique (…) et un volet commercial.

Quel(s) conseil(s) donnerais-tu à ceux qui voudraient s’orienter vers ce métier ?

Je pense que c’est important d’avoir des convictions sur certains secteurs et de savoir les remettre en question. Par exemple, je me suis récemment intéressée au sujet des données personnelles et je suis convaincue qu’il y a beaucoup à faire sur cette problématique. 30 ans après la création du web, il devient nécessaire de permettre à tout un chacun de protéger ses données et aux entreprises d’avoir les outils pour mieux les traiter. Je m’intéresse également de près aux Agritechs ou encore aux nouvelles solutions RH.

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On soutient aussi énormément de projets positifs qui n’entrent pas dans la catégorie Impact à proprement parler. On peut citer par exemple Lydia, un service qu’on utilise tous et qui a transformé les usages en matière de remboursement. Et vous, Welcome to The Jungle, qui est une entreprise à mission dont l’ambition est de permettre aux candidats de trouver la boite qui leur correspond le mieux tout en remettant de la transparence dans le processus de recrutement et en revalorisant les métiers.

Est-ce que tu penses avoir de l’impact grâce à ton travail ?

Oui, on finance peu de start-up mais quand on décide de financer une boite, cela a un impact fort : la start-up peut créer de l’emploi et de la valeur auprès des ses utilisateurs. Notre impact passe aussi par le choix des modèles que nous finançons. C’est quand même top de pouvoir se dire que l’on met un coup de boost sur des modèles d’avenir ou sur des projets qui veulent limiter les externalités négatives ou dysfonctionnements propres à certaines industries très opaques, remettre de la transparence et de la simplicité dans les usages.

C’est quand même top de pouvoir se dire que l’on met un coup de boost sur des modèles d’avenir.

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Photo by WTTJ